Bienvenue sur le boulevard Rochechouart, bout de Paris où l’histoire s’écrit en décibels et en pavés usés. Ici, les murs ont vu passer aussi bien les excès du cabaret que les secousses du rock et de l’électro. D’un côté, le Trianon et l’Élysée Montmartre, bastions des nuits agitées où Bowie, Björk et les Daft Punk ont marqué leur territoire. De l’autre, la silhouette du Sacré-Cœur qui veille sur le quartier comme un vieux sage un peu fatigué. Et pile au milieu ? L'hôtel Élysée Montmartre. Derrière le projet, Abel Nahmias, producteur aguerri, et Julien Labrousse, architecte et entrepreneur. Les mêmes qui ont déjà redonné vie aux institutions que sont le Trianon et l’Élysée Montmartre.
Pas tant un hôtel (16 chambres, dont quatre duplex), qu'une déclaration d’intention. Un bastion pour ceux qui veulent tout : le frisson électrique de Pigalle et la poésie décatie de Montmartre. Un pied dans le chaos fiévreux des concerts, l’autre dans une bulle ouatée où l’on se pose après une nuit d’excès. Dans les lieux communs, tout comme dans les suites, exit la déco foireuse ou l'ambiance aseptisée. L’établissement a du relief : du bois d’eucalyptus taillé sur-mesure (il sert normalement à fabriquer du papier, mais s’offre ici une seconde vie plus noble, sculpté en mobilier sur-mesure), des briques qui susurrent des secrets, des rideaux de lin qui tamisent la lumière comme une gueule de bois bienveillante. Rien de tape-à-l’œil. Un hommage réussi au Wabi-Sabi, cette esthétique japonaise qui sublime l’imparfait et le brut – et franchement, ça change des décors lisses et formatés. Dans les salles de bains plutôt banales, des vasques en pierre rosée inspirées de l’artisanat portugais qui attirent le regard.
Mention spéciale aux duplex, idéaux pour les tribus qui débarquent avec marmots et valises. Parce que oui, contrairement à d’autres hôtels parisiens qui font la grimace dès qu’ils voient un enfant, ici les familles sont les bienvenues. Espaces bien agencés, literie confortable, et même une Kids Room pour les distraire pendant que vous (re)matez des classiques côté salle de ciné' : l’Élysée Montmartre Hôtel réussit l’exploit d’être à la fois un repaire pour noctambules et une planque kids-friendly. Un équilibre rare dans un quartier qui ne dort jamais. Car la vraie cartouche du lieu, faut-il le rappeler, c’est son ADN musical. Pas de file d’attente pour les deux salles de spectacles emblématiques attenantes : votre réservation vous file un sésame direct. Dans une salle cachée, une collection de Laserdiscs cultes balance du concert 90’s en boucle. Disons qu'ici, chaque détail a été pensé, sauf l’heure à laquelle vous décidez de rentrer.
Si l’Élysée Montmartre Hôtel coche (presque) toutes les cases, il lui manque quand même un atout de taille : un restaurant. Et c’est bien dommage, parce qu’au vu du petit-déjeuner buffet servi jusqu'à 11 h le week-end – avec ses cafés déniché chez des torréfacteurs indépendants – on imagine sans peine ce que pourrait donner une vraie table ici. Une adresse intime où l’on viendrait casser la croûte avant un concert ou refaire le monde après. Mais non, il faudra aller voir ailleurs pour dîner. Un petit manque, certes, mais qui laisse finalement une belle excuse pour explorer le quartier.