Cannes 2012

Festival de Cannes 2012

Nos critiques et humeurs en direct du 65ème festival de Cannes

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27 mai - Voilà ! Le jury Moretti a tranché pour un palmarès sans grande surprise... Incontestablement, la Palme d'or est revenue à 'Amour' de l'autrichien Michael Haneke, le film le plus décharné et poignant de son auteur (pourtant réputé cruel), avec le formidable couple Riva-Trintignant. Autre motif de réjouissance: les prix du scénario et d'interprétation féminine decernés à 'Au-delà des collines' de Cristian Mungiu. Ce qui était largement mérité - Cosmina Stratan et Cristina Flutur restant dans les esprits comme deux des visages les plus bouleversants de cette édition de Cannes 2012. Quant au prix d'inteprétation masculine, il s'est vu décerné à Mads Mikkelsen pour 'La Chasse', et c'était à peu près la seule récompense légitime pour le film de Vinterberg. En revanche, le jury aura préféré primer le sympathique 'Reality' de Matteo Garrone, un Ken Loach rigolo et un brumeux Reygadas, plutôt que l'audacieux 'Paradis: amour' d'Ulrich Seidl ou le prodigieux 'Holy Motors' de Leos Carax... Là, c'est à n'y rien comprendre: passer à côté d'un film si audacieux, d'une vision si précise et si drôle, d'une ode aussi magistrale au cinéma... Carax était-il à ce point trop fort !? De toute façon, on le savait déjà poète maudit, mais on est quand même triste pour son film... en espérant que son prochain lui prendra moins de dix ans ! Bref, c'est le moment de dire salut à Cannes, à ses cigares et ses bimbos, ses nuits de bières au Petit Majestic, ses files d'attentes sous la pluie et ses comas matinaux sur la plage déserte devant des paquebots hagards, ses limousines, ses critiques râleurs aux yeux rougis ayant paumé leurs badges devant un stand de cafés gratos, son internationalisme, ses badauds, son hystérie communicative, son tapis rouge et ses critiques en retard... En attendant l'année prochaine - eh tiens! si on se regardait un bon vieux Tarkovski pour se remettre de tout ça...

25 mai - On court, on court... Et dans les files d'attentes, les critiques confessent une tendance lourde à la procrastination. Le festival touche à sa fin; les films de Carax, Haneke et Mundiu restent immanquablement en tête. Et Robert Pattinson vient de se révéler aussi expressif qu'une courgette - ce à quoi on s'attendait assez - dans le 'Cosmopolis' esthétisant et bavard de David Cronenberg. Qu'on oubliera donc vite. D'ailleurs, on remarque que les autres films américains présentés à Cannes ('Lawless', 'Paperboy', 'Sur la route'...) auront globalement été décevants, et l'on espère fort que l'attendu 'Mud' de Jeff Nichols saura enfin relever le niveau d'un cinéma parfois bien troussé, mais globalement vain et déjà vu mille fois. D'autant qu'après s'être pris un paquet de films en pleine figure pendant plus d'une semaine, la patience se fait de plus en plus rare devant l'inconsistance de certains films (notamment le bien raté 'Post tenebras lux' de Carlos Reygadas, majoritairement taxé d'escroquerie). Allez, on se remet, on finit ses critiques et on commence à songer au palmarès de dimanche soir. Suspense?

23 mai - Sur la Croisette, comme il fallait s'y attendre, on commence à s'engueuler sec sur le film de Carax. Pour nous, pas vraiment de débat, c'est un film brillant qu'on a envie de défendre bec et ongles. Et sans doute le plus réjouissant et surprenant de cette sélection - même s'il aura quand même du mal à détrôner l'incontournable 'Amour' de Haneke dans la course à la Palme d'Or. Quoique Carax soit désormais notre favori... Enfin, l'ambiance est marrante. Le soleil arrive enfin, les journalistes commencent à être creuvés et à balancer leurs avis à tire-larigot, et hier soir, Gustave de Kervern dansait torse nu avec les Wampas pendant qu'une réalisatrice israélienne nous demandait où l'on pouvait trouver de l'herbe. Ce dont, bien sûr, nous n'avons pas la moindre idée. Bref, impossible aujourd'hui de louper 'Le Grand soir' (zappé hier en faveur du beau film de Claudine Nougaret et Raymond Depardon), qu'on va tenter de coupler avec la reprise de 'A perdre la raison' du réalisateur belge Joachim Lafosse (présenté dans la catégorie "Un certain regard"), qui a tout l'air d'être l'une des bonnes surprises du festival - on en connaît même qui ont été le voir deux fois de suite. Tout en se disant que c'est bientôt Roland Garros...

22 mai - Grosse journée en perspective avec 'Le Grand Soir' de Delépine et Kervern, 'Holy motors' de Leos Carax (l'impatience est à son comble), plus quelques séances de rattrapage des films dont les salles étaient blindées hier ('La Part des anges' de Ken Loach, notamment). Au milieu, on cherche à caser la projo du 'Journal de France' de Raymond Depardon et Claudine Nougaret, et l'emploi du temps des journées cannoises ressemble de plus en plus à un Tetris. Aussi les journalistes se mettent-ils à écrire quand ils peuvent, entre deux films ou dans des cafés (la salle de presse du festival étant généralement bondée). Hier, un gars nous a même laissé entendre qu'il envisageait de finir ses critiques en retard sur son smartphone devant le concert de 2ManyDJ's... Quant à moi, je commence à avoir les yeux qui piquent...

21 mai - Toujours de la pluie mais davantage de chances que la veille. Déjà, on a commencé la journée avec 'Amour', le prodigieux film de Michael Haneke sur la fin de vie, qui a mis à peu près tout le monde d'accord (et K.O). Digne, bouleversant, à couper le souffle. En sortant du film, on évoque immédiatement Bergman avec son voisin. Ensuite, titilllé par les rumeurs sur la possible projection, au marché du film, d'un nouveau Godard en 3D avec un chien qui parle (?!?), on a été rendre visite à Wild Bunch pour en savoir plus. Mais pas de nouvelles de ce côté, Godard est encore en montage (et en plus de leurs impeccables sélections, les gens qui bossent chez Wild Bunch ont vraiment l'air charmant). Sinon, les commentaires commencent à aller bon train. Certains affirment avoir trouvé Resnais et Kiarostami assez décevants, pendant que d'autres se déchirent sur le Vinterberg, tour à tour qualifié de "grandiose" et de "dégueulasse". Et pendant ce temps, à la Quinzaine des Réalisateurs (dont une grande part du public féminin semble liquéfié depuis 'No' de Pablo Larrain, avec Gael Garcia Bernal), les critiques semblent ravis par le nouveau Podalydès, 'Adieu Berthe, ou l'enterrement de Mémé'... Entre Haneke et Podalydès, on finit donc par se dire que ça doit être le jour de la gérontophile. Et, contre toute attente, c'est réjouissant.

20 mai - Journée d'échecs (qu'on mettra sur le compte d'un hommage inconscient à Marcel Duchamp). Là, ce n'est même plus l'orage, c'est la tempête. A Cannes, la salle du 60ème anniversaire a perdu une partie de son toit, entraînant l'annulation de quelques projections. Du coup, tout le monde faisant la queue pour les mêmes films, on n'a cessé de se faire griller par les badges prioritaires (presse papier, télé, etc.). Bilan de la journée: quatre heures passées dans des files d'attente - dont plus d'une sous une pluie battante - et pas un seul film vu. Autant dire qu'on était nombreux à râler. Et à éternuer. VdM@FdC.

19 mai 2012 - Temps orageux ce soir sur Cannes, mais qui pourrait particulièrement bien convenir au 'Dracula 3D' de Dario Argento (avec sa fille, la vénèneuse et électrique Asia), projeté à minuit. Mais enfin, on sort à peine d'une comédie légère et très agréablement filmée sur un poissonnier napolitain qui rêve de télé-réalité ('Reality'). Et, surtout, de l'incroyable 'Au-delà des collines' de Cristian Mungiu (Palme d'or en 2007 pour '4 mois, 3 semaines, 2 jours'), sur une jeune nonne roumaine recluse dans un monatère, dont une ancienne camarade d'orphelinat revient possédée... Mais déjà est-il l'heure de partir découvrir le nouveau film de Thomas Vinterberg, le réalisateur du glaçant 'Festen'. Orageux, ouais.

18 mai 2012 - Ça y est, les hostilités ont débuté il y a deux jours, et l'on a déjà bien ri en entendant que 'De Rouille et d'os' de Jacques Audiard (dont la présentation officielle a eu lieu hier soir) était un mélange pompeux d''Intouchables' et de 'Sauvez Willy'... Ce qui, par ailleurs, est complètement faux. Bref, pour l'instant il n'y a pas encore vraiment eu matière à débat. Première phase des opérations, donc : l'observation. Hier, Sacha Baron Cohen faisait le guignol sur la Croisette, pendant qu'un paquet de gens cherchaient des places pour Gossip à la villa des Inrocks. D'autres se trompaient tranquillement de salle de projection, tandis que, de notre côté, nous choisissions de passer la soirée avec de vieilles autrichiennes grasses et libidineuses, parties au Kenya se payer quelques gigolos locaux (avec 'Paradies : Liebe' d'Ulrich Seidl - qu'on admet résumer ici un peu grossièrement). Puis, au sortir de la projection, on a quand même trouvé ça cocasse, tout ce beau monde en costumes et robes de gala pour des films sur la misère du colonialisme sexuel (par ailleurs, le film est très drôle, pour peu qu'on apprécie l'humour noir - la critique arrive bientôt), la marginalité sociale et le handicap ('De Rouille et d'os'), ou la problématique post-révolutionnaire de l'Egypte actuelle, où les chevaux crèvent de faim ('Après la bataille')... Tout ça, en attendant Alzheimer - qui ça ? - chez Haneke. Enfin, l'heure tourne, et l'on part de ce pas retrouver 'Les Bêtes du Sud sauvage', du jeune américain Benh Zeitlin - ceux qui l'ont vu ce matin semblent en dire le plus grand bien...

Nos critiques des films en compétition

  • Cinéma
  • Drame
  • 5 sur 5 étoiles
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Amour
Amour
‘Amour’ est un film poignant, dévastateur de justesse : huit-clos sur un couple d’octogénaires, Georges et Anne (superbement interprétés par Jean-Louis Trintignant et Emmanuelle Riva), face à la mort et au déclin physique. Mais enfin, c’est surtout un film sur l’amour (bien vu), dans ce qu’il a de moins niais et de plus viscéral ; la question étant, au fond : l’amour peut-il tenir à hauteur de la mort ? Or, Haneke répond par l’affirmative. Disons-le tout de suite, c’est à pleurer, d’autant qu’il n’y a pas une once de pathos. Lire la suite
  • Cinéma
  • Comédie
  • 5 sur 5 étoiles
  • Recommandé
Holy Motors
Holy Motors
Treize ans après ‘Pola X’ (et plus de vingt après ‘Les Amants du Pont-Neuf’), Leos Carax nous revient avec un nouveau long métrage, plus godardien que jamais : ‘Holy Motors’, trip surréel et baroque, souvent jubilatoire, où son acteur-fétiche, l’étrange et poétique Denis Lavant, interprète un certain Monsieur Oscar. Oscar, comme son nom le laisse entendre, est une métaphore vivante du cinéma, dont le film suit un jour et une nuit au gré de ses métamorphoses. Lire la suite
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  • 4 sur 5 étoiles
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Au-delà des collines
Au-delà des collines
Après sa Palme d’Or en 2007 pour ‘4 mois, 3 semaines, 2 jours’, Cristian Mungiu revient à Cannes avec ce film puissant et austère : plus de 2h30 passées dans un monastère paumé en Roumanie, ou Voichita (Cosmina Stratan), une jeune nonne superbement bressonienne, se voit rejointe par Alina (Cristina Flutur), ancienne camarade d’orphelinat avec laquelle elle entretenait une relation amoureuse, bien décidée à rendre Voichita à la vie profane. Mais peu à peu, Alina semble montrer des signes de possession: schizophrénie, manipulation ou envoûtement, la communauté de bonnes sœurs traite le mal par le mal. Lire la suite
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  • 4 sur 5 étoiles
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De Rouille et d'os
De Rouille et d'os
Succéder à ‘Un Prophète’ n’était pas chose évidente, et malgré l’appréhension légitime qu’on pourrait avoir à retrouver Marion Cotillard, ‘De rouille et d’os’ s’en tire plus qu’honorablement. En fait, on découvre même qu’au naturel, l’Edith Piaf outrancièrement grimée de ‘La Môme’ a un physique intéressant. Pas exactement belle, Cotillard a un visage presque banal (qui convient parfaitement avec le réalisme acharné d’Audiard), qu’elle sait rendre étonnamment expressif et touchant. Lire la suite
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  • Comédie
  • 3 sur 5 étoiles
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In another country
In another country
Bon, on commence à être au courant : Hong Sangsoo est de ces réalisateurs qui font toujours plus ou moins le même film. Ce qui, le concernant, paraît plutôt positif – pour peu qu’on apprécie le marivaudage et les scènes de picole. Bref, voici son cru 2012, dont l’originalité est d’être centré sur Isabelle Huppert, héroïne des trois variations autour d’un même thème qui constituent ce film. Ainsi, à partir de quelques éléments (un parapluie, un cinéaste dragueur et sa femme enceinte et jalouse, un prof de natation, un phare…), le réalisateur coréen construit un triptyque de récits où les histoires se répondent. Lire la suite
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La Chasse
La Chasse
Depuis ‘Festen’ en 1998, Thomas Vinterberg est connu pour être un joyeux drille aux sujets allègres et rassembleurs. Avec ‘La Chasse’, nous retrouvons ses thèmes de prédilection : pédophilie et névrose collective. Autrement dit, une certaine idée de la comédie familiale. Lucas (Mads Mikkelsen), type d’une quarantaine d’années a priori gentil comme tout, travaille comme assistant d’éducation dans une école primaire. Un jour, une gamine, vaguement amoureuse de lui, l’accuse de pédophilie sans trop comprendre de quoi elle parle. Evidemment, c’est l’engrenage immédiat. Lire la suite
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  • 3 sur 5 étoiles
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Paradis: amour
Paradis: amour
Première séquence de ce film où l’humour noir a la part belle : une douzaine de trisomiques, filmés de face en plans serrés, poussent des cris sur des auto-tamponneuses, devant le regard vague d’une épaisse autrichienne. Ambiance. Bientôt, la bonne femme en question, fade blonde d’une cinquantaine d’années (l’audacieuse Margarethe Tiesel), laisse derrière elle sa fille obèse pour partir faire du tourisme sexuel au Kenya. D’abord réticente à payer les gigolos locaux, elle y prendra quand même assez vite goût, accompagnée de trois compatriotes en chaleur pas piquées des hannetons non plus... Lire la suite
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  • Comédie
  • 3 sur 5 étoiles
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Reality
Reality
Ici, le réalisateur italien Matteo Garrone délaisse les ambiances mafieuses de son précédent opus, le remarqué ‘Gomorra’ (Grand Prix du Jury cannois en 2008), pour nous plonger dans la comédie familiale de Luciano, exubérant poissonnier napolitain, vaguement dealer de robots ménagers qui rêve de participer à une émission de télé-réalité, après avoir passé un casting pour faire plaisir à ses enfants. S’imaginant déjà riche et célèbre, il vend son commerce, délaisse aux passants le mobilier de son appartement, se découvre philanthrope en invitant un SDF à prendre un petit déjeuner ; et prie que la télé le prenne. Lire la suite
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Moonrise Kingdom
Moonrise Kingdom
Wes Anderson a ses admirateurs, et on les comprend : visuellement, ‘Moonrise kingdom’ est intelligent, ludique, avec un art du montage qui force le respect. Comme les autres films du cinéaste, en somme. Jouant habilement de son scénario-prétexte sur deux pré-ados fugueurs (un scout à lunettes et une fille à problèmes), en plein milieu des années 60, la première moitié du film, drôle, émouvante, vise juste – humour et amour adolescents étant deux armes puissantes. D’ailleurs, il faut aussi reconnaître qu’on se marre assez avec un Edward Norton un peu benêt en gentil chef des castors juniors. Lire la suite
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  • Drame
Cosmopolis
Cosmopolis
En adaptant le ‘Cosmopolis’ de Don deLillo (publié en 2003), David Cronenberg s’est manifestement cassé les dents : verbeux, esthétisant, le film ne bénéficie en outre que fort peu de la présence (pourtant remarquée) d’un Robert Pattinson totalement inexpressif - y compris lors d’un toucher rectal plutôt rigolo. Ici donc, l’ancien vampire (pseudo-) sexy de ‘Twilight’ incarne un jeune multi-milliardaire spéculant – voire tenant carrément conférence – à l’arrière de sa limousine... Lire la suite
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