Critique

Walasse Ting, le voleur de fleurs (1929-2011)

4 sur 5 étoiles
Emotions à fleur de peau pour la première grande rétrospective du « voleur de fleurs ».
  • Art, Peinture
  • Recommandé
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Time Out dit

Erotique sans être libidineux, avant-gardiste sans être vaniteux, vaporeux sans chercher à nous enfumer, l’art du sino-américain Walasse Ting embellit le musée Cernuschi comme un sourire illuminerait le visage d’une (déjà) très jolie femme. Un sourire un peu narquois, presqu’insolent, énigmatique et terriblement attirant.

L’union des antinomies

Sur les murs blancs, émail immaculé, éclos par touches d’encre et d’acrylique jetées avec vivacité, un champ de couleurs. Des étendues pop, des drippings aux teintes franches et des coulées de peinture enfiévrées qui s’avèrent d’autant plus animées qu’elles contrastent avec les abstractions calligraphiques noires, blanches et or des débuts de Walasse Ting. Ces tableaux mythologiques, incrustés d’animaux légendaires et intimidants – à l’image de ‘Araignée blanche et serpent blanc’ –, possèdent la superbe majesté des xylographies traditionnelles chinoises. Quant aux nus féminins, aux éventails agités nonchalamment et aux nuées de sauterelles obsessionnelles (signature visuelle du peintre, telles les grues pour le maître Ito Jakuchu) de sa période CoBrA, ils rappellent indéniablement les estampes d’Asie.

Garant d’une influence et d’un savoir-faire ancestral, Walasse Ting est cependant loin d’être passéiste. Il sait insuffler à ses ascendances natales sa fougue et ses expérimentations artistiques. Détournant les icônes de l’Orient avec la spontanéité du mouvement figuratif auquel il adhère en Occident, le peintre entretient des rapports passionnés entre ses deux entités créatives. Des liaisons conjugales maintes fois consommées qui donnent naissance à des chefs-d’œuvre. Cet amour de la dualité complémentaire, du mélange évident de deux univers disparates, se retrouve d’ailleurs dans les tableaux à quatre mains que Walasse Ting a réalisés avec son grand ami et complice Pierre Alechinsky. Notamment dans la toile collective, mais comme scindée en deux, ’57 sauterelles et une libellule sous la fenêtre bleue’.

Poète des mots et du pinceau 

Si Walasse Ting laisse parfois éclater sa rage fauviste dans une gestuelle ample et débridée, il use également de sensualité et de subtilité pour aborder la chair sans en avoir l’air. Pudique, il se cache derrière ce surnom polisson de « voleur de fleurs » et fait appel à l’humour ainsi qu’à la référence antique pour justifier d’une allusive volupté. La ‘Naissance de Vénus’, parapluie multicolore ouvert et ruisselant, symbole délicat de l’attribut féminin, en est la plus probante illustration.

Avec une grâce évanescente et une candeur toute relative, Walasse Ting effleure alors notre sensibilité, ouvre nos yeux plus grand devant la luminosité de sa palette et nous invite à chercher l’habile détail dissimulé au creux de ses édens luxuriants. A mi-chemin entre la jungle du Douanier Rousseau et les corps esquissés de Matisse, ses femmes de pastel supplantent de leurs courbes chaleureuses, silhouettes lascives aux ondulations serpentines, la beauté sinueuse des pétales de fleurs dans des dessins aussi organiques qu’oniriques.

De ‘Spring Morning’ à ‘Raindrop on my Eyes’ ou ‘Outside Snow White’, les soixante-dix tableaux parmi lesquels on butine avec un plaisir gourmand sont des concentrés de poésie. Tout comme leurs titres qui, en quelques mots, démontrent combien Walasse Ting savait manier les mots et le pinceau, envoûter les consonnes et les personnes.  

Comme vous vous en doutez, cette exposition est l'une des meilleures expositions à Paris

Elle fait également partie de notre sélection de plus belles expos de peinture du moment.

Infos

Site Web de l'événement
www.cernuschi.paris.fr/
Adresse
Prix
8 €
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