Il aura fallu plus de trois heures. Trois heures et trente minutes avant que Kad Merad, maître de cérémonie déterminé à la jouer « cool », ne nous libère pour satisfaire notre ventre affamé. Non pas que la cérémonie manquait d’intérêt – comme d’habitude, elle alternait pour le meilleur et pour le pire, entre les grands instants showesques (Kad Merad qui parodie Freddy Mercury, Aznavour joué par Eddy de Pretto), les pures moments d’émotions (Léa Drucker et son discours poignant ; toute l’équipe du film Shérazade émue jusqu’à l’os) et ceux – disons-le clairement – carrément gênants (Elie Semoun en slip de bain, vraiment ?).
Non voilà, c’est juste qu’on avait l’impression que la vraie performance avait lieu ailleurs, loin de la Salle Pleyel mais sur un autre tapis rouge : celui du mythique Fouquet’s (plus d’un siècle au compteur) lors du traditionnel dîner des César. Comme d’habitude, la soirée était digne d’un blockbuster d’auteur. Imaginez un peu : un casting à faire pâlir Hollywood (bah quoi, c’est plutôt classe de voir Niels Schneider discuter avec Virginie Efira), du champagne coulant à gogo (hips !) et un décor pimpée par l’éternel Jacques Garcia (du noir, du rouge et des portraits Harcourt). Le tout sous une valse de serveurs (150 !) tellement rodée qu’on la croirait chorégraphiée.
Et quand on parle de performance, on mâche nos mots (en même temps que les petits fours, gentiment refusé par un Kad Merad « au régime ») : 750 couverts à servir fissa fissa en deux heures top chrono ? Pas de problème ! Outre le serveurs, on doit l’exploit aux 30 commis cornaqués par la superstar des fourneaux - treize étoiles au « Guide du pneu » et un CV à onze vies façon personnage de jeu vidéo -, le chef Pierre Gagnaire.
Pour la cinquième année consécutive, le bonhomme a régalé les convives en trois escales : démarrage pied au plancher avec un tataki de thon (guacamole d’avocat au lait de coco, riz noir, mangue jaune, pomme verte et poire williams au vinaigre calamansi) qu’on dévore pendant que Robert Redford (César d’honneur) demande à monter dans sa chambre, exténué ; Pavé de bar rôti (poireaux et trévise à la sauce de parmesan) qui vaudra à Edouard Baer d’aller remercier en cuisine Gagnaire en personne ; et enfin Baba au rhum baigné de caramel d’ananas, graines de courge, marmelade de fruits pour clôturer le récital.
Comme dans un rêve, ledit chef et son sourire légendaire viendra même nous serrer la patte, pour vérifier que tout s’est bien passé. Contant, au passage, que 130 kilos de bar, 180 de poireaux et 50 litres de crème de parmesan auront été nécessaire pour réaliser le dîner. Rien que ça.
Pour le reste, l’orgasme culinaire aura été interrompu par l’arrivée, en cris et en applaudissements, de l’équipe de Jusqu’à La Garde. A peine le temps de féliciter son duo d’acteur Xavier Legrand et Léa Drucker, que cette dernière part s’installer pleine d’émotion auprès de ses parents et de son mari, le réalisateur Julien Rambaldi. On apprend également que Monica Bellucci n’avait pas ce soir-là la tête à boire, contrairement à Romain Duris ou Sandrine Kiberlain. Et nous qui enchaînons avec notre 11e coupe.
Seul déception : l’absence remarquée de l’équipe du Grand Bain, grands perdants des César (un seul prix pour Philippe Katerine, meilleur acteur dans un second rôle). Il faut dire qu’après la cérémonie, on a croisé Gilles Lellouche, nous taxant gentiment une cigarette. Le regard vite, hagard, il préfère rentrer avec sa mère et sa compagne. Pour notre part, on finira à 7h du mat' à l’aftershow… La mine plus enjouée.