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Akira Kurosawa : une immanquable rétrospective du maître

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Deuxième volet de la rétrospective du maître japonais, avec 8 films (dont 2 inédits), merveilleusement restaurés par Carlotta.

On ne vous apprendra sans doute rien en commençant par dire qu'Akira Kurosawa est reconnu comme l'un des plus grands cinéastes japonais de tous les temps - ou, tout simplement, comme l'un des plus grands cinéastes tout court, au même titre que Welles, Griffith, Renoir, Bergman, Ozu… Bref, l'un des noms incontournables de la cinéphilie universelle.

Toutefois, ce que l'on aimerait rappeler ici, c'est que Kurosawa, ce n'est pas seulement l'invention d'un langage incroyablement puissant, qui influença autant le polar que le renouveau du western (de Sergio Leone à Tarantino). C'est aussi - et surtout - des films absolument palpitants, comme le sont les grands classiques de la littérature qui influencèrent le maître japonais : Balzac (que Kurosawa cite nommément dans cette interview - sous-titrée en anglais), Shakespeare (dont on retrouve les échos dans 'La Château de l'araignée' ou 'Ran') et Dostoïevski, dont Kurosawa adapta brillamment 'L'Idiot' en 1951. 

S'étant longuement penché sur l'œuvre de Kurosawa (en particulier dans l'avant-dernier chapitre de 'L'Image-mouvement', premier volume de ses essais sur le cinéma), Gilles Deleuze résumait ainsi parfaitement la proximité fiévreuse liant le cinéaste japonais au prodigieux auteur russe des 'Frères Karamazov', dans sa conférence intitulée "Qu'est-ce que l'acte de création ?", donnée à la Femis en mars 1987, et dont est extraite cette lumineuse citation : 

« Chez Dostoïevski, les personnages sont perpétuellement pris dans des urgences, et en même temps qu’ils sont pris dans ces urgences, qui sont des questions de vie ou de mort, ils savent qu’il y a une question encore plus urgente. Mais ils ne savent pas laquelle, et c’est ça qui les arrête. […] Si Kurosawa peut adapter Dostoïevski, c’est au moins parce qu’il peut dire : j’ai une affaire commune avec lui. J’ai un problème commun, ce problème-là. Les personnages de Kurosawa, ils sont exactement dans la même situation, ils sont pris dans des situations impossibles : "Ah oui, mais attention, il y a un problème plus urgent, il faut que je sache quel est ce problème…" Peut-être que 'Vivre' est l’un des films de Kurosawa qui va le plus loin dans ce sens. Mais tous les films de Kurosawa vont dans ce sens. »

Oui, Deleuze met exactement le doigt dessus : chez Kurosawa, les hommes se trouvent en permanence écartelés, sur la brèche, en équilibre instable ou en contradiction avec eux-mêmes. Cela rend ses films incroyablement prenants, mais aussi - et surtout - ouverts, accessibles à tous, puisqu'ils scrutent avant tout la nature humaine, ses paradoxes et ses rêves, sa vanité et son sens du sublime, son ridicule et sa grandeur. Sur le plan intime, mais aussi socialement. Comme les cowboys crépusculaires des 'Désaxés' de John Huston, les samouraïs de Kurosawa témoignent en effet d'une civilisation qui s'éteint, d'un sens du devoir rendu caduc par les soubresauts de l'Histoire. Mais qui survit coûte que coûte, pour un baroud d'honneur. Ou pour la beauté du geste (cela est particulièrement vrai des 'Sept Samouraïs', mais peut aussi s'entendre de façon plus générale).

Après une première rétrospective déjà consacrée l'an dernier à Kurosawa, on ne peut donc que saluer la sortie en salles de cette nouvelle sélection de longs métrages du réalisateur nippon, formidablement restaurés par Carlotta - dont on ne soulignera jamais assez la qualité du travail (on leur doit notamment la récente restauration du monument de Jacques Rivette, 'Out 1 : Noli me tangere').

Deux films inédits - 'Le Plus dignement' (1944) et 'Un merveilleux dimanche' (1947) - côtoient ici six longs métrages majeurs du cinéaste: 'L'Ange ivre' (1948), 'Chien enragé' (1949), 'Vivre' (1952), 'La Forteresse cachée' (1958), 'Sanjuro' (1962) et 'Barberousse' (1965). Comme toujours, son acteur-fétiche, Toshirō Mifune, crève littéralement l'écran dans chacun de ses rôles : médecin bourru mais héroïque ('Barberousse'), flic cherchant son revolver disparu à travers les bas-fonds du Japon d'après-guerre ('Chien enragé') ou samouraï errant, cabotin et cynique ('Sanjuro'). 

Rétrospective Akira Kurosawa (2e partie) : bande-annonce

Enfin, comment ne pas évoquer le style narratif de Kurosawa ? Souvent épiques, ses films touchent au sublime grâce à la fluidité de leurs récits, leur maîtrise de la temporalité, et des mouvements de caméra toujours signifiants. Pas étonnant, donc, de retrouver sa 'Forteresse cachée' comme influence principale de la saga 'Star Wars' de George Lucas… Pour vous mettre en appétit, on vous laisse donc sur cette fort belle leçon de cinéma autour des mouvements de caméra de Kurosawa, trouvée aux hasards de YouTube. Tout en vous conseillant de courir au plus vite au Louxor, au Champo et au MK2 Beaubourg, retrouver l'un ou l'autre de ces chefs-d'œuvre intemporels. 

 >>> Rétrospective Akira Kurosawa (2e partie), actuellement au Louxor (Paris 10e), au Champo (Paris 5e) et au MK2 Beaubourg (Paris 3e). 

Voir le détail des films et séances sur le site du Louxor, sur le site du Champo et celui du MK2 Beaubourg.
Plus d'infos sur le site de Carlotta.

Voir aussi notre sélection : les meilleurs films du moment

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