C’est un mixologue français et un chef japonais qui entrent dans un bar… Cette histoire a déjà été racontée il y a dix ans chez Dersou avec Amaury Guyot (Sherry Butt) et feu Taku Sekine. En 2024, Hugo Combe (bar Classique) et Katsuaki Okiyama (ancien d’Abri) en livrent leur version avec ce Minore pigallien et inclassable.
Depuis la cuisine ouverte au fond de la salle à murs grattés, Katsu peut de nouveau envoyer les assiettes francophiles et acérées qui avaient porté Abri aux nues. Le menu (60 € en cinq temps) de Minore délivre du très bon comme ces asperges rôties, ortie, jus de volaille et noisette torréfiée, tout en finesse et textures, ou cette selle d’agneau et son redoutable jus de viande, ravioli au café et tonburi (sorte de mini-lentille), un terre-terre qui ne fait pas de quartier. On se montre moins enthousiaste devant les (trop) gentils makis de radis et de mulet coiffés de gariguettes, ou le médaillon de lotte au safran, un peu trop salé.
Ce repas peut s’accompagner des excellents cocktails nippophiles ciselés par le co-taulier Hugo Combe. Pas d’esbroufe, juste de l’équilibre. Le Shuriken, une Margarita revenue d’Osaka avec wasabi, fruit de la passion et vinaigre de cerise, caresse les papilles dans le sens du bon. Et le Tsundoku mixant whisky, rhum, sherry, sarrasin et lassi de kiwi essaime à pas de velours toutes ses saveurs. Mais on peut aussi se rabattre sur la carte des vins.
Si, chez Time Out, on ne doute pas de la pertinence d’associer petites assiettes et grands cocktails, il apparaît plus compliqué d’hybrider physiquement un bar à cocktails et une table bistronomique. Le mode d’emploi du triple espace de Minore (le comptoir cintré, la petite salle brute, la super terrasse) n’est pas évident. Les cocktails, c’est au bar ou en terrasse quand les dîneurs arrivent. On peut manger au comptoir mais pas dehors. Bar ou resto, Minore va sans doute devoir choisir.