Lancée par Time Out Paris et le programme Bar World of Tomorrow, la série « Bar de demain » met en valeur les initiatives de celles et ceux qui rendent les bars plus inclusifs, plus écologiques et plus responsables. En cet été qui s’annonce comme le plus chaud jamais enregistré sur Terre, ce troisième épisode visite des bars qui ont décidé d’être plus économes en eau, quoi qu’il en goutte.
Rinçage incessant du matériel, lavage fréquent des verres, glace dans les shakers puis dans les godets : les bars à cocktails peuvent engloutir d’énormes quantités d’eau… Un cocktail de 20 cl réclame ainsi jusqu’à 2 litres d’eau pour sa fabrication ! Lucides quant à l’impact de leurs pratiques, certains bars parisiens ont pris le problème à bras-le-corps pour en gaspiller le moins possible.
Cela se traduit par exemple par l’optimisation de l’utilisation de la glace, et particulièrement la clear ice – sans bulles d’air ni impuretés – qu’on retrouve désormais dans quasiment tous les bars à cocktails. « Pour obtenir une belle glace, il faut le bon matériel, que l’eau soit très claire et super bien traitée. C’est un procédé qui occasionne beaucoup de perte », explique Jenifer Foulard, general manager des bars Mary Celeste et Candelaria. « Nous avons d’abord essayé d’en fabriquer nous-mêmes, avant de rapidement nous adresser à un fournisseur spécialisé. Celui-ci récupère tout, ce qui occasionne beaucoup moins de gâchis. Cela nous permet de n’utiliser qu’une seule machine à glace, réglée pour s’arrêter automatiquement et ne redémarrer qu’au moment nécessaire. Nous avons également supprimé la machine à glace pilée, qui impose l’emploi d’une paille dans le cocktail, autre source de déchets notable. »
Chez Samuel Wassermann, propriétaire du bar Lipstick à Pigalle, on fait aussi un usage raisonné du matériel : « Nous analysons les données de notre bar pour anticiper la quantité de glace dont nous aurons besoin en fonction de la météo, du moment de l’année et du type de cocktails que l’on va servir. Quand on atteint le volume souhaité pour la journée, on éteint, tout en sachant qu’il nous faut 22 minutes pour obtenir 10 kg de glace. De même pour l’investissement dans notre lave-vaisselle : il a coûté très cher, mais en une minute, il réalise un cycle super propre qui nous permet d’économiser pas mal d’eau. »
Des plantes nourries aux glaçons
Au Mary Celeste, le recours à une entreprise extérieure n’exclut pas les bonnes pratiques au quotidien : « Pour le nettoyage, on utilise le plus possible du vinaigre. C’est très efficace, ça diminue la consommation d’eau ainsi que la pollution. » Même philosophie au House Garden, où rien ne se perd, tout se transforme. Ainsi, le reliquat de glace dans les verres est utilisé pour arroser les nombreux végétaux qui décorent l’établissement. « Chacun de nos sept bacs de plantes nécessite 1 litre d’eau par semaine », détaille Olivier Martinez, cofondateur du bar du 11e arrondissement. « On fait fondre les glaçons pour éliminer les impuretés et les sels minéraux, puis on se sert de cette eau pour arroser nos plantes. Nous avons calculé que cela représente une économie de 17 mètres cubes par an. Ce n’est pas négligeable pour un petit établissement comme le nôtre. »
Et encore moins quand on connaît la consommation domestique moyenne des Français : environ 54 mètres cubes d'eau par habitant par an, selon une étude menée en 2020 par le Commissariat général au développement durable. C’est pourquoi « il faut sensibiliser le personnel » sur ce sujet, explique Samuel Wassermann. « On a calculé qu’il y a 200 grammes de glace dans un shaker, que l’on va jeter par la suite. Pour réduire cette perte, nous utilisons la technique du pré-batching, c’est-à-dire une préparation à l’avance d’un cocktail, en grande quantité et avec la dilution nécessaire. Un drink préparé de cette manière, en plus d’assurer une qualité constante, sera servi à la bonne température, car conservé au frais, et permet d’économiser beaucoup de glace, et donc de l’eau. »
Au House Garden d’Olivier Martinez, les économies ne se limitent pas à la fabrication des cocktails : « On a choisi de ne pas avoir de climatisation. En été, notre bar est grand ouvert avec une terrasse. » Le Lipstick, quant à lui, ne laisse rien au hasard question chasse au gaspi : chasse d’eau à double débit, robinets à forte pression mais faible débit derrière le bar, mitigeurs automatiques dans les toilettes pour éviter les robinets laissés ouverts… Une démarche payante, estime Samuel Wassermann : « Entre le moment où l’on a ouvert l’établissement et celui où l’on a mis en place toutes nos bonnes pratiques, on a divisé par plus de deux notre consommation. »