Dans les années 2000, le designer Patrick Jouin avait surpris en incrustant du biodesign moderne dans le cadre boisé et classé du bar du Plaza Athénée. Vingt ans et un gros lifting plus tard (en 2015), il faut bien reconnaître que la magie continue d’opérer. Le grandiose comptoir en verre veiné, sorte de lumineux boomerang gelé, n’a pas pris une ride ; le plafond en chiffonnade de résine bleu Klein fait encore crépiter les stories, et les verres, qui coûtent le prix d’un organe d’occasion, restent des modèles d’équilibre (à défaut de tout casser niveau technique ou ingrédients). Mais surtout, ce bar, désormais débarrassé des stars parties boire sous d’autres moulures, permet un safari immobile au chatoyant pays du bling, territoire inexploré à moins de posséder un pied-à-terre dans le Triangle d’or.
Ici s’ébrouent donc de vieux beaux terracotta, encore jetlagués de Saint-Barth, de riches Levantines plus couvertes de monogrammes qu’un maillot de Ligue 1 ou de jeunes dorés avec deux mois de votre salaire en streetwear sur le dos. Le spectacle (et le PIB d’un petit pays) se trouve là, dans la salle tout en longueur. Dépaysant à regarder, parfois un peu inquiétant à écouter mais tellement satisfaisant à bitcher avec un(e) complice, bien cachés derrière des verres. Comme cet Earth, Wind & Bitter (32 € !) à base de gin, de sirop de vanille et de muscade, d’orange sanguine, de citron vert et de blanc d’œuf à l’agréable rondeur tropicale. Le week-end, un DJ prend la main sur la playlist habituelle et enchaîne les inoffensifs tubes électropop. Histoire de vous dégourdir de toute cette phénoménologie de la maille.