1. Thomas Demand
    Vue de l'exposition Thomas Demand. Le bégaiement de l'histoire © Jeu de Paume / François Lauginie
  2. Thomas Demand
    Vue de l'exposition Thomas Demand. Le bégaiement de l'histoire © Jeu de Paume / François LauginieThomas Demand

Critique

Thomas Demand : Le bégaiement de l’histoire

5 sur 5 étoiles
Pour la première fois en France, le Jeu de Paume consacre une rétrospective de grande ampleur à l’artiste protéiforme allemand, Thomas Demand
  • Art
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Zoé Terouinard
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Time Out dit

Photographe, sculpteur, maquettiste… Difficile de définir la pratique de l’artiste munichois Thomas Demand. Depuis les années 1990, dans une sorte d’Inception artistique, il s'attelle à maquetter, en carton, de manière ultra-réaliste et à l’échelle 1/1, des scènes repérées dans les médias, qu’il shoote avant de tout détruire. Ne reste plus que ces “photos-copies”, avec l’idée de questionner notre rapport au monde et, surtout, à la réalité. Vous suivez ? 

Tout aussi conceptuelle que l’artiste qu’elle met à l’honneur, l’exposition du Jeu de Paume rassemble près de 70 de ses œuvres (dont pas mal de formats monumentaux impressionnants), réparties en quatre volets. On se retrouve face à des séries sans son et sans indices, qui nous laissent perplexes. Bizarrement, l’instinct se met en alerte devant les tirages XXL de Demand et on sent que ces bureaux, ces plateaux télé, ces salles de bains a priori génériques, ont été le théâtre d’événements mystérieux. La série Refuge (2021) reproduit par exemple le cadre de la chambre d’hôtel (très glauque) hongkongaise dans laquelle se serait caché le lanceur d’alerte Edward Snowden. Quant au complexe scientifico-industriel Control Room (2011), il reconstitue, d’après une photo tirée du portable d’un technicien, la salle de contrôle de la centrale nucléaire abandonnée de Fukushima après le tsunami.

Plutôt que d’exposer directement les catastrophes, le plasticien allemand nous montre des images de catastrophe, et ça fait toute la différence. “Je ne suis pas une pipe”, disait l’œuvre de Magritte. Eh bien, toutes les photographies de Thomas Demand pourraient être sous-titrées “Je ne suis pas une scène de crime” – mais bien la photo d’une maquette. Une distinction aussi déstabilisante que captivante.

Sans exagérer, l’expo est parfaite. A travers une scéno aussi dramatique que les œuvres et des cartels parfaitement détaillés, le visiteur bégaie à son tour et hésite, tout au long du parcours, entre zone de confort et crise d’angoisse.

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