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Les 50 meilleures séries de tous les temps

Envie de binge-watcher ce qui se fait de mieux sur petit écran ? Voici notre classement des meilleures séries de l'histoire.

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Résumer l’amour des séries en 50 titres emblématiques ? L’exercice est à la fois excitant et complexe. Le genre a explosé depuis une vingtaine d’années mais traverse la culture pop depuis 75 ans. En établissant ce classement, une évidence nous a sauté aux yeux : les séries couvrent depuis toujours une diversité de points de vue et d’expériences fascinante. D’abord conçues exclusivement pour le grand public, elles se sont enrichies ces dernières décennies d’approches parfois radicales venues de toute la planète et de chefs-d’œuvre aussi importants que les grands totems de la littérature ou du cinéma. Si elles prennent le pouls du monde avec une pertinence imparable, certaines sont encore méconnues. Nous espérons avec ce dossier susciter découvertes et curiosité.

Notre top des 50 meilleures séries

1. Twin Peaks (1991-2017)

La série de Mark Frost et David Lynch a fait davantage pour son art que n’importe quelle autre. Autour de l’assassinat de Laura Palmer - la reine du lycée d’une petite ville du nord-ouest des Etats-Unis -, ses deux premières saisons ont à la fois parodié et sublimé l’art du soap, créé des visions loufoques, étranges et poétiques, brisé les carcans de la fiction familiale et des récits policiers. Vingt-cinq ans plus tard, les 18 épisodes de la troisième saison sont partis encore ailleurs, détruisant méthodiquement les attentes pour imaginer des coups de force visuels et narratifs autour de la figure de l’agent Dale Cooper (Kyle MacLachlan) et de ses doubles, dans un monde devenu suffocant. Grande série sur les traumas et le mal qui rôde, élégie de la fragilité humaine – avec la musique lancinante d’Angelo Badalamenti en guise de consolation… –, Twin Peaks a aussi libéré une génération de scénaristes et de créateurs. Le must.

2. Les Soprano (1999-2007)

On imaginait qu’après la saga du Parrain et la splendeur crépusculaire des Affranchis, le monde n’avait plus rien à dire de profond sur la mafia et ses liens avec les mythes de l’Amérique. Mais le dépressif Tony Soprano a surgi sous les traits du géant James Gandolfini, plein du regret des grands gaillards massifs du cinéma classique. « Mais où est passé Gary Cooper ? » fut son mantra dans les premières saisons. Allergique aux formules scénaristiques attendues, le créateur David Chase raconte son enfance dans le New Jersey et les abîmes névrotiques de sa famille, retravaillant au passage la figure du héros made in America : loin des grands espaces à cheval et beaucoup plus près du frigo dans son pavillon de banlieue. Cela donne une série captivante et libre, capable de passer d’un gunfight entre amateurs de spaghettis énervés à une séance chez la psy à une séquence de rêve… Devant ce genre de monstre, les superlatifs sont forcément de sortie. On peut dire que Les Soprano a révolutionné l’art des séries.

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3. The Wire (2002-2008)

Pour beaucoup, The Wire a agi comme un révélateur de la puissance romanesque et visuelle des séries des années 2000. Avec Les Soprano et Six Feet Under, la série de David Simon – un ancien journaliste d’investigation reconverti en scénariste dostoïevskien – a trusté le podium des chefs-d’œuvre du nouvel âge d’or lancé par les prises de risques de la chaîne câblée HBO. En cinq saisons, la série a capté sans concession une Amérique « en guerre contre elle-même » (dixit son créateur) du point de vue des gangsters de Baltimore, des junkies, mais aussi des flics, des hommes et femmes politiques, des élèves d’un collège difficile… McNulty, Omar Little, Kima Greggs, ces noms et bien d’autres résonnent comme autant de figures majeures. Toujours très documentée (Simon a passé deux ans en immersion avec la police de Baltimore, une expérience dont il a tiré le livre Homicide : Life on the Streets), The Wire a tissé sa toile avec une ampleur inégalée, à la fois western contemporain sur les ravages des politiques sécuritaires et plongée fascinante dans une société en crise à tous les étages. Essentiel.

4. Friday Night Lights (2006-2011)

Le miracle de « FNL », comme l’appellent ses fans, a été de transformer une histoire très locale en attrape-cœur mondial. Autour de l’équipe de football américain du lycée de la ville imaginaire de Dillon, au Texas, la série a déployé bien autre chose que des scènes de sport : un ballet de sentiments et de sensations, de lumières rasantes sur les visages, de situations à la fois douces et tendues… De Tim Riggins au coach Taylor, en passant par Tami Taylor, Tyra Collette ou encore Vince Howard, Friday Night Lights a offert un foisonnement d’hommes et femmes saisis dans les moments décisifs de leur vie. Filmée caméra à l’épaule, souvent en improvisation, la série a fait de ses spectateurs de véritables punching-balls émotionnels, sans jamais devenir larmoyante. Surtout, elle a su tenir la distance pendant cinq saisons et proposer une fin parfaite. LE chef-d’œuvre que tout le monde n’a pas vu.

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5. Six Feet Under (2001-2005)

Pour ses nombreux adorateurs, la création d’Alan Ball reste un monument intime. Autour d’une famille de croque-morts dont le patriarche meurt au premier épisode, Six Feet Under raconte à la fois la fragilité de nos vies et les failles anxiogènes de la famille, dans un mélange de drame psychologique à haute tension et de soap virant à la comédie. Chaque épisode s’ouvre sur un décès, traité de façon factuelle, voire ironique. Les mécanismes affectifs, sentimentaux et pulsionnels des Fisher sont étudiés avec une minutie de plus en plus prenante, au point que le cliché qui consiste à dire que les personnages de séries deviennent comme des amis proches prend ici tout son sens. Avec sa cinquième saison belle à pleurer et sa conclusion mythique déployée à travers le temps, Six Feet Under tient sa place dans le club très fermé des expériences qu’on n’oublie jamais.

6. Le Prisonnier (1957)

« Je ne suis pas un numéro, je suis un homme libre. » Quelle réplique de série plus mémorable que celle-ci ? Les créateurs de Lost et à peu près tout ce que la terre compte de scénaristes considèrent Le Prisonnier comme une influence décisive, même plusieurs décennies après sa diffusion. L’acteur/créateur Patrick McGoohan a marqué la pop culture du XXe siècle avec ce récit kafkaïen d’un homme enfermé dans « le village » dont nul ne peut sortir, sous peine d’être rattrapé par d’étranges boules en plastique géantes… Numéro 6 s’échappera-t-il ? Croisant science-fiction et commentaire politique, ces 17 épisodes psychédéliques, drôles et inquiétants, prouvent que les séries ont atteint le rang d’art bien avant les années 2000. Inventive formellement, fulgurante dans sa manière de capter le danger fasciste qui menace les démocraties via le contrôle de masse, Le Prisonnier reste une série diablement actuelle. Et une expression 100 % pure du génie anglais.

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7. Mad Men (2007-2015)

Fils d’une prostituée, usurpateur d’identité devenu créatif génial dans la pub sur Madison Avenue à la fin des années 50, Donald Draper est le personnage le plus fascinant vu dans une série : capable de faire monter les larmes en devisant sur l’importance des souvenirs heureux, il pouvait aussi glacer le sang en une seule réplique cruelle. Joué par Jon Hamm comme une version au bout du rouleau de Cary Grant, cet homme à femmes moyennement fréquentable a traversé les années pop avec élégance et spleen durant sept saisons, jusqu’aux 70’s qui ont fait de lui un dinosaure. Matthew Weiner, le créateur de la série, a façonné une sombre mythologie avec des personnages empêtrés dans leur opulence et leur (in)conscience de classe. Tout le monde buvait des tonnes d’alcool dans Mad Men, les robes et les chansons étaient sublimes, mais derrière la séduction se nouaient de graves cancers politiques comme le racisme et des drames domestiques faits de vies trop peu vécues. Avec, au bout du tunnel, l’espoir gagné de haute lutte par l’inoubliable Peggy Olson.

8. Fleabag (2016-2019)

Phoebe Waller-Bridge a d’abord imaginé Fleabag comme un spectacle seule en scène à l’été 2013, avant de transformer ce texte très fort en série unique en son genre. Le personnage principal, que ses parents ont surnommé « sac à puces » (fleabag, en anglais), est une trentenaire londonienne qui vient de perdre sa meilleure amie et navigue dans l’existence entre coups d’un soir et boulot dans un coffee shop souvent vide. A partir de ce monde microscopique, la scénariste et actrice principale de génie, véritable révélation des années 2010, a construit un récit intense qui se révèle par couches. On imagine d’abord une sorte de suite londonienne à Girls. Mais on finit par comprendre que Fleabag saisit le temps du deuil avec une acuité féroce. La deuxième salve d’épisodes, encore meilleure, décrit la renaissance de l’héroïne, contrariée par un amour impossible avec un prêtre beau à croquer. Emancipée, brillante, féministe, Fleabag est la série de notre époque.

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9. Transparent (2014-2019)

Basée sur l’expérience intime de Jill Soloway (qui avait débuté sa carrière de scénariste sur Six Feet Under), Transparent raconte le coming out transgenre du patriarche de la famille Pfefferman à près de 70 ans. Ses enfants déjà quadras tombent d’abord de la chaise, avant de commencer à réfléchir. Une comédie familiale d’un nouveau genre s’enclenche, où se pose pour tous et toutes la question de ses désirs profonds. Avec un mélange d’humour nerveux et de mélancolie tenace, la série affirme qu’il n’est jamais trop tard pour se révéler à soi-même. C’est souvent bouleversant. La fin de Transparent a été entachée par les accusations d’agression sexuelle à l’encontre de l’acteur principal Jeffrey Tambor, mais les quatre premières saisons restent un modèle de récit évolutif, bouillonnant et queer. A Hollywood, il y a un avant et un après Transparent.

10. The Leftovers (2014-2017)

Un jour funeste, sans aucune explication cartésienne, 2 % de la population mondiale disparaît de la surface de la Terre, comme évaporée. Des familles sont brisées, des couples déchirés, des enfances stoppées net. Comment survivre ? C’est à partir de ce canevas issu du roman de Tom Perrotta que Damon Lindelof (Lost, Watchmen) a imaginé l’une des séries les plus impressionnantes qui soient. On y croise un policier dont la femme a rejoint une secte postapocalyptique, des responsables religieux illuminés, des ados en quête de sens dans un monde qui n’en a plus beaucoup… Le deuil fait office de ciment fictionnel et de porte d’entrée vers de multiples mondes. En trois saisons, The Leftovers se permet à peu près tout : voyages dans le temps vers les débuts de l’humanité, scènes de tendresse filiale à la simplicité déchirante, envolées lyriques aussi barrées que dans Twin Peaks. La premières et la troisième saisons ont quelques défauts, mais la deuxième atteint la perfection.

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11. Breaking Bad (2008-2013)

Quand un prof de chimie quadra à la vie tristement banale se voit diagnostiquer un cancer, sa vie explose. Associé à un jeune dealer mal fagoté, il décide de fabriquer de la méthamphétamine pour assurer l’avenir de sa famille – enfin, c’est ce qu’il prétend. En cinq saisons, Breaking Bad place sa caméra comme une loupe pour observer la mutation d’un homme, Walter White, glissant de plus en plus loin de ses principes moraux pour se transformer en symbole du mal assoiffé de pouvoir. « Je me sens vivant comme ça », dira-t-il au moment de faire le bilan… Ultra-stylisée dans les paysages post-western du Nouveau-Mexique, existentielle et rugueuse, la création de Vince Gilligan a fasciné des millions de fans appréciant son analyse méticuleuse d’un cas limite. Depuis la révérence de Walt et Jessie, une série dérivée de Breaking Bad remporte les suffrages, centrée sur le personnage flamboyant de l’avocat Saul Goodman : Better Call Saul.

12. Lost (2004-2010)

« We have to go back. » Ce genre de phrase résonne encore dans les têtes, une décennie après la fin de Lost. Certes, tout n’a été parfait durant les six saisons. Mais l’aventure hors-norme des rescapés d’un crash d’avion sur une île perdue a fonctionné comme un guide de survie par temps de catastrophe. En éclairant le passé de Jack, Kate, Sawyer, Hurley et les autres, en mettant en parallèle chaque destin personnel avec la vie d’une communauté, la série de Damon Lindelof et Carlton Cuse a touché en profondeur son époque, l’usage du surnaturel ajoutant une touche de poésie et de mystère. Dans Lost, l’enjeu n’était pas de comprendre ce qu’un ours polaire faisait dans un pays chaud. Il s’agissait plutôt de poser frontalement la question du deuil, des regrets, de trouver l’espoir d’aller mieux. Les fameuses « réponses » refusées aux spectateurs dans les ultimes épisodes furent une manière de les prévenir que la fiction ne peut pas tout. Lost nous a laissés seuls, mais un peu plus armés face à la vie, rappelant que l’important, ce n’est pas la destination, mais le voyage.

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13. Urgences (1994-2009)

La saga médicale initiée par Michael Crichton a duré 15 saisons et 331 épisodes, dont peut-être une moitié de trop. C’est vrai, les séries se fatiguent quand elles vieillissent. Il n’empêche. Ce mélange de réalisme sanglant dans le traitement des cas médicaux, de conscience sociale aiguë face aux populations pauvres de Chicago échouant aux urgences et de pur soap sentimental impliquant des personnages magnifiques (de Mark Greene à Carol Hathaway, en passant par le Dr Carter…) a donné l’une des plus beaux mélanges de l’ère moderne de la télévision. Urgences s’est imposée comme l’un des derniers chefs-d’œuvre sortis d’une chaîne grand public avant le déferlement du câble des années 2000, portant à un point de sophistication électrisant l’art de raconter une histoire à travers le temps. Les disparitions de personnages étaient toujours déchirantes, au point qu’on s’en souvient encore vingt ans plus tard – RIP Lucy Knight. Le signe d’une grande série, qui n’a jamais été remplacée.

14. La Maison des bois (1971)

Seule incursion du réalisateur de Van Gogh sur le petit écran, ce feuilleton en sept épisodes produit par la télé publique française 70’s a le goût de la nostalgie. Le scénario importe finalement peu dans cette chronique d’un village rural français pendant la Première Guerre mondiale. Alors que des petits Parisiens – dont un orphelin – ont été confiés à des locaux, Pialat suit les jeux et interactions entre ces gamins et le couple qui les héberge, ainsi que le reste des habitants. On pense à Jean Renoir dans la façon qu’a la caméra de s’attarder sur des instants de vie et des rayons de lumière, sur la petite musique du quotidien qui se voile peu à peu d’une ombre romanesque plus dramatique. La Maison des bois est une expérience immersive où l’émotion surgit sans prévenir, comme dans cette scène du deuxième épisode où une mère apprend le décès de son fils au combat. Vers la fin de sa vie, Maurice Pialat aura cette phrase éloquente : « C’est la plus belle chose que j’ai faite. »

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15. Mindhunter (2017-2019)

Les sériephiles se sont pris à rêver quand le nom de David Fincher est sorti du chapeau pour driver cette adaptation d’un livre sur les tueurs en série, basé sur des entretiens en profondeur. Et personne n’a été déçu. Encore mieux que dans la première saison de House of Cards, le réalisateur de Seven a su adapter dans Mindhunter ses visions obsessionnelles aux exigences du format épisodique. La masculinité dans ce qu’elle a de plus fragile et de violent s’impose donc comme le sujet central. Regarder les hommes tomber, parfois s’effondrer, hante les épisodes, y compris ceux réalisés par d’autres que Fincher. Dans la deuxième saison, la meilleure (mais la première était déjà de très haut niveau !), la série ajoute une dimension politique à son propos, en s’intéressant à l’histoire vraie d’enlèvements d’enfants noirs à Atlanta, au début des années 1980. En plus de briller par la précision de ses effets et ses acteurs exceptionnels (Holt McCallany, Jonathan Groff, Anna Torv), Mindhunter bouleverse car elle sonde des âmes solitaires qui tentent de comprendre pourquoi le monde va si mal. On pense beaucoup au chef-d’œuvre cinématographique de David Fincher, Zodiac.

16. Buffy contre les vampires (1997-2003)

A l’époque de sa diffusion, la création de Joss Whedon sur une lycéenne tueuse de vampires s’adressait largement à un public d’ados, vouant un culte à cette guerrière du quotidien et au monde à la fois proche et surnaturel de la série. C’était déjà beaucoup. Avec les années, Buffy Summers (Sarah Michelle Gellar) s’est transformée en icône pour une nouvelle génération féministe qui met en avant sa liberté, ses dilemmes moraux douloureux, sa lutte contre les oppressions patriarcales et l’atmosphère inclusive autour d’elle. Buffy contre les vampires a devancé notre époque et continue de le faire, y compris du point de vue de la forme. Whedon a multiplié les expériences tout au long des sept saisons, en proposant par exemple un mémorable épisode quasiment sans dialogues (Hush, saison 4). A la fin 2019, la Cinémathèque française a projeté une sélection dans ses murs !

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17. Le Bureau des légendes (depuis 2015)

Après avoir mis en scène le monde du renseignement dans son film Les Patriotes en 1994 et goûté une première fois aux séries en reprenant Mafiosa sur Canal+, Eric Rochant se sent prêt à bousculer la fiction française quand il lance Le Bureau des légendes au milieu des années 2010, avec la volonté de proposer une saison par an. Sous l’influence de John Le Carré, la série ausculte les vies multiples d’espions français aux prises avec les soubresauts du monde, du Moyen-Orient à l’Asie en passant par la Russie. Avec, au premier plan, le parcours de l’âme damnée de la DGSE, celui que l’on surnomme Malotru (Mathieu Kassovitz). Poids du mensonge, impossibilité d’aimer, froideur de l’administration contre violence des passions, géopolitique complexe : la série a constamment refusé le spectaculaire pour creuser ses personnages. Rochant a annoncé son départ du poste de showrunner après avoir confié les deux derniers épisodes de la cinquième saison à Jacques Audiard. Une suite est prévue, mais les 50 épisodes existants forment déjà une œuvre ultra-cohérente.

18. La Quatrième Dimension (1959-1964)

Les années 50 et 60 sont considérées comme celles du premier âge d’or télévisuel. La Quatrième Dimension fait figure de joyau dans cette époque déjà riche. Le génial Rod Serling, son créateur, fut l’un des premiers showrunners de l’histoire reconnu comme un géant. Il ouvrait et clôturait chaque épisode avec des monologues, comme autant d’effets de signature. Dans cette anthologie, les héros et intrigues changent à chaque épisode et les histoires fonctionnent comme des contes moraux à la lisière de la science-fiction et de l’horreur, alors que les personnages connaissent une expérience étrange, en dehors de la réalité. Connue pour son générique invitant à « ouvrir la porte de l’imagination », La Quatrième Dimension a marqué l’histoire par la grande variété de ses thèmes et sa puissance poétique.

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19. BeTipul (2005-2008)

Au milieu des années 2000, Hagai Levi sort de plusieurs années de thérapie dues à son anxiété. Après avoir économisé de l’argent en travaillant pour un soap bas de gamme, il développe l’idée de sa vie : une série à regarder chaque jour de la semaine, où chaque épisode correspond à une séance entre un psy et un patient. Une conversation, rien d’autre. L’épure télévisuelle à son meilleur. Le résultat, avec la collaboration de Nir Bergman et Ori Sivan, se révèle frappant par sa capacité à traiter en profondeur des personnages à la fois spécifiques à Israël et universels – un soldat, une gymnaste, etc.. Le remake américain a cartonné sur HBO avec Gabriel Byrne. BeTipul a finalement été vendue partout dans le monde. Quinze ans plus tard, la vingtième adaptation, confiée aux cinéastes français Olivier Nakache et Eric Toledano, doit arriver sur Arte à la fin 2020. Son nom : En Thérapie.

20. A la Maison Blanche (1999-2006)

Quoi de plus ennuyeux à priori que la vie glorifiée du président américain ? A la Maison Blanche a fait de ce point de départ un peu effrayant un récit sublime, croquant le locataire de l’aile ouest de la Maison Blanche et sa garde rapprochée – chef de cabinet, directeur de la communication, attachée de presse… – dans un ballet enivrant de paroles et de gestes. Le créateur, Aaron Sorkin, s’inspire alors des grandes comédies classiques hollywoodiennes des années 1930 où les dialogues fusent à toute vitesse. Josh, Toby, Leo ou encore C. J. Cregg restent des personnages adorés vingt ans plus tard. Mais la série évoque bien sûr l’Amérique des années George W. Bush. L’épisode consacré au 11-Septembre, écrit et tourné en huit jours, reste un must. Le président Bartlet, un démocrate interprété par Martin Sheen, a été considéré comme un antidote fictionnel et idéaliste à la réalité du pouvoir de l’époque. Les scénaristes ont également gagné leurs galons de devins, imaginant dès 2004 un candidat non blanc à l’élection présidentielle. Leur modèle, alors simple sénateur de l’Illinois, s’appelait Barack Obama.

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21. The Americans (2013-2018)

Elizabeth et Philip Jennings forment un couple d’espions russes en poste à Washington dans les années 80. Ensemble, ils ont un garçon et une fille, une vie en apparence normale. Mais derrière la surface, ce couple formé de toutes pièces – incarné par la géniale Keri Russell et le merveilleux Matthew Rhys – traque des informations vitales, tue des ennemis désignés par le KGB et tente de gérer la culpabilité liée au mensonge et à la trahison d’amis proches, qui ne se doutent de rien… Plus belle série d’espionnage des années 2010, The Americans a trituré en profondeur l’intimité de ses figures à double voire triple facette, tout en restant haletante et inventive. Le plus beau dans l’expérience du spectateur tient à l’évolution de la série à travers les six saisons, pratiquement sans faux pas, voire de plus en plus habitée. L’épisode final est même l’un des plus forts de l’histoire des séries.

22. Freaks and Geeks (1999-2000)

Les séries les plus courtes sont parfois les meilleures. Création de Paul Feig (futur réalisateur de Mes Meilleures Amies) associé au crack de la comédie des années 2000 Judd Apatow, Freaks and Geeks n’est parvenue à rester à l’antenne que quelques mois, le temps d’une saison de 18 épisodes. Un problème d’audience. Un problème de beauté intérieure aussi, la série se montrant probablement trop délicate par rapport à ses concurrentes teens plus vitaminées de l’époque, comme Dawson. Dans le lycée de l’héroïne Lindsay Weir, les hormones explosent, mais ce sont les habituels laissés-pour-compte, les freaks et les geeks, qui occupent le devant de la scène. En plus d’avoir lancé les carrières de James Franco, Jason Segel, Lizzy Caplan ou Seth Rogen, Freaks and Geeks reste dans l’histoire pour sa manière unique de pointer le mal-être ado avec un réalisme et une douceur de tous les instants.

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23. Chernobyl (2019)

Des badauds regroupés sur un pont observent au loin une centrale nucléaire qui brûle. Dans l’air flottent déjà des particules mortelles dont ils ne savent rien… Ce genre d’image aussi poétique que choquante, la mini-série de Craig Mazin en regorge. Arrivée par surprise sur les écrans en 2019, Chernobyl n’aurait pu être qu’une fiction historique de plus. Mais sa manière prenante d’envisager l’accident nucléaire de 1986 et ses conséquences dans l’Europe entière lui a donné une ampleur humaine et politique incomparable. Avec une multitude de détails stupéfiants et des personnages forts, les cinq épisodes saisissent non seulement le moment où tout a déraillé dans la gestion de la crise, mais aussi quelque chose de plus profond et d’impalpable sur la fragilité du monde. On ne parle évidemment plus des années 80, mais des temps troublés d’aujourd’hui, où la lutte contre le mensonge et l’étroit chemin vers l’action collective sont devenus vitaux.

24. Seinfeld (1989-1998)

La fameuse série « sur rien » (dixit ses créateurs Jerry Seinfeld et Larry David) a fait l’éloge du vide durant toutes les années 1990, régnant sur les rires télévisuels en suivant la vie de quelques voisins et potes survoltés dans Manhattan. Jerry, Elaine, George et Kramer ouvraient des portes brusquement, disaient du mal de tout le monde – y compris d’eux-mêmes – et passaient des heures à se demander comment éviter le contact trop rapproché avec autrui. Une grande leçon de misanthropie et de distanciation sociale au quotidien, mais aussi l’une des sitcoms les plus drôles de tous les temps, à l’écriture de génie. Les scénaristes pouvaient par exemple imaginer un épisode où les personnages se mettent au défi de savoir qui passera le plus de temps sans se masturber. Cela a donné The Contest, un chef-d’œuvre. Il y en a beaucoup d’autres. A peu près tout l’humour du XXIe siècle trouve ses racines dans Seinfeld.

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25. Treme (2010-2013)

Plusieurs années après The Wire, le scénariste David Simon a proposé une nouvelle série à l’ampleur à priori plus modeste mais aux contours tout aussi bouleversants. Dans La Nouvelle-Orléans dévastée par l’ouragan Katrina (la catastrophe a eu lieu fin août 2005), plusieurs habitants des quartiers populaires reviennent à leur vie normale entre espoir et inquiétude face aux réponses politiques inappropriées à leur situation. L’une est cheffe, les autres sont conseillers juridiques ou encore tenancière de bar. Mais la plupart sont des musiciens. Treme a rythmé ses épisodes avec des airs de jazz joués en direct et la musique spécifique à ce quartier de la ville, ancrée dans les traditions centenaires de la Louisiane. Au bout de ses trois saisons merveilleuses d’humanité se dessine finalement le portrait d’une autre Amérique, refusant de vivre dans les clous du libéralisme à outrance. Quand on parle de télévision culturelle, impossible de ne pas évoquer Treme.

26. Friends (1994-2004)

Le carton récent des aventures de Rachel, Joey, Ross, Monica, Chandler et Phoebe sur Netflix a montré la force inchangée de la sitcom de Marta Kauffman et David Crane, plus de quinze ans après son ultime épisode qui avait réuni 52 millions d’Américains devant leurs écrans – record du monde. Pourquoi a-t-on encore besoin de ces colocs pas très bien habillés aux coiffures douteuses, qui plus est tous blancs et à priori hétéros ? Le conformisme de Friends appartient sans doute au passé, mais son génie d’écriture demeure (faire rire toutes les dix secondes, quel exploit), son burlesque domestique également, tout comme la nostalgie d’une vie où l’entrée à l’âge adulte pouvait être sans cesse repoussée. Quand les séries servent à ce point d’antidépresseur sur la durée, on ne peut qu’admirer leur persistance dans la pop culture.

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27. I Love Dick (2017)

Une seule saison, mais une saison qui restera. Au départ, il y avait le roman épistolaire de Chris Kraus, publié en 1996, sur la vie de l’auteure avec son compagnon, le philosophe Sylvère Lotringer. Comment renouveler le désir ? Comment concilier création, affection et pulsions ? Adapté par Jill Soloway et Sarah Gubbins, I Love Dick répond avec son trio sexuel/amoureux explosif et fluide entre un professeur (Griffin Dunne), une cinéaste (Kathryn Hahn) et un intellectuel très cow-boy (Kevin Bacon) dans les décors de Marfa, au Texas. Chaque épisode rejoue les gammes comiques du psychodrame amoureux, tout en imaginant des lignes de fuite en dehors des sentiers battus. Brûlot féministe et queer, mélange de visions charnelles et de théorie, cette série passée sous les radars (sauf au festival Séries Mania où elle a remporté le Prix spécial du jury) a aussi comme particularité d’avoir mis en place la première salle d’écriture 100 % féminine de l’histoire d’Hollywood.

28. Better Things (depuis 2016)


Au départ, la créatrice et actrice principale Pamela Adlon s’est appuyée sur Louis C.K. pour créer cette comédie inspirée de sa vie de mère et de comédienne un peu lose à Los Angeles. Alors que la deuxième saison était diffusée, les accusations d’agression sexuelle contre son partenaire créatif ont émergé. Nous étions en 2017. Adlon a continué à tenir seule le navire, réalisant tous les épisodes des saisons 3 et 4 et dirigeant l’écriture. Déjà très belle, la série est devenue magique, marquée par le sceau d’une vérité intérieure se découvrant peu à peu, comme une vieille pudeur dont on n’a subitement plus besoin pour avancer. Ode féministe à la maturité, comédie à la fois grinçante et bienveillante, Better Things se révèle aussi très étonnante dans sa structure. Un épisode ne ressemble jamais à un autre, même si Sam, la jeune quinquagénaire qu’interprète Pamela Adlon, reste toujours au centre de l’attention. Une série grandiose et modeste à la fois.

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29. Watchmen (2019)

Damon Lindelof a frappé fort en adaptant pour HBO les comics légendaires d’Alan Moore et Dave Gibbons, publiés chez DC dans les années 80. Du matériau de base, il a conservé certains personnages (le Dr Manhattan notamment), un désir de déconstruction des superhéros et l’idée que l’histoire américaine alternative imaginée par les auteurs du roman graphique se serait poursuivie. Nous voilà dans une uchronie où Robert Redford a été élu président, tandis que l’Amérique fait face au danger représenté par les suprémacistes blancs. Alors que les policiers doivent désormais avancer masqués, la loi tremble sur ses bases. Watchmen dessine en neuf épisodes le portrait d’un pays en proie à la violence, où le racisme continue de gangrener la société. Il s’agit aussi d’une splendide épopée dont le personnage principal – une femme noire jouée par Regina King – traverse les âges avec une force électrisante, remettant à zéro les compteurs ce qu’on attendait d’une figure superhéroïque.

30. Game of Thrones (2011-2019)

Quand l’adaptation des romans de George R. R. Martin est arrivée en 2011, la prestigieuse HBO (Les Soprano, The Wire) se tournait pour la première fois vers le genre de la fantasy, ce que beaucoup considéraient comme un changement de cap risqué. Mais Game of Thrones est vite devenue une obsession, encaissant le choc du débarquement en masse des plateformes de streaming pour s’imposer comme la série sur laquelle le monde s’épanchait au même moment sur les réseaux sociaux, de Singapour à San Francisco. A l’ère de la fragmentation des regards, il fallait bien cette histoire de familles sanglantes, de dragons domestiqués et de têtes coupées pour résonner avec la planète entière. Game of Thrones a fait l’objet d’études géopolitiques, de discussions enflammées sur ses choix narratifs (surtout dans les dernières saisons), de multiples parodies de son générique, de réinterprétations plus ou moins délirantes de sa musique… On n’a pour l’instant trouvé aucun successeur de son calibre démesuré.

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31. Hill Street Blues (Capitaine Furillo) (1981-1987)

Alors que les séries policières souffrent désormais d’une image dégradée, ce brillant exemple des années 80 avait le désir de réinventer la roue. Sous la houlette du scénariste Steven Bochco, futur créateur de NYPD Blue mort en 2018, nous entrons dans les journées agitées d’un commissariat dans une grande ville américaine. Caméra à l’épaule, violence, regard social aigu : Hill Street Blues a raconté un pays brutal, influençant des chefs-d’œuvre à venir comme The Shield. La série a aussi élevé le genre du soap, qui était alors souvent réservé aux feuilletons peu aboutis, vers des hauteurs novatrices. Ici, pour la première fois, les personnages vivent des histoires intimes compliquées et captivantes en dehors du travail. « Le monde du récit est vaste, comme chez Dickens », a expliqué Bochco pour situer son ambition. Sans Hill Street Blues, les séries modernes n’auraient certainement pas éclos de manière si forte dans les décennies suivantes.

32. This Is Us (Depuis 2016)

Au départ, certains n’ont voulu y voir qu’une saga familiale larmoyante. Une erreur. Si This Is Us a l’ambition de nous faire pleurer, elle sublime aussi le genre mélo pour en repousser les limites. Construites sur des allers-retours entre plusieurs époques (des années 1970 à aujourd’hui), les aventures de la famille Pearson forment un magma narratif sans équivalent, où les strates des vies de Kate, Randall et Kevin s’entremêlent avec celles de leurs parents et de leurs proches. Un personnage peut être mort dans une scène et bien vivant dans une autre, sans que le deuil de le perdre et la joie de le retrouver ne soient altérés… Ce miracle de la fiction, This Is Us l’accomplit chaque semaine depuis 2016. Même si quelques trous d’air ont écumé la série, le niveau reste au-dessus de la mêlée. L’un des rares objets sériels contemporains à la fois grand public et expérimental.

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33. Girls (2012-2017)

Dès son premier épisode, la créatrice-réalisatrice-scénariste-actrice principale Lena Dunham plantait le décor en montrant son corps nu et en citant Sex and the City, comme pour signifier sa dette et expliquer en même temps que le moment était venu de passer à autre chose, de plus immédiat, cru et sauvage. Hannah, Marnie, Jessa et Shoshanna ont accompagné les années 2010 avec leurs défauts et leurs folies amoureuses, leur sens aigu de la sororité aussi, au gré d’une série mieux écrite que la moyenne – les talents de dialoguiste de Lena Dunham n’ont que très peu d’équivalents. Girls a su anticiper puis accompagner la vague #MeToo dans sa sixième saison, avec le remarquable épisode American Bitch, consacré à un écrivain célèbre profitant de son aura pour agresser des admiratrices. Bref, cette comédie ultra-vive a changé la manière dont on envisage aujourd’hui un récit centré sur des personnages féminins.

34. Les Revenants (2012-2015)

Au début des années 2010, les séries françaises ressemblaient à une morne plaine, alors que la plupart des autres pays redoublaient d’inventivité pour prendre le train de l’histoire en marche. Et puis Les Revenants a changé la donne. L’histoire, déchirante, est celle d’une petite ville de montagne où un accident de car scolaire sème un terrible deuil. Un matin, celles et ceux qui sont censés être morts reviennent frapper à la porte sans aucune explication. Sous l’œil du réalisateur Fabrice Gobert, la série installe sa poésie en quelques minutes pour ne plus lâcher son point de vue éthéré, atmosphérique, constamment habité par la mélancolie. La stupéfaction laisse place à un drame au long cours où les familles, les couples et les fratries réapprennent à vivre. La deuxième saison, arrivée plus de trois ans après la première, n’a pas remporté les suffrages malgré sa beauté sous influence Twin Peaks. Les Revenants reste un astre solitaire qui a posé les jalons de la modernité en France.

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35. Queer as Folk (1999-2000)

Il aura donc fallu qu’un Britannique s’y colle pour débloquer la représentation des personnages gays à la télévision. Son nom : Russell T Davies. Si les fans de séries connaissent aujourd’hui ce scénariste gallois pour avoir créé la géniale symphonie apocalyptique Years and Years en 2019, l’histoire se souviendra qu’il a fait sortir de terre la première série sur un groupe d’homosexuels. Logiquement, il est beaucoup question de premières fois dans cette production de l’audacieuse chaîne Channel 4, qui montre de jeunes hommes vivant une sexualité assumée mais aussi la pression sociale considérable à laquelle faisaient face les homosexuels dans les années 1990. La série a été adaptée aux Etats-Unis dans une version plus érotique et frontale, qui a connu un franc succès. Si les personnages non hétéros se sont multipliés aujourd’hui, c’est notamment à Queer as Folk que nous le devons, ainsi qu’au soap lesbien The L Word, né quelques années plus tard.

36. Curb Your Enthusiasm (depuis 2000)

Longtemps resté dans l’ombre, le cocréateur génial de Seinfeld a pris la lumière au tournant du siècle dernier, révélant son allure de grand escogriffe sans gêne dans une merveille de comédie. Soit les aventures de Larry David dans son propre rôle, un retraité vivant de ses rentes à Los Angeles – oui, écrire l’une des sitcoms les plus regardées rend riche. Sauf que rien ne se passe normalement dans son existence consacrée aux malentendus, que ce soit avec ses proches ou la secrétaire d’un cabinet médical qui mettrait trop de temps à valider son ticket de parking. Larry David a le don de faire la remarque qui fâche et se targue de ne jamais céder au politiquement correct. Cela donne une série explosive qui doit autant aux Marx Brothers qu’à l’ethnographie, proposant une étude acérée des absurdités de la civilisation occidentale. Au bout de vingt ans, Curb Your Enthusiasm continue son parcours quasi sans faute. Dans l’un des épisodes de la dixième saison, Larry porte une casquette « Make America Great Again » pour que tout le monde l’évite et qu’il n’ait pas à faire la conversation. Question gestes barrières, notre maître à tous.

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37. Borgen (2010-2013)

Au début des années 2010, les séries venues du nord de l’Europe ont opéré une percée, donnant l’espoir qu’un autre monde était possible que celui imaginé par les fictions anglo-saxonnes – et mettant la honte aux autres qui ne suivaient pas la voie de l’innovation. The Killing et Bron sortaient du lot, mais c’est la série danoise Borgen qui a explosé les compteurs. Au programme, le quotidien mouvementé de Birgitte Nyborg, une femme politique qui devient Première ministre de manière inattendue. Rivalités avec les autres partis, pressions économiques, impasses diplomatiques, dilemmes privés : tous les marqueurs d’une très bonne série politique sont présents dans la création d’Adam Price, mais avec un regard neuf. Encore aujourd’hui, la générosité déployée par la série envers ses personnages reste un modèle. Quant à son analyse du monde actuel et de ses vieux verrous tardant à sauter, elle demeure extrêmement pertinente…

38. The Office (2005-2013)

Créée par Ricky Gervais et Stephen Merchant en Angleterre, c’est après avoir été adaptée aux Etats-Unis que cette comédie d’entreprise barrée a acquis une aura mondiale durant neuf saisons. Avec Steve Carell, découvert dans le film de Judd Apatow 40 ans, toujours puceau, l’humour malaisant et burlesque de The Office a fait mouche à une époque où les sitcoms s’empêchaient encore largement d’être grinçantes, imaginant des personnages souvent odieux et désagréables mais de plus en plus irrésistibles et fins à mesure que passait le temps. Depuis la conclusion de la série en 2013, la satire de la vie en entreprise qu’elle proposait semble toujours plus pertinente. On retrouve son influence dans des créations à priori très éloignées comme Succession, qui a adopté sa mise en scène à coups de petits zooms pour évoquer les super-riches, créant une ironie immédiate.

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39. Rick and Morty (depuis 2013)

Ce bijou de l’animation pour adultes met en scène un savant fou alcoolique et souvent insultant, Rick Sanchez, avec son petit-fils Morty. Ils partagent leur temps entre le quotidien vachard de la famille Smith et quelques aventures intersidérales dérangées. Plusieurs réalités parallèles se superposent dans cette série millefeuille et pop où l’inventivité règne. Créée notamment par Dan Harmon (dont la belle sitcom Community avait marqué les esprits), Rick and Morty mixe la satire des conventions bourgeoises avec des surprises incessantes, comme cet épisode où l’un des personnages se retrouve dans la peau d’un… cornichon. Sans que cela ne dérange personne. C’est sûrement parce qu’au fond, la série se raccroche à une forme de réalisme : il est souvent question de lâcheté, de deuil, d’addiction, de tout ce qui révèle l’envers en foutoir de vies en apparence tranquilles. Difficile d’en sortir indemne.

40. X-Files (1994-2002)

Ah, les génériques années 90, l’écran de télévision carré, les slogans générationnels – « La vérité est ailleurs » –, l’homme à la cigarette, les rêveries paranos de Fox Mulder et Dana Scully… Autour de ce duo d’agents du FBI spécialisé dans les cas impliquant des phénomènes paranormaux, le créateur Chris Carter a orchestré en plus de 200 épisodes la rencontre entre série d’enquête et science-fiction, imaginant des situations dangereuses, bizarres, fascinantes, remuant les recoins sombres de l’âme. Entre un frère hanté par la disparition de sa sœur et persuadé de l’existence des extraterrestres (Mulder) et une scientifique brillante à la rigueur glacée (Scully), le courant passait très bien. Les regarder se chamailler et se frôler de manière quasi exclusivement platonique suffisait à donner à la série une épaisseur sensuelle hors du commun. Gros carton à son époque, X-Files a aussi formé quelques scénaristes hors pair, comme Vince Gilligan, futur créateur de Breaking Bad.

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41. Grey’s Anatomy (depuis 2005)

Qui aurait pu prédire, lors de son arrivée comme joker sur la grille de printemps 2005 de la chaîne ABC, que Grey’s Anatomy battrait le record établi par Urgences pour devenir la série médicale la plus longue de l’histoire ? A l’époque, la créatrice Shonda Rhimes n’était qu’une scénariste prometteuse, loin de la queen des séries qu’elle est devenue en signant un contrat faramineux avec Netflix. Une ascension méritée, tant l’intuition de Grey’s Anatomy a été redoutable d’efficacité : faire primer le renouvellement du regard sur les personnages sur les recherches narratives. D’où l’aspect très soap-opéra des intrigues, portées par des hommes et femmes bien plus diversifiés que d’habitude. C’est ainsi que Sandra Oh est devenue l’une des premières femmes asiatiques à tenir le haut du pavé dans une série et que de nombreuses thématiques féministes ou inclusives ont été développées pour un large public. Comme peu d’autres, Grey’s Anatomy a démontré la puissance d’éducation du médium, tout en faisant couler nos larmes. Que demander de plus ?

42. Sex and the City (1998-2004)

Dans la galaxie des séries HBO, la création new-yorkaise de Darren Star n’a pas toujours été considérée à sa juste valeur, sous prétexte de sa « légèreté ». Pourtant, cette relecture pop et frontale de la comédie romantique a marqué son époque avec quatre héroïnes virtuoses de la punchline et un temps d’avance sur la représentation des voix féminines diverses – à l’exception notable des femmes non blanches. Entre l’effrontée Samantha, la romantique Carrie, la conservatrice Charlotte et la pince-sans-rire Miranda, les épisodes changeaient constamment de point de vue et mêlaient plusieurs imaginaires, plusieurs façons d’exprimer les aléas du désir dans une grande ville. Toutes les solitudes s’y reconnaissaient. Et ces habits, ces talons… D’un certain point de vue, Sex and the City était aussi addictive qu’insaisissable, voire contradictoire. Ce qui a fait d’elle une série beaucoup plus vivante que la moyenne. La définition du culte.

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43. Sense8 (2015-2018)

Ames sensibles aux histoires flottantes et aux scénarios vagues, s’abstenir – mais ce serait dommage. La série initiée par les sœurs Lana et Lilly Wachowski (Matrix) cherche autre chose, en elle-même et en nous, ainsi que dans ses personnages : une ouverture d’esprit, un désir d’aller plus loin que nos plans de vie installés. Huit femmes et hommes à travers la planète se retrouvent connectés par la pensée et bientôt par la sensation. Ensemble, ils doivent défaire les forces qui veulent empêcher leurs esprits libres de continuer à communiquer, et se retrouvent parfois collés-serrés lors d’orgies sexuelles cultes, où tout le monde parvient à jouir quel que soit le ou la partenaire. Manifeste queer pour la diversité d’expériences et de points de vue, Sense8 a certes baissé en intensité après une saison, mais reste inoubliable pour la force de ses évocations visuelles, sa poésie et sa crudité mélangées, son absence totale de peur du ridicule. Une série qui fait du bien et interroge des décennies de fictions hétérocentrées.

44. Les Simpson (depuis 1989)

Née en 1989, la série animée de Matt Groening a dépassé allègrement les trente années d’existence, une longévité que seuls quelques soaps ont réussi à atteindre. Un exploit qui tient d’abord à son génie des personnages (difficile de se lasser de la caricature – plus si caricaturale – du mâle blanc américain qu’est Homer Simpson) mais aussi à son regard sociétal souvent renouvelé. Comme toutes les grandes séries, Les Simpson fait résonner l’actualité et les soubresauts politiques dans le cadre d’une comédie familiale, ce qui lui offre plusieurs niveaux de lecture en permanence. Même si son âge d’or semble passé, elle continuera longtemps à servir de modèle pour les scénaristes de comédie et les amateurs de pop culture pertinente. On défie quiconque de ne pas se laisser happer en tombant sur une rediff à 1h du matin.

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45. Skins (2007-2013)

Créée par l’improbable et néanmoins imparable duo entre un père et son fils (Jamie Brittain et Bryan Elsley), Skins a dépoussiéré le genre ado à elle seule, en imaginant des personnages à la fois dérangés, attachants et modernes. Tournée à Bristol avec des comédiens en pleine poussée d’hormones, la série aborde des thèmes aussi variés que l’anorexie, l’orientation sexuelle incertaine, les troubles bipolaires, les discriminations, la défonce, l’envie de sexe quand on ne sait pas du tout comment gérer, avec comme atout principal la vitalité éternelle du réalisme anglais. Ici, tout sonne juste, y compris le besoin de saisir un moment furtif de la vie des personnages. Cela a occasionné de nombreux changements de casting au fil des saisons, à mesure que les acteurs vieillissaient. Le résultat ? Une série rare filmée à hauteur d’ados, avec beaucoup plus de douceur qu’on pourrait le croire au premier abord.

46. Enlightened (2011-2013)

C’est l’un des « scandales » auxquels les séries nous ont malheureusement habitués, une beauté partie trop tôt, retirée de l’antenne faute d’audience. HBO n’a fait preuve d’aucune pitié pour Enlightened après deux saisons, ce qui, d’une certaine manière, confirmait le propos de fond des 18 épisodes diffusés : le monde est cruel avec les faibles, qui doivent trouver seuls la force de se rebeller. Ici, Amy Jellicoe tente de retourner au boulot après une dépression sévère et un diagnostic de bipolarité. Après deux mois de retraite holistique, la quadragénaire a décidé de faire le bien autour d’elle en cultivant une approche bienveillante, ce qui ne correspond que très moyennement aux valeurs de l’entreprise dont elle était l’un des cadres avant son pétage de plombs. Ses proches ne comprennent pas non plus vraiment ce qui lui arrive. Mike White, le créateur de Enlightened, a réussi le tour de force de rendre crédible et passionnant le parcours de cette femme en rupture, touchant les nerfs à vif de nos sociétés du profit à tout prix. Dans le rôle principal, Laura Dern n’est rien moins qu’une reine.

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47. Atlanta (depuis 2016)

Créée par l’excellent Donald Glover (alias le rappeur Childish Gambino), Atlanta raconte l’histoire de deux cousins dans le rap game de la plus grande ville du Sud des Etats-Unis – celle qui a donné naissance à Outkast et à la trap. Les clichés redoutés sont systématiquement contournés pour laisser place à un mode de récit planant, où les intrigues font déambuler les personnages dans leurs vies comme au ralenti. Singulière et passionnante, la série demande un lâcher-prise particulier, comme une imprégnation. Produite à un rythme incertain (seulement deux saisons en quatre ans, la troisième étant prévue pour 2021), elle donne l’impression de ne pas respecter les lois du marché de l’entertainment. Ce qui fait un bien fou. On peut éventuellement la prendre en cours, mais il ne faut surtout pas manquer certains épisodes brillants comme le sixième de la saison 2 (Teddy Perkins) qui évoque sans vraiment les nommer les cas de Michael Jackson, Stevie Wonder et leurs pères violents.

48. Oz (1997-2003)

Parce qu’elle a été la première dès 1997, avant Les Soprano, Oz a jeté les bases de la touche HBO : violence, amoralité des personnages, sophistication du récit. Créée par Tom Fontana, cette série de prison a scruté sans sentiments inutiles un pénitencier de haute sécurité fréquenté par des criminels intenables et dirigé par des fonctionnaires souvent abusifs. Chaque épisode provoquait un choc. Difficile de rester impassible devant la sensualité, la brutalité et le sens du drame déployé par les scénaristes, à une époque où le petit écran cherchait clairement à tester ses propres limites. Après trois saisons superbes, Oz est devenue un peu plus prévisible, mais la densité de ses figures iconiques (les frères O’Reilly, Adebisi, Beecher, Kareem Saïd, Alvarez etc.) et l’audace de ses thèmes (les affrontements raciaux et religieux étaient fréquents) lui ont permis de garder un cap singulier. Quinze ans plus tard, Orange Is the New Black a repris brillamment le flambeau, dans une prison pour femmes.

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49. 24 (2001-2010)

Quand Jack Bauer, l’âme damnée de l’Amérique, a fait irruption sur les écrans juste après le 11-Septembre, la certitude d’entrer dans une nouvelle ère s’est imposée. Aujourd’hui, c’est moins pour sa dimension politique que l’on se souvient de 24 et de son héros sauvant la bannière étoilée. Ses méthodes parfois illégales et toujours violentes ont fait leur temps, au moins dans les séries. Mais en imaginant un récit en temps réel (chaque épisode dure une heure, chaque saison raconte une journée de 24 heures), cette saga d’espionnage et de coups bas politiques a rendu une génération accro aux rebondissements permanents et aux dingueries de scénario plus ou moins crédibles. C’est à partir de 24 – dont les fichiers pirates circulaient sous le manteau, une autre ère – que le terme « addict » a été associé aux séries. Pour le meilleur et pour le pire.

50. The OA (2017-2019)

Une jeune femme au nom poétique, Prairie Johnson, refait surface après une disparition de sept ans. Elle était aveugle mais ne l’est plus. Elle se fait appeler « l’ange originel » par un petit groupe de garçons et filles à qui elle raconte ses aventures extraordinaires. Le monde devient plus doux et plus lumineux quand ils l’écoutent. Leurs sensations – comme les nôtres – sont décuplées. Créée par deux forces vives du cinéma indépendant américain, Brit Marling (actrice et scénariste) et Zal Batmanglij (réalisateur), The OA est une des expériences sérielles les plus planantes et émouvantes produites depuis dix ans. Sans en dévoiler l’intrigue et les surprises, disons qu’il est possible que plusieurs dimensions cohabitent, diverses manières d’envisager les limites de nos existences, entre récit mythologique et science-fiction. La série fonctionne comme un manifeste pour croire en la force des récits qui nous aident à avancer. Annulée après deux saisons par Netflix, The OA ne reviendra pas et ses fans la pleurent encore.

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