Pour démarrer sa nouvelle saison, le Jeu de Paume célèbre Tina Barney, star incontestée de la photo aux États-Unis qui, étrangement, n’avait jamais eu droit à une grosse rétrospective en Europe. La faute à un style peut-être trop clinquant pour les Parisiens, plus habitués à l’austérité du noir et blanc cher à Magnum. Là où les Européens préfèrent l’épure, la New-Yorkaise mise sur le bling façon soap-opéra, capturant la bourgeoisie américaine comme dans un épisode des Feux de l’amour. En 55 clichés, Tina Barney met en scène l’intimité des WASP qu’elle connaît si bien, ayant elle-même grandi dans ce milieu privilégié.
Sa photographie, en apparence sincère, cache une mise en scène hyper-étudiée, presque cinématographique, où chaque détail est soigneusement pensé selon les canons de l’histoire de l’art. Family Commission with Snake (2007) renvoie ainsi à La Famille de Velasquez de Juan Bautista Martínez del Mazo (1664), tandis que Jill and Polly in the Bathroom réinvente La Vénus au miroir de Rubens (1615) grâce à une utilisation savante du miroir, cher à la peinture flamande. Derrière les poses figées et le glamour, Barney dévoile une critique subtile, parfois affectueuse, de l’élite américaine.
La rétrospective se déploie sur deux salles, avec une scénographie aérée, suspendant les grands formats au-dessus du sol brut du Jeu de Paume, comme pour nous plonger dans ces scènes mondaines. Ce dispositif fonctionne à merveille pour ses portraits familiaux, mais son impact s’essouffle avec ses travaux plus récents, qui, plus commerciaux, nous maintiennent un peu à distance de ce monde ultra-luxueux.