Octobre 2013. Un petit nouveau au nom onomatopesque entre dans le monde désormais bien peuplé du clubbing parisien. On parle évidement du Badaboum, espace pluridisciplinaire qui a écrasé la Scène Bastille, pour finalement la sublimer. Un bar à cocktails tout de bois vêtu, un appartement à la déco seventies où il fait bon traînasser, et une salle cosmique, plafonnée de néons et équipée d'un excellent sound-system pour ravir nos oreilles, et exciter nos pieds. Des concerts pour la première partie de soirée, et une épatante programmation house et techno pour la deuxième. Rencontre avec la tête qui se trouve derrière les commandes artistiques du club : Martin Munier, 27 ans et tous ses tympans.
Time Out Paris : Comment t'es-tu retrouvé là ?
Martin : Eh bien, j'ai commencé il y a quelques années en organisant mes propres soirées. Au début, c'était vraiment pas facile, même ultra motivé, peu de clubs te font confiance. J'ai donc commencé à louer des salles à prix fort, et au final tu perds pas mal d'argent, mais bon, faut prendre ça comme de l'investissement. Et de fil en aiguille, tu rencontres plus de monde, tu montes de nouveaux projets comme la soirée Cliché que j'organise (entres autres) avec un certain Aurélien, gérant du Badaboum. C'est lui qui m'a contacté quand le projet Badaboum est né pour me proposer de le rejoindre dans l'aventure.
En quoi consiste le métier de directeur artistique de club ?
C'est un mélange de plusieurs choses je dirais. Bien sûr, la principale c'est de suivre une ligne directrice qui te ressemble, créer un univers dans le club, pour que les clients s'y retrouvent. Le Badaboum accueille énormément d'habitués, de gens qui viennent parfois même plusieurs fois par semaine, il faut garder un univers cohérent aussi pour eux. Notre politique est de faire du Badaboum un club festif, la programmation doit donc être alimentée en artistes qui font remuer les dancefloors. Pour ça, je fais mon choix entre des artistes plus ou moins confirmés, mais des artistes qui vont faire danser le fêtard du samedi comme le fan de la première heure. Le métier m'impose aussi à gérer un budget artistique. C'est mon rôle de trouver les mots pour convaincre les agents que le Badaboum est LE club où les artistes doivent jouer s'ils viennent à Paris. J'ai l'impression que l'info entre les agences de booking ne tourne pas trop mal, puisqu'ils commencent à me contacter pour proposer leurs artistes en tournée promo d'album ou d'EP.
Comment tu t'y prends pour booker des monstres comme Marshall Jefferson ou des pointures comme Mark E ?
Le Badaboum n'a plus grand-chose à prouver aux managers maintenant, ils savent que nous sommes sérieux et sympa, c'est donc plus facile pour eux de proposer à leurs artistes de venir se produire dans une salle bien plus petite que celles où ils ont l'habitude de jouer. C'est ça aussi notre force, le Badaboum offre ce qu'il se fait de mieux en termes de sonorisation et en confort scénique pour une salle de seulement 350 personnes. Les monstres comme tu dis comme Marshall Jefferson sont ultra contents de venir jouer dans un petit club. Artistiquement tu es beaucoup plus libre dans une petite salle, tu peux prendre plus de risques à jouer des choses plus pointues, alors que face à un dancefloor de 1 000-1 500 personnes et plus, il faut souvent envoyer des choses « easy » pour que la mayonnaise prenne.
Il y a pas mal de résidences aussi au Badaboum, comme la Circle par Le Loup et Mouloud, ou le Balcon. C'est eux qui sont venus à toi ?
Notre philosophie est de s'entourer de la scène parisienne qui nous ressemble. Au début on est effectivement allés vers eux pour parler de notre projet sans avoir grand-chose d'autre à leur montrer que le nom. T'imagines bien qu'au début en allant les voir et en disant « les mecs, on ouvre un club, le Badaboum, ça va être top, venez faire des choses chez nous », la première réponse était souvent : « Le Bada quoi ? T'es sérieux là ? » Bref, c'était pas gagné de les convaincre, mais la plupart nous ont suivis. Maintenant on est super contents de les voir continuer l'aventure à nos côtés. Ces soirées apportent un univers, une image, un style musical spécifique, et de temps en temps, ça permet de créer de belles surprises. En revanche, pour l'année prochaine, l'agence SUPER! rejoint l'équipe pour programmer une centaine de concerts super cool et là, ce sont eux qui sont venus à nous !
L'artiste que tu rêves de voir jouer au Badaboum ?
J'ai déjà réalisé pas mal de rêves pendant cette première saison, mais s'il faut rêver à fond, je dirais Daft Punk, Moodymann, Andrès, Motor City Drum Ensemble... ou alors un mec comme Larry Levan, mais malheureusement ce n'est plus un rêve mais un miracle qu'il faudrait. Après, il peut y avoir des rêves réalisables, je dis ça je dis rien...
On a ouï-dire d'une potentielle extension du lieu... C'est une rumeur cette histoire de rooftop ?
Haha, non c'est juste un rêve, mais on va faire de gros travaux cet été pour accueillir une jolie terrasse et améliorer plusieurs choses dans le club et le bar à cocktails.
Vous allez fêter vos 1 an en octobre, un avant-goût de la soirée ?
On prépare sur le week-end du 31 octobre une soirée exclusive avec un show complètement fou, ambiance Bar25 de Berlin. Puis, comme l'année dernière, on va refaire le plus petit festival du monde avec concerts et DJ qui changent toutes les heures.
On a remarqué l'explosion des collectifs comme OTTO10, Mamie's, ou Soukmachines, qui organisent des événements souvent en open air et dans des endroits toujours plus fous. Tu n'as pas peur que les Parisiens délaissent les clubs pour ces fêtes atypiques ?
Question intéressante. On parle souvent de concurrence, de rumeurs entre X et Y... Personnellement, je pense que c'est génial que des collectifs comme OTTO10, Mamie's ou bien d'autres proposent de nouvelles choses à Paris. Il se crée en ce moment une énergie culturelle super positive. Les fêtes de qualité se multiplient et ça oblige les promoteurs à faire toujours mieux, c'est génial, il faut que ça continue. Après, les fêtes atypiques restent des fêtes atypiques, c'est donc quelque chose d'éphémère. Un club, c'est pas pareil, c'est un « confort » différent, c'est un endroit où tu peux sortir sur un coup de tête, et t'y retrouveras souvent des copains. C'est une histoire, c'est des souvenirs. D'ailleurs, si on a troqué le mot « discothèque » pour « club », c'est pour la signification fédératrice du mot, la notion d'appartenance à un groupe. Je pense que sans toutes ces différences entre les multiples fêtes ou soirées en clubs, la vie nocturne parisienne serait triste, moins intéressante et donc les gens sortiraient moins. Au final, plus la vie nocturne parisienne propose de choses intéressantes et variées, plus les gens s'y intéressent et donc plus le public grandit lui aussi. Donc non, je n'ai pas peur que les Parisiens délaissent les clubs.
Tu mixes aussi sous le pseudo de Neet, tu peux nous en parler ?
Avant de faire le métier de directeur artistique, je suis un passionné de musiques électroniques. J'ai commencé à mixer dès 14-15 ans, et j'ai rapidement enchaîné les soirées d'ados et fédéré les potes. Neet (un individu non classable dans les CSP) est né. Maintenant, je mixe toujours pour le plaisir, j'ai la chance de pouvoir jouer dans beaucoup de soirées cool en France et en Europe, notamment au Badaboum. Mon envie première, c'est de faire danser les gens. Je m'adapte aux publics et je vais toujours chercher à me mettre dans la peau du fêtard qui se trouve en face de moi.
Tu as une autre passion que la musique dans la vie ?
Je suis un grand collectionneur de matriochkas. Ce que j'aime le plus avec les poupées russes, c'est que tu ne sais jamais combien il va en avoir quand tu en achètes une. Tu ouvres la plus grande, puis la suivante, puis la suivante, parfois tu peux avoir de belles surprises... Mais je suis tellement frustré quand je tombe sur la plus petite que je dois en acheter une nouvelle. J'en ai tellement que je loue depuis 3 ans un entrepôt dans le Limousin pour les stocker.