Afin de célébrer celles et ceux qui se battent pour sauver la planète, et pour soutenir les activités durement frappées par la crise, Time Out Paris et Veolia ont décidé de bosser main dans la main pour déclarer leurs flammes à ces champions de l'écologie. Parmi eux ? Cette poignée de bars qui tentent de mettre du vert dans leurs verres et poussent à fond le curseur du zéro déchet. Tri à la source, valorisation des biodéchets, moins d’eau gaspillée, des produits de saison et locaux, des déchets réduits au minimum… En attendant la réouverture, coup de projo sur ces bars qui se soucient enfin de la planète.
Des cocktails verts ? À part à mélanger du curaçao et du citron (essayez ça marche !), le monde de la mixologie n’était jusque-là pas très connu pour ses engagements en faveur de la planète. Par défaut, un bar s’avère un lieu anti-écolo au possible : surconsommation d’eau (pour les glaçons, pour la vaisselle…) ; ingrédients venus du bout du monde (fruit de la passion des Tropiques et alcool japonais...), respect des saisons aux abonnés absents (des citrons et des framboises toute l’année, vraiment ?), omniprésence du plastique… Heureusement, les choses évoluent franchement. La prise de conscience remonte à 2016, via le site Trash Tiki lancé par un couple de bartenders canadiens, Kelsey Ramage et Iain Griffiths. Obsédé par la volonté de réduire ses déchets, le duo commence à donner des recettes pour un bar plus durable. Depuis, les initiatives se multiplient plus vite qu’on ne vide une Margarita en août. Le monde du cocktail semble même plus en avance que les restaurants dans ce domaine ! Pas étonnant pour Margot Lecarpentier, la big boss de Combat (19e) : « c’est un milieu jeune qui n’a pas de vieilles habitudes à changer, ça bouge plus facilement d’autant que les équipes ont toujours entendu parler de changement climatique. »
Pour Vincent Pinceloup, de Monsieur Antoine (11e), rendre son activité plus durable passe d’abord par une consommation locale et de saison. « J’essaye de m’approvisionner le moins loin possible, en priorité en région parisienne. Et j’adapte mes recettes en fonction de ce qu’on trouve dans le coin : on travaille la sauge, la pomme… » Jonathan Sabathé du Pastoral (Pantin) va aussi très loin dans le local : « On fait nous-même la cueillette dans des potagers et des vergers de fermes d’Île-de-France ou des jardins de copains… Ce n’est possible que parce qu’on n’utilise pas de gros volumes. Après je mets les fruits dans de grosses jarres pour les faire macérer et les utiliser tout au long de l’année. »
Certains lieux ont carrément tué le game du circuit court, puisqu’ils font pousser directement sur place des plantes ! C’est le cas chez le bien-nommé House Garden. « On a des bacs en hydroponie (culture sans terre qui consiste à laisser l'eau faire le travail), fonctionnant avec des lampes à UV basse consommation. » Même principe pour Jennifer Le Nechet au Mino (19e) « Derrière le bar, on a installé des bacs avec un système d’irrigation. Ça permet de faire pousser des aromates comme du basilic thaï ou de la coriandre. »
Et quand un approvisionnement local n’est pas possible, Vincent Pinceloup se tourne vers des alternatives vertueuses « On a fait venir notre mezcal artisanal du Mexique mais… en voilier ! Et notre fournisseur de rhum collabore avec Sea Shepperd, ONG de défense des animaux marins. » Bien sûr, faire soi-même ses sirops, jus et autres préparations réduit d’autant l’impact environnemental. Quand il part faire ses livraisons, le bartender de Monsieur Antoine enfourche son vélo ! La réduction de l’empreinte carbone passe aussi par l’utilisation des bonnes matières : « Chez Combat, il n’y a plus de plastique à part les boîtes à épices, tout est dans des bouteilles en verre ou des canettes en aluminium », souligne Margot Lecarpentier.
Réduire sa production de déchets
Autre direction indispensable pour un bar plus écolo : la réduction des déchets. Les bartenders déploient des trésors d'inventivité. « Je récupère la peau de l’ananas pour réaliser un tepache, une boisson fermentée mexicaine. Avec le talon de jambon cru de nos planches, je fais un fatwash dans de la vodka, qui lui donne un goût fumé intéressant pour des cocktails ! » raconte Jonathan. Olivier du House Garden est sur la même ligne : « lorsque je presse des framboises pour un jus, je récupère la pulpe et la déshydrate pour en faire des chips, que je serre avec le cocktail. Et les déchets végétaux inutilisables vont à notre compost dans la cave, ce qui va permettre de mieux faire pousser les plantes qui décorent le bar… » Ayant une cuisine chez Mino, Jennifer en profite : « les pulpes d’agrumes pressés, je les donne à notre chef, qui les utilise dans les desserts par exemple. » Et pour les déchets restants de ces deux bars, ils seront confiés à Veolia (opérateur retenu dans le 11e et 19e arrondissement) pour être valorisés énergétiquement.
Utiliser des produits de substitution
Quand on parle écologie et bar, on se heurte vite au problème numéro 1 : le citron. Ce fruit s’impose comme l’ingrédient principal d’énormément de cocktails. Or, il est importé d’Argentine pour en avoir toute l’année. Pas top pour le CO2 ! Certains bartenders comme Olivier Martinez ont donc opté pour la solution verjus – le jus acide extrait de raisins n'ayant pas mûri (dits aussi raisins verts). « Pour apporter l’acidité, j’utilise du verjus fabriqué ou même des solutions acides… » Margot Lecarpentier ne le suit pas sur ce terrain. « Pour l’instant, personne ne m’a prouvé qu’une solution acide d’acide citrique réalisée dans une usine chimique pollue moins qu’un citron importé… Donc en attendant moi je continue à utiliser des citrons… mais bio ! »
Economiser l’eau
Utiliser des glaçons en pagaille, rincer en permanence les instruments, nettoyer le bar… Que d’eau ! Mais même là-dessus, des solutions pour l’économiser se mettent en place. « Au House Garden, on récupère l’eau des glaçons pour refaire des glaçons ou arroser les plantes » explique Olivier. Chez Combat, c’est un combat de tous les instants : « Déjà, on fait marcher la machine à glaçons au minimum, car on connaît à peu près notre consommation selon les jours. Je crois beaucoup à cette écologie de la parcimonie. Et puis surtout, on n’utilise que des produits d’entretien naturels achetés en vrac. Cela réduit énormément la pollution des eaux. Par exemple, au lieu d’utiliser du déboucheur chimique, on dévisse le siphon de l’évier… Pour être écolo, il ne faut pas avoir peur de se salir les mains ! » explique Margot.
Avoir du cœur
Prendre un tournant écologique, c’est embrasser une vision du monde moins tournée vers le profit à tout prix, et remettre l’humain au centre des préoccupations. Ainsi, pour Olivier, « Ce qu’on n’a pas servi au bar, on le donne à une asso de quartier qui fait des repas gratuits. Je ne me vois pas jeter de la nourriture ». Ground Control (12e) est le symbole de ces nouveaux lieux qui mêlent engagement social et écologique « L’écologie, c’est la planète et les humains, assène Denis Legat, un des fondateurs. Dès le départ on a voulu un lieu durable, inclusif et social. On a accueilli des réfugiés, Emmaüs, et aujourd’hui il y a Droit à l’Ecole, pour l’éducation des enfants de migrants qui fait classe chaque matin. Et cela, en parallèle de la collecte de biodéchets et de la consigne des verres et bouteille par exemple… » Il ne reste plus qu’à trinquer à la santé de la planète !