Le quartier de Arts et Métiers n'a jamais aussi bien porté son nom qu'aujourd'hui. Vivier de créateurs, d'artisans et d'artistes, les quelques rues étroites entre République et Rambuteau regorgent de galeries où le geste artisanal se marie à la touche créatrice. Made In Town est l'une d'elles. Carré lumineux aux grandes fenêtres ouvertes sur la vie de la rue de Vertbois et à la mezzanine japonaise, elle accueille en ce moment le projet de Nathalie Jacquault, 'Design For Peace', qui, comme son nom l'indique, œuvre à la réconciliation des peuples grâce au design.
Tout commence à l'été 2015, lorsqu’Afrika Tiss, en collaboration avec l'UNHCR (Haut Commissariat des Nations unies pour les Réfugiés), décide de lancer un programme destiné à aider les réfugiés maliens au Burkina Faso. Nathalie Jacquault propose alors d'utiliser le design pour rassembler. Durant cinquante jours, artisans réfugiés et jeunes designers parisiens créent ensemble des objets issus de la culture nomade du peuple touareg et de leur histoire de déplacés : bijoux, lampes, plateaux à thé, calebasses, sacs... S'inspirant des paysages que ces peuples traversent, les productions rappellent tantôt le désert – terre sableuse de traces et de repères – tantôt les chameaux – chargés de leur existence sans cesse en mouvement – tantôt les oasis, – havre de paix où le repos s'accompagne de l'attente, du thé et de la conversation.
‘Transhumance’, la première collection de Design For Peace, s’avère donc belle, sobre, élégante et remplie de récits nomades. Entre voyage et exil, elle nous transporte dans la complexité de ces déplacements, au cœur du paysage poétique mais brutal de ces espaces déchirés. Le regard inventif, plein de vigueur et de désir d'expérimentation des ces jeunes designers apporte une fantaisie ingénieuse permettant aux artisans réfugiés de transformer leur quotidien en se le réappropriant. Ainsi, leur savoir-faire est valorisé par l'apport sophistiqué du design. Sac à franges du plus grand chic, plateau de bronze et cuir, lampe torche épurée à la fibre naturelle… L’alliage de ces deux simplicités (matière et design) rend ainsi cette collection passionnante. Et la beauté qu’engendre la rencontre de ces deux univers donne envie de porter ces bijoux, d'allumer ces lampes et de boire dans ces calebasses. Parce qu'elles ont été fabriquées avec patience, investissement, ruse et débrouillardise, les pièces présentées ont ce charme du prototype, de la pièce unique, de l'effort accumulé.
Les fruits de cette exposition, deuxième étape du projet après la longue résidence à Ouagadougou, ne demandent maintenant qu'à se diffuser, à venir habiter nos intérieurs et nous tenir compagnie. Leur dimension sociale et solidaire n’en sera alors que renforcée puisque les premiers artisans créateurs deviendront ensuite formateurs d'autres artisans africains. Véritable union des savoirs, Design For Peace bâtit une autre façon de faire, basée sur des gestes simples, un dialogue multiculturel et une transmission au-delà des frontières.
Rêveur devant ces productions chargées des histoires de mains, de peuples et de savoirs qui s'exposent en toute humilité, on resterait bien à flâner parmi elles encore quelques heures. Alors, en rentrant, on file soutenir le projet sur la plateforme bien connue de crowdfunding KissKissBankBank !