Dès l’arrivée, le portier, affublé d’une soutane déstructurée, nous indique que ce Sinner sera un cinq-étoiles iconoclaste qui va jouer des codes monacaux. Tristan Auer, le décorateur, n’y est pas allé avec le dos du bénitier. Le bar, dominant la vaste nef du resto, baigne dans une lumière carmin et un brouillard laiteux régulièrement pulsé du plafond par une machine à fumée de discothèque. Simple mais efficace pour une atmosphère cosy décadente de salon d’athée.
Dans la cour, d’immenses piliers rougeoyants complètent ce temple impie (et assènent un symbolisme freudien costaud). Affalé sur les banquettes de velours chair (forcément), devant une table noir laqué, plantée d’une croix, on compulse les Saintes Écritures : la carte des cocktails (à 19 € le verre) inventés par Jeremy Bacquet, vrai enfant de shaker (il fut le meilleur apprenti barman en 2016 !).
On se laisse tenter par un Monasterium (gin, Chartreuse, sirop de romarin maison, pomme, citron vert et blanc d’œuf) herbeux et précis comme un séminariste passant la tondeuse avant la venue du pape. Et un Rubrum (mezcal, Campari, vermouth infusé au thym), Negroni ayant trouvé la lumière au Mexique. La bande-son électro de sainte-nitouche paraît un peu trop sage dans ce déluge sacrilège… Heureusement, le DJ quotidien, qui débarque chaque soir vers 20 h, sait délivrer l’eucharistie sonique.