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C’est un qualificatif qui revient souvent quand on parle de certains coins de Paris. Celui de « village. » On l’emploie pour évoquer Montmartre, Ménilmontant, le Butte aux Cailles et, plus encore, le quartier des Batignolles. Trait d’union entre le Paris bourgeois du 8e (Monceau) et celui popu du 17e (place de Clichy), ce dernier est le témoin d’une longue et riche histoire. C’est ici, par exemple, que le roi sous l’ancien régime y chassait lièvres, chevreuils et autres cerfs, avant que la réserve ne devienne une commune rurale rattachée à Paris en 1860. C'est ici aussi que rôdent les fantômes de bon nombre d’artistes : on pense forcément à Jacques Brel et Barbara (qui y vécurent), à Verlaine (qui y est enterré) ou à Zola, Manet ou Téchiné (qui s’en inspirèrent pour certaines de leurs œuvres.)
Cessons tout de suite le cours d’histoire (on manque de café et vous d’aspirine) et concentrons-nous plutôt sur le présent. Et bien qu’il ait beaucoup évolué, le côté « havre de paix » des Batignolles demeure intact avec son église et son architecture néo-classique, sa place et son marché bio, ses magnifiques espaces verdoyants et ses rues piétonnes bien planquées. Idéal pour venir s’oxygéner grâce à des adresses qui ne manquent pas de souffle. Dans un programme minuté comme une visite papale.
9h : une douceur et ça va mieux
Pour se mettre dans les meilleures conditions, il n’y a pas de secret : il faut attaquer sa journée par un bon petit déjeuner. Les paupières encore lourdes mais le nez déjà à l’affût, on se laisse guider jusqu’aux délicieuses odeurs qui règnent dans la rue Tocqueville. Dans l'établissement Aux Merveilleux se cachent des cramiques avec ou sans pépites de chocolat ou des pâtisseries du nom de l'enseigne. Et le résultat est exquis.
10h : distributeurs de fruits et légumes
En mode petite mamie (le look en moins), on profite de la matinée pour acheter ses fruits et légumes. Et plutôt que d’arpenter le marché des Batignolles, connu de tous, on vous a déniché une adresse bien planquée qui vous donnera définitivement la banane. Son nom ? Au Bout du Champ. Son concept ? Délivrer des produits frais et de saison issus de l’agriculture paysanne dans d’étranges casiers sous forme de distributeur. Résultat ? Des tomates vermeilles grosses comme le poing, des aubergines maousses et des salades vertes comme dans les dessins animés sont dispo en libre-service.
11h : un cadre digne d’un tableau impressionniste
Le quartier des Batignolles regorge d’immenses espaces de verdure. Pour s’offrir une parenthèse poétique, et pourquoi pas méditer au bord de l’eau aux côtés des oies et des canards, il n’y a rien de mieux que le square des Batignolles. Avec son style anglais et ses 16 000 m2, il propose une vue digne d’un tableau impressionniste de Monet : un ruisseau, des arbres, une cascade et même une grotte servent de décorum. Après ça, soupir : ça va beaucoup mieux.
12h : déjeuner sur le pouce
Que ce fut dur. Dur de choisir une adresse pour déjeuner tant celles-ci pullulent dans le quartier. Bien entendu, la star incontestée du sandwich se nomme Istanbul, ce boui-boui qui nous a réconcilié avec la broche en proposant ce qui est sans nul doute possible le meilleur kebab de Paris. Mais pour être « aware », comme disait JCVD, on a décidé de becter un mets un peu moins connu : la piadine dont Le Chosedu est le meilleur représentant. A mi-chemin entre la pizza et le sandwich, cette recette italienne est en fait une galette à la farine de blé non levée. Salée (légumes grillés, stracchino et gorgonzola, par exemple) ou sucrée (Nutella), elle est tout simplement canon.
13h : escpade bucolique
Chez Time Out, on est tous « bi »: un pied dans la ville, un autre dans la nature. Ca tombe bien, les espaces verts ne manquent pas dans la zone des Batignolles. Après le square, on décide de se faire une balade dans l’immense parc Martin Luther King planté dans le néo-quartier écolo et contemporain de Clichy-Batignolles. Grand de plus de 10 hectares, cet écrin nous régale avec ses plantes rares, ses points d’eau et ses transats pour chiller. D’autant plus que vos enfants pourront, pendant ce temps, se dépenser dans les aires de jeux et autres skate parks à disposition.
On remonte ensuite vers le métro Brochant pour pénétrer dans un passage secret : la Cité des fleurs. Pas de klaxons ni de pots d’échappement dans ce site immobilier fondé en 1847, mais une voix fermée à la circulation et ouverte aux piétons à des heures précises. L’un des poumons du quartier, en somme.
14h30 : le cimetière des Batignolles
C’est le mal-aimé des cimetières parisiens. Normal, on a envie de dire, il est planqué aux confins du périphérique et se fait enjamber par ce dernier. Et pourtant, parmi ses 15 000 sépultures, certains occupants de notoriété publique : on pense à Paul Verlaine, le surréaliste André Breton et le confectionneur des costumes du ballet russe Léon Bakst.
15h30 : le street-art entre les murs
Un peu plus loin, longeant le périphérique, est lové le premier « musée » de street art parisien. Paradoxal ? On peut dire ça. Et pourtant Art 42 vaudra le saut que vous y ferez. Au total, ce ne sont pas moins de 150 œuvres qui sont exposées, entre photos, sculptures, toiles, fresques et installations. Parmi les créations, citons par exemple les pionniers du mouvement que sont Jérôme Mesnager et ses squelettes blancs ou Banksy et son humour décapant.
17h : un concept store comme on les aime
Rebrousserons chemin direction la rue Lermercier où se trouve la formidable boutique Epurama. Et pour un coup de cœur, c’en est un : Chloé, le maître des lieux, propose tout un tas de plantes, de cosmétiques bio, de céramiques, de mobilier vintage, de papeterie recyclée et d’objets de déco. On craque notamment pour le pichet en forme de tête d’ours (27 €) et pour les terrariums (tous en dessous de 100 €). A noter aussi que des artistes sont régulièrement exposés.
18h : viva Portugal !
Vous en avez marre de toujours manger la même chose ? Profitez de votre escapade aux Batignolles pour renouveler votre garde-manger. L’épicerie fine Lisboa Gourmet vous plonge dans la gastronomie lusitanienne avec des produits de (très) grande qualité du petit déjeuner au dîner. On pense notamment au fromage de brebis, à la pata negra ou aux bocaux de miel bio. Avant de partir, vous pouvez aussi vous enfiler un verre de vin portugais. Au choix, pas moins de 220 références de toutes les régions du pays.
19h : la bière c’est de l’eau
Fin de la journée, c’est l’heure de l’apéro. Si les lieux pour trinquer ne manquent pas dans la très prolifique rue des Dames, on lui préférera la rue des Moines où crèche la Société Parisienne de Bière. Pour les amoureux de houblon bien sourcé, c’est le paradis : blondes, brunes, belges ou strasbourgeoises, il y en a pour tous les goûts. D’autant plus qu’une bière… des Batignolles (!) est présente sur la carte.
20h : l’Italie encore à l’honneur
Et de trois ! Après East Mamma et Ober Mamma, Tigrane et Victor ouvrent une nouvelle adresse (Mamma Primi) rue des Dames avec encore et toujours le même modus operandi : pas de réservation, un lieu branché à mort, une cuisine grand ouverte et des produits très coquins venus tout droit d’Italie. A l’honneur les primi piatti, à comprendre les pâtes que l’on sert dans les trattorias italiennes, ici faites à la main et parfaitement délicieuses comme ces tortelli mantovani (13 €). C’est beau, bon et de bon goût.
22h : finir sur une toile
Il se fait tard et on a raté la performance de Blanche Gardin à l’Européen voisin. Direction donc, pour conclure ces 24 heures, le Cinéma des Cinéastes un peu plus haut du côté de Clichy. Cet ancien music-hall et fervent fief du cinéma d’auteur propose aussi des documentaires, festivals, courts métrages, avant-premières et rétrospectives. Le paradis du cinéphile.