Ken Loach
Corbis via Getty Images
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Cannes : le top 5 des erreurs du jury

Le jury cannois présidé par George Miller a rendu son verdict hier soir. Les meilleurs films ont-ils gagné ? Franchement, on n’est pas convaincu…

Dave Calhoun
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Hier, le jury du Festival de Cannes 2016 a donc décerné sa prestigieuse Palme d'Or à Ken Loach pour 'Moi, Daniel Blake'. Un choix judicieusement politique : le film de Loach, autour de deux personnes broyées par le système britannique, apparaissant comme une œuvre de révolte, contemporaine et émouvante. C’est sans doute aussi le meilleur long métrage du cinéaste de 79 ans depuis 2006 (et ‘Le Vent se lève’, pour lequel le réalisateur remporta sa première Palme). Toutefois, les autres prix ont pu sembler choquants, avec quelques omissions étranges et de bien bizarres inclusions. Voici donc cinq points sur lesquels le jury, présidé par George Miller (le réalisateur de 'Mad Max') et comprenant les acteurs Kirsten Dunst, Donald Sutherland et Mads Mikkelsen, s’est sérieusement planté (et un où il a quand même vu juste).

1. Mais où est le prix qui revenait légitimement à Maren Ade pour son hilarant et singulier ‘Toni Erdmann’ ?

Le véritable engouement critique du festival fut, haut-la-main, pour ‘Toni Erdmann’, comédie allemande de près de trois heures. L’histoire drôle et poignante d’une trentenaire ayant perdu de vue les plaisirs de la vie, qui retrouve son père, nettement plus rigolo quoique tout aussi paumé. Tordant de rire, le film de la réalisatrice Maren Ade dit aussi beaucoup de choses sur le monde contemporain et la façon dont il nous façonne. A Cannes, il y a huit récompenses à remettre, et vingt-et-un films en compétition. Autant dire qu’il paraît incompréhensible que le jury de Miller ait décidé de ne remettre aucun de ces prix à ‘Toni Erdmann’. La grande injustice de cette édition.

2. Pourquoi remettre deux prix au ‘Client’ d’Asghar Farhadi ?

Ce drame iranien du directeur oscarisé d’‘Une séparation’ suit l'histoire d'un couple dont le mariage est mis en péril par un incident qui se produit alors qu’ils se trouvent tous deux à un moment difficile de leur vie (et qu’ils participent à une adaptation de ‘La Mort d'un commis voyageur’ d'Arthur Miller). Certes, c’est curieux et intelligent. Mais ‘Le Client’ était-il pour autant digne à la fois du prix du Meilleur scénario et de celui du Meilleur acteur à Cannes ? Surtout au détriment de films plus audacieux – et il y en avait beaucoup. Cette sélection était sans doute l’une des plus passionnantes depuis 2002. Offrir deux prix à un même film a donc laissé la plupart des critiques présents sérieusement dubitatifs.
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3. Xavier Dolan ? Sérieux ?

Le Grand Prix du Festival de Cannes, c’est le deuxième prix le plus prestigieux de la compétition, juste derrière la Palme d’Or. Ce qui signifiait qu’il y avait pas mal de jurés pour soutenir le film du Canadien de 27 ans, ‘Juste la fin du monde’ – dont beaucoup de spectateurs ont convenu qu’il s’agissait d’une hystérie monocorde et épuisante. Sixième long métrage de Dolan, le successeur de ‘Mommy’ (qui avait remporté en 2014 le prix du Jury cannois, ex-aequo avec ‘Adieu au langage’ de Jean-Luc Godard) est le premier film du réalisateur, égérie de Louis Vuitton, à offrir un casting de stars : Marion Cotillard, Vincent Cassel, Léa Seydoux, Gaspard Ulliel, Nathalie Baye… Grotesque et étouffante, cette adaptation arty de la pièce de Jean-Luc Lagarce (qui ressemble à la pire réunion de famille imaginable) n’est certes pas le désastre absolu que certains ont déploré – la manière dont Dolan refuse de dévier de sa perspective initiale pouvant même forcer un certain respect. Mais quand même… Considérer ‘Juste la fin du monde’ comme le deuxième meilleur film de cette sélection, c’est en omettre au moins une bonne dizaine.

4. Pourquoi Jaclyn Jose a-t-elle donc été considérée comme la meilleure actrice pour son rôle dans ‘Ma’ Rosa’ ?

Ce fut une année formidable pour les actrices à Cannes, avec des performances féminines qui dominèrent les débats d’après-projections. Citons la Brésilienne Sonia Braga dans ‘Aquarius’, Isabelle Huppert dans le thriller ‘Elle’ de Paul Verhoeven, Adèle Haenel chez les frères Dardenne, Sandra Hüller dans ‘Toni Erdmann’,  et même Ruth Negga dans ‘Loving’… Pourtant, le prix de la Meilleure actrice est allé à 'Ma' Rosa', tableau de la pauvreté et la dépravation par le prolifique réalisateur philippin, Brillante Mendoza. Un film aux performances d’acteurs et d’actrices éclatées, qui fut reçu par les critiques avec un haussement d'épaules. De même que ce prix bien étrangement décerné.
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5. ‘American Honey’ méritait-il son prix du Jury, davantage que ‘Baccalauréat’ ?

C’est la réalisatrice britannique Andrea Arnold qui a reçu le troisième prix le plus important du festival, pour son road trip américain en roue libre, parfois brillant et souvent complaisant, ‘American Honey’ (d’ailleurs, elle avait déjà reçu la même récompense pour ‘Fish Tank’ et ‘Red Road’). Et pourtant, le film le plus fort du festival était certainement ‘Baccalauréat’, du cinéaste roumain Cristian Mungiu – déjà palmé d’or en 2007 pour ‘4 mois, 3 semaines, 2 jours’, et prix du Scénario en 2012 pour ‘Au-delà des collines’. Malgré cela, Mungiu a dû partager un simple prix de la Mise en scène, ex-aequo avec Olivier Assayas ; alors qu’il aurait pu, selon nous, clairement recevoir la Palme d’Or. En même temps, il faut reconnaître qu’‘American Honey’ bénéficie de la présence hallucinante de la jeune Sasha Lane, 20 ans, recruté par Andrea Arnold quelques semaines à peine avant le début du tournage… Ce qui en fait, quand même, un prix assez excitant. 

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