L'Empire des sens
© Argos Film / L'Empire des sens
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12 films subversifs pour ceux qui n'ont pas froid aux yeux

Douze chefs-d'œuvres subversifs, pour faire le plein de mutilations, de perversions, de déviances, de folie furieuse et d'orgies macabres

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Erotisme cru, ultraviolence, amoralisme ou déviances surréalistes : le cinéma aime transgresser les normes, filtrer le réel pour en tirer une vision radicale, excessive, apte à retranscrire l'existence dans sa perspective la plus entière, torrentielle, jusqu'au-boutiste. Parmi ces œuvres les plus choquantes - et, en même temps, signifiantes - produites à travers l'histoire du septième art, nous en avons choisi treize, de Luis Buñuel à Harmony Korine en passant par Haneke, Pasolini ou Oshima, pour représenter la transgression au cinéma. Détraqués, dérangeants, obscènes, ces films sont autant de chefs-d'œuvres de subversion, pour la plupart inoubliables. Parce que c'est bon quand ça fait mal.

Notre top des films les plus subversifs de l'histoire du cinéma

  • Cinéma
  • 4 sur 5 étoiles
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Si L’Empire des sens est une bien belle expression, le titre original du film le plus sulfureux d’Oshima, traduit en français, donnerait en fait « La Corrida de l’amour ». Ce qui n’est pas mal non plus, et correspond surtout davantage à ce film au sein duquel, à travers le sexe, il est bien question de mise à mort d’un des partenaires. L’inspiration d’Oshima vient d’ailleurs d’une histoire vraie, et relativement délirante : celle de Sada Abe, ancienne geisha devenue servante et prostituée, et de son amant Kichizo, qui s’entraînèrent mutuellement, au milieu des années 1930, dans une spirale érotique sans autre fin que la mort pour l’un, la folie pour l’autre. Avec ablations d’organes génitaux au dessert. Mettant en scène de nombreux actes sexuels non simulés, L’Empire de sens aura d’ailleurs conservé la même aura subversive que Le Dernier Tango à Paris. Sauf que le film d’Oshima a nettement mieux vieilli que celui de Bertolucci – dont, à la longue, la fameuse scène de la plaquette de beurre a manifestement ranci.

  • Cinéma
  • Drame
  • 4 sur 5 étoiles
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La Grande Bouffe
La Grande Bouffe

Entre Marcello Mastroianni, Michel Piccoli, Philippe Noiret et Ugo Tognazzi, le casting de La Grande Bouffe ressemble à un all-star game du cinéma franco-italien des années 1970. Le principe du film de Marco Ferreri est éminemment simple : quatre quadras se retrouvent dans une jolie maison pour se suicider par overdose de nourriture. Or, si La Grande bouffe, huis-clos rabelaisien, est resté subversif et choquant, c'est d'abord parce que la mort y est envisagée comme une apothéose presque joyeuse, désespérée mais ludique, où le corps lâche par excès de voluptés épaisses. Dans une veine à la fois satirique et libertaire qui caractérise également certains films de l'époque  à commencer par ceux de Bertrand Blier (Les ValseusesCalmos…) La Grande Bouffe reste l’œuvre la plus exubérante et excessive de Ferreri. Et certainement son meilleur film, aux côtés du minimaliste et fascinant Dillinger est mort, incroyable one-man-show de Michel Piccoli en 1969.

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  • Cinéma
  • 5 sur 5 étoiles
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En 1971, le film le plus pop de Kubrick apparaît aussi comme son plus violent. Censuré, retiré des écrans britanniques pendant plus de vingt-sept ans (jusqu’à la mort du cinéaste), son adaptation du roman d’Anthony Burgess aura fait couler beaucoup d’encre. D’abord à cause de son héros, Alex, jeune homme sans foi ni loi (comme son prénom l’indiquerait d’ailleurs avec un « a » privatif : a-lex, « sans loi »), amateur d’ultraviolence, de Beethoven – pardon : Ludwig van – et de viols collectifs. Pourtant, à bien y regarder, la violence la plus radicale présente au sein du film ne réside pas tant dans les frasques de la bande d’Alex – ses droogies – que dans la punition qui attend le délinquant une fois que tout le monde l’aura lâché. Violence individuelle contre violence d’Etat. Folie contre répression...

  • Cinéma
  • 4 sur 5 étoiles
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Salo ou les 120 journées de Sodome
Salo ou les 120 journées de Sodome

« Faibles créatures enchaînées, destinées à notre plaisir, j'espère que vous ne vous attendez pas à retrouver la liberté ridicule que vous concède le monde extérieur. » Nous voilà prévenus. Considéré par beaucoup comme insoutenable, Salò ou les 120 journées de Sodome, dernière œuvre de Pier Paolo Pasolini, assassiné peu avant la sortie du film, se révèle un testament d’une rare violence, mentale autant que physique. Transposant librement le roman éponyme du marquis de Sade dans l’Italie fasciste de la République de Salò, Pasolini cherche en fait déjà, comme le fera plus tard Funny Games, à dénoncer la violence en la poussant dans ses retranchements : humiliation, torture, viol, coprophagie, énucléation à la petite cuillère… 

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  • Cinéma
  • 4 sur 5 étoiles
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Certes, en termes de provocations, la carrière de Lars von Trier mériterait un dossier entier à elle seule. D’ailleurs, d’Antichrist à Nymphomaniac (vol. 1 et 2), ses récentes productions n’en finissent pas de tracer le sillon d’une subversion à la danoise : goguenarde, souvent glauque, avec des traits d’humour noir et de grandiloquence plus ou moins ironique. Toutefois, Les Idiots reste sans doute son film le plus transgressif. D'abord, à cause de son thème, qui envoie paître la logique et le sens commun avec son étonnante troupe de joyeux drilles, contestataires systématiques, bien décidés à jouer (et à jouir) comme d'authentiques malades mentaux. D’autre part, et surtout, le film lui-même transgresse les us et coutumes de la production cinématographique, en s'appuyant sur le Dogme 95 défini par von Trier et son compatriote Thomas Vinterberg. Hilarité bordélique, débilité volontaire, état de quasi-défonce permanent, sexe non simulé et caméra à l’épaule : Les Idiots ressemble lui-même à un manifeste post-dadaïste, drôle et dérangeant.

  • Cinéma
  • Thriller
  • 4 sur 5 étoiles
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Agacé et frustré par l’apologie et la consommation de la violence dans les médias et au cinéma (type Tarantino), le cinéaste autrichien Michael Haneke décide, avec Funny Games, de la prendre au sérieux, c’est-à-dire d’envisager la violence de la façon la plus réaliste possible. Physique et psychologique, la torture qui s’abat sur une simple famille bourgeoise, à travers deux jeunes psychopathes venus la séquestrer, s’affirme crue, sèche. A cela, Haneke ajoute des apartés pervers des bourreaux aux spectateurs, comme pour dire : « La violence vous fait rire ? Plus pour longtemps. » Réflexion sur le mensonge au cinéma et la banalisation de la brutalité, Funny Games demeure une œuvre à part dans la filmographie de Haneke, celle qui le révéla en 1997 au grand public européen – puis américain avec son remake dix ans plus tard. « Funny Games est le seul film où je voulais vraiment gifler le spectateur, pour qu'il prenne conscience du pouvoir des images, en mettant de l'huile sur le feu », déclara plus tard le cinéaste, lors de la sortie du Ruban Blanc.

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  • Cinéma
  • Drame
  • 4 sur 5 étoiles
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Si le nom de Joël Séria demeure immanquablement associé à son plus célèbre film, Les Galettes de Pont-Aven (en 1975, avec l’incroyable Jean-Pierre Marielle), Mais ne nous délivrez pas du mal, son premier long métrage, vaut lui aussi le détour. La brune Anne (Jeanne Goupil, qui restera l’une des actrices fétiches de Séria) et la blonde Lore (Catherine Wagener) sont deux jeunes pensionnaires d’une institution religieuse qui décident de vendre leur âme au diable, de dévouer leur existence au mal et à la négation de toute morale. Provocantes à l’égard des hommes, rebelles et perverses, les deux adolescentes se lisent Les Chants de Maldoror cachées sous la couette, ou récitent en chœur La Mort des amants de Baudelaire lors de leur kermesse de fin d’année – avant d’y mettre copieusement le feu. Œuvre maudite d’un romantisme noir, à l’esthétique délicieusement malsaine, Mais ne nous délivrez pas du mal est, en somme, un très grand film injustement méconnu.

  • Cinéma
  • Drame
  • 5 sur 5 étoiles
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Lorsqu'un producteur lui propose de réaliser un film sonore et dialogué, Lang pose alors ses conditions : une liberté totale en termes de scénario comme de montage, sur lesquels les producteurs devront décliner tout droit de regard. Le résultat, imparable exploration du mal aux airs de film noir, reste son œuvre la plus célèbre avec Metropolis. Dans une grande ville d'Allemagne, un tueur d'enfants sème la terreur. Bientôt, la pègre décide de s'allier à la police afin de retrouver le coupable... Au final, la violente subversion du film de Lang sera de parvenir à nous donner pitié du tueur d’enfants lui-même, face à la corruption généralisée de la société qui l’entoure. Dans l’Allemagne des années 1930, évidemment, le film fit scandale. Mais aujourd’hui encore, il demeure profondément troublant, et figure l'une des fins les plus cruelles de l'histoire du cinéma, avec une superbe performance d'acteur de l'inquiétant et fragile Peter Lorre.

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  • Cinéma
  • 4 sur 5 étoiles
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Avant de réaliser Spring Breakers, son plus gros succès public, Harmony Korine avait plutôt tendance à sonder les bas-fonds d’une Amérique tarée, bourrée de rednecks désœuvrés, de dingos flippants, d’antihéros white trash. A l’époque de ce premier film, Harmony Korine est surtout connu pour avoir été, à 18 ans, le scénariste du Kids de Larry Clark – déjà passablement choquant pour ses dialogues et sa vision crue du sexe adolescent. Pourtant l’esthétique de Gummo se rapproche davantage de celles d’un John Waters ou d’une Nan Goldin (The Ballad of Sexual Dependency), mâtinée de home movie à la Jonas Mekas. Autrement dit, Gummo est un film crado, aux airs délibérément amateurs. Bordélique et souvent grotesque, avec son armada de freaks plus ou moins débiles, où l’on tire au fusil sur des chats, où l’on se fout sans raison des beignes dans la cuisine...

  • Cinéma
  • Comédie
  • 4 sur 5 étoiles
  • Recommandé

Moyen métrage génial et méconnu de Jean Eustache, Une sale histoire est un petit monument de subversion, d’un dandysme à la fois cool et provocant. Le film est divisé en deux parties, dont la seconde suit en 16 mm – comme un documentaire – un récit autobiographique et voyeuriste de Jean-Noël Picq, ami et scénariste d’Eustache. Or, dans la première partie du film, c’est le comédien Michael Lonsdale, cette fois filmé en 35 mm, qui réinterprète mot pour mot le même texte. Et si l’histoire narrée pourrait être sordide (elle l’est d’ailleurs même certainement), la délicatesse et la franchise avec lesquelles se trouve exprimée la déviance sexuelle d’un type devenu accro au voyeurisme demeure l’un des monologues les plus beaux et crus du cinéma français.

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  • Cinéma
  • Drame
  • 4 sur 5 étoiles
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Si, comme la majeure partie des films de Carlos Reygadas, Bataille dans le ciel a pu paraître scandaleux à nombre de spectateurs, c’est à la fois pour sa lenteur moite, sa temporalité trouble, errante, mais aussi et surtout pour ce qu’il montre, et qui se joue toujours à mi-chemin entre le superbe et le dégueulasse. S’ouvrant sur une fellation en gros plan, prodiguée par une jeune fille à dreadlocks blondes sur un quinquagénaire obèse et velu, Bataille dans le ciel donne vite le ton. Le corps y exulte, mais les chairs y sont molles, flasques, presque coulantes. Bref, pas du tout la vision idéalisée que le cinéma en donne généralement. Culpabilité, rédemption, mysticisme et sexualité se mêlent devant un monde confus, suant, épais et pourrissant... 

  • Cinéma
  • Drame
  • 4 sur 5 étoiles
  • Recommandé

Véritable premier film de Luis Bunuel (après Un chien andalou, l’année précédente, co-signé avec Salvador Dali), L’Age d’or lance en 1930 une attaque violente contre tous les dogmes de son époque : sexuels, politiques, familiaux, religieux… C’est parodique, grinçant… abracadabrantesque, comme dirait l’autre. Et en termes de réalisation, la virulence est la même : détournement des clichés narratifs, explosion de la logique romanesque, provocations satiriques ; tout peut arriver. Surtout, l’arme essentielle de Bunuel c’est son humour sauvage, brutal, croisant Max Ernst, un documentaire sur les scorpions (qui ouvre le film), une vache sur un lit, des armes à feu, une relecture du marquis de Sade ou une jeune femme suçant avidement le gros orteil d’une statue. Historiquement, dès sa première projection publique au Studio 28, le film fait scandale : des ligues d’extrême droite manifestent, déchirent la toile, lacèrent les tableaux des surréalistes exposés devant la salle… Les projections auront beau reprendre sous protection policière, en moins de deux semaines le film est interdit, ses copies saisies et L’Age d’or restera un bon demi-siècle au purgatoire, jusqu’en 1981...

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