Pour qui ? Les héritiers arty de Lévi-Strauss.
Voir quoi ? Une confrontation musclée entre passé et présent.
Sur le papier, le musée de Saint Denis ne fait pas fantasmer, on vous l’accorde. Pur musée d’histoire où la Commune de Paris flirte avec des fouilles archéologiques médiévales, il abrite pourtant des fonds contemporains constitués d'œuvres de Paul Éluard, Joan Miró ou encore Pablo Picasso, souvent teintées de primitivisme. L’expo Un.e Air.e de famille constituait donc l’occasion idéale de faire dialoguer ces collections avec les œuvres d’artistes contemporaines issues des diasporas africaines. Le but de l’expo ? Mettre en lumière les engagements communs et les différents regards portés sur le continent africain à travers les époques. Alors, ça donne quoi ?
Les mecs - surtout surréalistes - issus des fonds dionysiens sont ainsi confrontés aux visions des femmes d’aujourd’hui dont les voix, longtemps considérées comme minoritaires, s’expriment enfin à travers diverses pratiques. A la fascination de “l’Orient” ultra ethnocentré des peintres masculins du début XXe siècle s’opposent donc les regards contemporains de celles que les musées ont trop souvent ignorées. Un parti pris fort accentué par des œuvres tout aussi puissantes qui ponctuent un parcours thématique bien ficelé.
Retenons notamment l'œuvre vidéo No de Nadia Kaabi-Linke (Tunisie / Allemagne) où le questionnaire de la UK Border Patrol Agency prend des airs de prêche paroissiale. Mais aussi la série Flowers de l’artiste gabonaise Owanto, nichée dans la chapelle de l’établissement, qui met le coup de projo nécessaire sur les rituels de mutilation génitale féminine grâce à des photos en grand format où l’intimité des jeunes filles est cachée par de gigantesques fleurs en porcelaine.
Politique et poétique, l’expo propose une nouvelle lecture de la modernité en dehors des frontières et du temps. L’occasion aussi de découvrir le bel espace qu’est le musée de Saint-Denis dont la pierre chargée d’histoire offre une pause bienvenue à la succession de white cubes parisiens.