La guerre par ceux qui l'ont vécue. Peintres missionnés, photographes amateurs, dessinateurs sur le vif, services cinématographiques : la Grande Guerre est la première à avoir donné lieu à autant de représentations réalisées « en direct ». Vues du front. Et rapidement, cette iconographie plus ou moins officielle (la photo amateur est interdite par l'état-major, mais dans le fond tolérée) se retrouve dans la presse du monde entier : il y a cent ans déjà, l'image circulait rapidement, et il n'était pas rare par exemple que les journaux français, anglais et russes s'abreuvent des mêmes clichés – parfois, d’ailleurs, avec des légendes radicalement différentes.
Exposition historique, 'Vu du front' présente un parcours riche, précis, pédagogique, très documenté (un peu long même) et international, qui décompose les représentations de 1914-1918 sous toutes leurs coutures. Alors qu'en 1914, la propagande régit la plupart des images produites (exploitées jusqu'à la lie sous forme d'affiches, de cartes postales ou de tracts largués derrière les lignes ennemies), rapidement, l'ambiance n'est plus à la caricature et à l'humiliation de l'adversaire. Sont représentées les conditions atroces de ce conflit qui industrialise la mort, les difficultés à s'affronter dans des paysages extrêmes, l'enfouissement des tranchées. Malgré le contexte épouvantable, le besoin de témoigner est tel qu'on fabrique artisanalement son propre appareil photo, qu'on dessine sur du papier récupéré de mauvaise qualité, qu'on colore le ciel en vert parce qu'on n'a pas de bleu sous la main... et que l'on finit même par peindre sur des os (!).
Entre classicisme et avant-gardes, c'est tout le bouillonnement de l'art du début du XXe siècle qui se côtoie dans le sang et la cendre, comme le cubisme de Jacques Villon ou le futurisme de Félix Del Marle. Tandis que l'Allemand Otto Dix se pose en observateur froid après avoir attendu quelques années pour habiller, avec le recul, ses dessins d'une violente charge politique, Fernand Léger (pourtant l’auteur de pages marquantes sur les soldats sacrifiés) ne parvient à représenter que des machines détruites ou des hommes presque apaisés. Félix Vallotton, lui, signe dans l’horreur ses œuvres les plus audacieuses, comme ce 'Verdun' livré au chaos de lumières géométriques. Quant à André Masson, il lui faudra digérer la Première Guerre mondiale pendant soixante ans avant de pouvoir enfin coucher sur le papier la noirceur de ses souvenirs des années 1916-1917. Voilà qui laisse entrevoir ce que fut vraiment cette monstrueuse boucherie, aux premières loges.
> Horaires : tous les jours de 10h à 18h jusqu'au 31 octobre ; tous les jours (sauf le 25 décembre et le 1er janvier) de 10h à 17h à partir du 1er novembre.
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