“Désolé, c’est complet.” Le souriant cerbère en robe chamarrée, amarré à un poteau du grandiose lobby moderniste de l’hôtel So/ Paris, aurait fait plaisir à David Ricardo, économiste du principe de la rareté. Pas de réservation possible, pas de liste d’attente en cas d’affluence et une nette volonté de privilégier de putatifs chalands fashion… Le Bonnie, bar au 16e étage de la brutaliste tour Morland, au cœur du méga-projet de la Félicité, sait bien qu’il faut fouetter le désir avec les orties fraîches du manque pour se frayer une place dans le game des comptoirs qui comptent.
Miracle, une heure plus tard, le blond Charon nous autorise à accéder au saint des saints du Bonnie bar, étonnamment désert (Bonnie ment ou quoi ?). Tant mieux, on peut profiter à notre aise du lumineux décor rétro-inox-bouclette-space age très réussi signé Jordane Arrivetz (on lui doit l'hôtel Nuage à Paris et le Clover Gordes de Jean-François Piège dans le Luberon) et de ce plafond de cubes lumineux qui se reflètent à l'infini dessiné par la star Olafur Eliasson. Une téléportation dans une uchronie 70’s où la France de Pompidou serait passée de la CX à la station orbitale.
Les baies vitrées offrent un full panorama parisien assez inédit et franchement beau mais contrairement au resto du dessous, le Bonnie ne bénéficie pas d’une terrasse accessible. Peu importe : pour s'aérer on a le droit à une carte des cocktails à quatre mains signée Kevin Etéo (Park Hyatt) et Ben Tyler (Little Red Door, Mezcaleria, Mikado).
Oui, une collab Bonnie Tyler semblait inévitable. A l’image de ce frais Foxey Lady qui mixe tequila, grenade, gingembre et menthe (18 €), les verres s’avèrent aussi équilibrés que le Génie de la Bastille, qu’on voit danser sur un pied au-dessus des toits. Pour une expérience complète d’apéro perché en compagnie du 1 %, on peut piocher une assiette à partager (croque à la truffe à 18 €). Les végétariens doivent quant à eux se rabattre sur des frites à 10 €. Le sage Bonnie n’est pas donné.