Mettre en scène les corps pendant le sexe est souvent l’un des exercices les plus compliqués pour un réalisateur. Toujours les mêmes questions : doit-on simuler, prendre des doublures, quoi montrer, trop, pas assez, et puis la censure et puis et puis. Enfin bref, c’est déjà tout un art. Mais voilà, on sait quand même fort que tout ça vous intéresse, petits voyeurs de salle obscure, alors on s’est décidé à vous montrer quelques exemples qui comptent et qui font que parfois le sexe au cinema ça marche.
Au restaurant
Étant donné qu'à peu près n'importe quel film comporte une ou plusieurs scènes de frotti-frotta, il nous a bien fallu trouver un point de départ. Et s'il ne fallait garder qu'une seule scène d'orgasme au cinéma, ce serait évidemment celle-ci, donc autant commencer par elle ! Certainement la séquence la plus connue de Meg Ryan (voire le climax de sa carrière), cette jouissance simulée au restaurant face à Billy Cristal, dans Quand Harry rencontre Sally, doit aussi nous servir de mise en garde : au cinéma, la jouissance tient généralement du fake.
Quand Harry rencontre Sally de Rob Reiner :
On ne va pas vous mentir : L'Abominable Vérité est clairement un gros navet poussif (vous me direz, avec Katherine Heigl et Gerard Butler, on pouvait s'y attendre). Pourtant, cette scène de restaurant (variation possible sur celle de Quand Harry rencontre Sally) reste assez poilante, mettant en jeu un accessoire sexuel assez récent : l'œuf vibrant. Pour les plus prudes (ou les moins portés sur la technologie), le principe est de placer ledit œuf au cœur de l'intimité d'une demoiselle, puis de l'actionner à l'aide d'une télécommande... Sauf qu'ici, cette dernière tombe aux mains d'un petit chenapan qui semble davantage avoir l'habitude des voitures téléguidées.
L'Abominable Vérité de Robert Luketic :
En solo (ou presque)
Bon, voilà, on a bien ri, maintenant passons aux choses sérieuses avec un extrait de Black Swan de Darren Aronofsky, où Natalie Portman nous montre comment se réveiller du bon pied – en l'occurrence, en le prenant. Ce qui vaut bien un bol de céréales, au fond. L'orgasme : l'autre ami du petit déjeuner...
Black Swan de Darren Aronofsky :
L'amour à deux : dans les champs ou à l'hôtel
Commençons donc tranquillement l'amour à deux par un cadre bucolique, champêtre... presque courtois ! « Mignonne, allons voir si la rose » et tout le tralala. Sauf que, subitement, Ronsard prend un sérieux coup de fouet devant les formes affolantes de la Scarlett Johansson de Match Point ! Ou dans l'inquiétude crue de Silvana Mangano en MILF pasolinienne, qui, traumatisée par un Terence Stamp rimbaldien et diaboliquement sensuel, part en quête de jeunes gigolos...
Match Point de Woody Allen :
Théorème de Pier Paolo Pasolini :
Ou dans un bar...
Outrancier, ultra-sexuel et rempli de charcuterie, Jambon Jambon de Bigas Luna, sorti en 1992, présentait pour la première fois au cinéma la magnifique Penélope Cruz, face à un Javier Bardem burné comme un taureau. Ça baise, ça jouit dans tous les coins, entre cochonneries et cochonaille... Et en plus, le film n'a pas tant vieilli que ça. Autant dire qu'on n'a pas grand-chose à ajouter aux râles de la séquence suivante, à la fois drôle et torride. Si ce n'est de susurrer, avec l'accent espagnol : « ramone, ramone ».
Jambon Jambon de Bigas Luna :
Entre filles
Bien, bien, bien... Voilà, on se calme, tout va bien, on reprend ses esprits, et l'on se recentre plus délicatement sur de bienveillantes amours saphiques, avec deux des plus belles scènes de sexe entre filles des dernières années. Où l'on tâche de respirer, en évitant soigneusement tout jeu de mots graveleux sur le patronyme de Mila Kunis. Ouf.
Mulholland Drive de David Lynch :
Puis une Palme d’or pour un couple de fiction féminin ; La Vie d’Adèle a marqué par la longueur et l’intensité de ses séquences de sexe.
La Vie d’Adèle d'Abdellatif Kechiche :
Entre mecs
Parité oblige, direction le rayon homme. D'abord avec J'ai tué ma mère, étonnant premier film d'un Xavier Dolan, qui, à 19 ans, définit dans cette scène d'amour multicolore l'esthétique baroque, clipesque et grande gueule qui reste sa marque de fabrique. Puis en compagnie des deux cow-boys du Brokeback Mountain d'Ang Lee, Jake Gyllenhaal et Heather Ledge, pour quelques râles virils poussés dans l'obscurité.
J'ai tué ma mère de Xavier Dolan :
Brokeback Mountain d'Ang Lee :
Difficile de passer à côté de Call Me By Your Name, film d’initiation où deux hommes s’éprennent l’un de l’autre. Cette mythique scène de masturbation avec une pêche.
Call Me By Your Name de Luca Guadagnino :
L'amour à trois...
Comme dirait l'autre, ça vous a plu, hein, vous en d'mandez encore ? Passons alors à la vitesse supérieure ; puisque les films sont faits pour vivre sans limite ce que le quotidien ne distille qu'au compte-goutte. Or, plus on est de fous, plus on rit ; et voilà un bon moment que le cinéma réitère régulièrement son affection pour les plans à trois... De La Maman et la Putain d'Eustache à Spring Breakers, en passant par Ken Park de Larry Clark (scénarisé par Harmony Korine, qui a décidément l'air travaillé par la thématique du threesome) ou Les Innocents de Bertolucci, les triangles érotiques foisonnent désormais à en faire rougir de pudeur Les Deux Anglaises et le Continent... De notre côté, c'est au Mexique que nous avons été chercher cette jolie scène, en mode "Deux gars, une fille", avec un tout jeune Gael Garcia Bernal (affublé d'une tignasse de joueur de foot), Diego Luna et Ana Lopez Mercado. Autant vous prévenir : c'est muy caliente à partir de la quatorzième minute de l'extrait suivant...
Y tu mama Tambien d'Alfonso Cuaron :
Autre film essentiel à ne pas louper, ce Doom Generation sexy-punk-rock des années 90, mettant en scène d’un bout à l’autre les éventualités d’une relation à trois.
Doom Generation de Gregg Araki :
... ou à quatre
Une fois, deux fois, trois fois... Qui dit mieux ? Bah Blier, évidemment Blier : comment évoquer le sexe au cinéma sans se ruer sur ses Valseuses (enfin, façon de parler, hein). En 1974, une Isabelle Huppert aussi jeune qu'effrontée découvre ainsi les plaisirs de la chair, en compagnie des inénarrables - et toujours décontractés - Depardieu et Dewaere, la tête sur les genoux de Miou-Miou. A noter que cette scène qui, entre d'autres mains, aurait pu être simplement obscène, se révèle ici d'une tendresse joueuse et inattendue...
Les Valseuses de Bertrand Blier :
… ou à plus ?!
Impossible de vous montrer ici les orgies des Idiots de Lars Von Trier (vous trouverez bien un moyen de voir), alors en consolation une scène de baiser clôturant joliment une séquence de pure luxure.
Les Idiots de Lars Von Trier :
OK, là, ça devient peut-être de la goinfrerie – ou même complètement flippant. Avec cet ultime film de Stanley Kubrick, assez mésestimé à sa sortie, on en oublie même l'inexpressivité habituelle de Tom Cruise... Associant érotisme, sacrifice, cérémonie religieuse et société secrète, l'orgie de Eyes Wide Shut fait penser à du Georges Bataille sur un thème obsédant de Ligeti. Or, si un tel ensemble pourrait être atroce, le tour de force de Kubrick est de parvenir à rendre cette scène de sexe captivante par sa maîtrise de l'espace, le rythme de ses travellings et ses jeux de symétrie brisée. Un must dérangeant, qui met littéralement le spectateur à genoux...
Eyes Wide Shut de Stanley Kubrick :
Bien, bien, bien... Après une telle série, on va se calmer un peu, sinon ce philistin de Google va encore nous classer comme site pornographique. Et là, vous vous dites : quoi, on trouve des orgasmes chez la naïve Amélie Poulain ?! Eh oui, pas moins de quinze : des qui crient, des qui gémissent, des qui grinçent et des qui défoncent la literie... tout cela en à peine quelques secondes.
Le Fabuleux Destin d'Amélie Poulain de Jean-Pierre Jeunet :
Surréalisme
A bout de souffle ? Ça tombe bien, nous aussi... D'où ce petit détour par l'onirisme et le cinéma fantastique, où David Cronenberg nous démontre qu'on peut tout aussi bien faire l'amour avec sa télé, et où Almodóvar rend hommage, dans le triste et beau Parle avec elle, à L'Homme qui rétrécit (1957) de Jack Arnold - ainsi qu'à une hilarante nouvelle de Bukowski (Le Petit Ramoneur) dont on vous laisse deviner l'intrigue. Un peu de poésie, ça fait du bien, quand même...
Videodrome de David Cronenberg :
Parle avec elle de Pedro Almodóvar :
Des machines et des robots
Pochade sexy typiquement 60's de Roger Vadim, Barbarella nous présente l'héroïne de BD créée par Jean-Claude Forest sous les traits (et les formes) de la délicieuse Jane Fonda. Ici, Barbarella se retrouve dans une intrigue délirante, à devoir lutter contre une reine maléfique et un savant fou nommé Durand Durand – dont le nom inspira un fameux groupe de synthpop britannique dix ans plus tard – qui tente ici de la tuer par overdose de plaisir, dans une machine à orgasme de son invention. Sauf que la super-héroïne ne craint évidemment rien de ce sex-toy géant... Remarque : récemment, Nicolas Winding Refn exprimait son souhait d'adapter à son tour Barbarella, sans doute sous forme de série. De quoi titiller notre curiosité.
Barbarella de Roger Vadim :
Cinq ans plus tard, en 1973, à la machine orgasmique de Barbarella répond l'Orgasmatron de Woody Allen, dans Woody et les robots (Sleeper en VO). Après avoir été cryogénisé pendant deux siècles, le héros interprété par Allen est missionné pour infiltrer un gouvernement dictatorial. Ayant fui déguisé en robot, il se retrouve alors chez Diane Keaton, où il découvre une décoiffante machine à plaisir...
Woody et les robots de Woody Allen :
Pas sages à l'oral
Voilà, alors avant que cet article ne parte définitivement en sucette (oui, bon, d'accord), reconnaissons qu'il y a encore bien d'autres films, d'autres scènes qu'il faudrait mentionner. Ne serait-ce que pour poser cette question qui nous démange : Vincent Gallo utilise-t-il, oui ou non, une prothèse dans cette fameuse scène de sexe oral de The Brown Bunny
Les Amants de Louis Malle :
Blowjob d'Andy Warhol :
Passons à la régression complète (car on peut aussi jouir en rigolant, non ?), avec une séquence d'American Pie où Tara Reid découvre, à l'heure du repas, les joies d'une « tornade linguale » sur la musique de Hole – ah oui, Hole, le groupe de Courtney Love : tout en finesse dans le jeu de mots, quoi. Bon appétit !
American Pie de Paul Weitz :
Cinq fruits et légumes (enfin, un concombre suffira)
Continuons donc avec les conseils nutritionnels du du film à sketches de Walerian Borowczyk, <em, sorti en France en 1974. Suivant les traditionnelles recommandations de cinq fruits et légumes par jour, l'héroïne du segment "Thérèse philosophe", punie et enfermée dans un débarras, découvre les plaisirs solitaires à l'aide d'un prodigieux concombre. Une très belle séquence, qui laisse pour le moins songeur, mais définitivement
Contes immoraux de Walerian Borowczyk :
Avec des animaux
Autre grand moment improbable chez le maître Oshima, adepte de l’érotisme sous bien des formes, avec cette relation entre un singe et Charlotte Rampling.
Max mon amour de Nagisa Oshima :
Monster & Cie
Dans le genre insoutenable, les scènes de sexe avec monstre ou entre monstre restent au top. Grand sujet du Shape of Water de Guillermo del Toro, on vous montre ici quelques pièces maîtresses. Si vous aviez échappé à la trilogie Basket Case c’est réparé, monstre de « chair et d’os » comme on en fait plus, pour une des séquences les plus gênantes de toute l’histoire du cinéma. Possession c’est autre chose, un chef œuvre absolu à la psychologie meurtrière duquel vous ne reviendrez pas indemne. Juste ça.
Basket Case 2 de Frank Henenlotter :
Possession d’Andrzej Żuławski :
Corps et Animation
Le cinéma d’animation et notamment son pendant japonais reste une gigantesque porte ouverte aux délires les plus affreux et répréhensibles (vous irez faire un tour tout seul sur les sites hentaï monstro-kawai-hard-porn). On trouve quand même de magique moment d’amour avec ce qu’il faut d’explosion et de couleur pour prouver les intensités (cette séquence super psychédélique du merveilleux Mind Game. Ou lorsque l’amoureux devient monstrueux, en mode mante religieuse du démon. Un Wicked City pour les avertis.
Wicked City de Yoshiaki Kawajiri :
Mind Game de Masaaki Yuasa :