Encore trop frileux pour certains, trop snob pour d’autres, le Paris de la nuit s’efforce de redorer son blason depuis une bonne décennie à coups d’établissements qui sentent bon le neuf. Pour l’y aider, un nouveau club campe dans l’épicentre des oiseaux de nuit, rue Montmartre, en lieu et place du défunt Social Club, ex-antre pour jeunots adeptes de la french touch façon Ed Banger. Les proprios ? Toujours les mêmes : la clique de Manifesto guidée par le duo Arnaud Frisch et Antoine Caton, déjà à l’origine des Nuits Fauves, du Wanderlust et du « hypissime » Silencio, voisin lynchien de l’établissement. Nommé « Salò » en référence au chef-d’œuvre subversif de Pasolini, ce club artistique a, selon leurs dires, l’ambition de nager à contre-courant pour devenir le haut lieu de la night alternative parigote. Vaste programme !
Salò c’est donc une série de caves aux structures métalliques chargées d’histoire – les imprimeries de L’Aurore et L’Humanité y avaient quartier –, qui forment le nouvel eldorado des érudits noctambules, et dont la queue qui s’enroule ce soir-là forme une jolie forêt de sourires enivrés. A l’intérieur, les murs bruts façon Dersou côtoient les écrans à foison, ici et là, qui diffusent des vidéos arty sous les regards hallucinés du public. Après une pré-ouverture qui donnait carte blanche au réalisateur Abel Ferrara, guitare à la main pour un concert et caméra pour le tournage d’un docu, c’est le photographe Antoine D'Agata qui a pris les rênes, suivi par le duo Arielle Dombasle et Nicolas Ker, qu’on a interviewé (à jeun) pour Time Out.
Vous l’aurez compris : ce club non conventionnel est adepte des grands écarts et ne propose aucune règle ou presque. Si ce n’est faire le pont entre toutes les disciplines artistiques (cinéma, musique, photographies…) dans un marathon de 120 nuits, 40 artistes invités et 40 cartes blanches. Cette programmation, on la doit aux formidables Anne-Claire Gallet et Coralie Gauthier, fers de lance des soirées queer estampillées Flash Cocotte. Ici, elles proposent un espace bien moins délirant où l’on vient plus pour stimuler ses neurones que pour frétiller sur le dancefloor. Une forme, nouvelle, qui plaira surtout aux initiés.