[title]
Cinq ans après 'Folila', Amadou et Mariam reviennent avec 'La Confusion', un huitième album où s'invitent claviers et sonorités fleurant bon la funk et le disco. Rencontre avec un duo devenu ambassadeur du Mali. Et bien plus encore.
Combien de groupes actuels peuvent se targuer d'avoir une chanson que la majorité de la population mondiale reconnaît à la première seconde ? Bien peu. Depuis le triomphe de leur tube "Le dimanche à Bamako", Amadou et Mariam font partie de ceux-là. Connus et reconnus dans le monde entier, ils ont collaboré avec les plus grands artistes et ont même joué devant Barack Obama. Le genre de groupe dont l'aura dépasse le simple cadre de la musique.
Ce statut à part trouve son écho dans les textes du duo. Car derrière l'apparente naïveté et simplicité des paroles se cachent en filigrane de multiples messages sociaux et politiques. 'La Confusion' a été composée pendant la guerre au Mali (2012-2013) et les thèmes abordés s'en ressentent. Qu'il s'agisse de la paix dans le monde, des migrants, de religion mais également de féminisme, le groupe ne cesse de s'interroger sur l'évolution du monde et trouve en toute circonstance une solution au problème. La solution de la 'Confusion' ? Une musique aérienne, des rythmes plus dansants que jamais qui rendent hommage à cinquante ans de musique d'Afrique de l'Ouest. Interview des potes de Barack Obama, David Gilmour et Damon Albarn.
Time Out Paris : Après 'Folila' auquel de nombreux guests ont pris part, 'La Confusion' signe le retour d’un disque fait à deux. Est-ce un retour à vos tout débuts et à votre premier groupe Le couple aveugle du Mali ?
Mariam Doumbia : Il y avait effectivement beaucoup de featuring dans 'Folila'. Cela nous donnait...
Amadou Bagayoko : … Davantage d'opportunités. On a souhaité revenir à deux et ainsi donner une nouvelle formule d'Amadou & Mariam. Un peu comme au début, les expériences et les influences en plus.
Qu’est-ce que ça fait de travailler en couple depuis tant d’années ? Vous n’avez jamais envisagé de faire des projets en solo ?
A. : Pour ma part après 'Folila', il y a eu un projet avec les Ambassadeurs du Motel de Bamako avec Salif Keita.
M. : Quant à moi, je suis allé jouer avec les Amazones, un groupe de femmes africaines. Mais c'est aussi très bien de travailler en couple, ça revêt un côté pratique, notamment pour composer et enregistrer.
D’ailleurs, est-ce que vous composez de la même manière ?
M. : Moi, je travaille la nuit. Amadou compose le matin, de bonne heure. Et on se retrouve plus tard pour les arrangements.
On a lu qu’il y avait un objectif de recréer une ambiance d’orchestre d’hôtel africain, ça se traduit comment musicalement ?
A. : La musique africaine est très influencée par le disco, le blues et le rock, c’est ce qui permet aux gens de danser. C’est dans ce côté dansant que se trouve cette ambiance si particulière.
Cet album est très typé funk-disco. Les claviers nous font parfois penser à William Onyeabor, réédité par David Byrne des Talking Heads. Faisiez-vous partie de cette scène dans les années 1970 ?
A. : Nous avons aussi participé à ce projet ! On a toujours écouté de la musique qui venait d'ailleurs, Pink Floyd ou Led Zeppelin. Au niveau de la musique africaine, c’était Fela Kuti, la musique guinéenne et zaïro-congolaise. Il n'y a jamais eu de frontières dans nos écoutes. Notre but est de pouvoir fusionner ces musiques et donner le son d'Amadou & Mariam.
Ça s’est passé comment le processus de création ? Vous écriviez d’abord les paroles puis la musique ou le contraire ?
A. : On a une façon différente de fonctionner des Occidentaux qui cherchent le texte puis la mélodie. En Afrique, on compose tout en même temps.
On va parler de vos textes. Alors qu’ils évoquent des choses très sombres, le son de cet album est très aérien. Etait-ce une idée de contrebalancer et créer un contraste ?
A. : On a toujours pensé que la musique devait permettre de faire la fête et c’est ce que doit apporter l’instrumental. Cela permet dans un premier temps de danser avant de réfléchir.
Pendant votre concert aux Eurockéennes en 2012, vous lanciez de nombreux appels à la paix au Mali. Cet album est traversé par de nombreux messages politiques, je prends l’exemple de "C’est chaud" qui évoque la question des migrants. Avez-vous l’impression que votre notoriété doit servir un message politique ?
A : On s’est toujours servis de notre musique pour lancer des messages à la société, aux politiques et au monde en général. On pense qu’il ne faut jamais chanter pour rien et toujours dire quelque chose. Il faut que notre parole serve à changer les choses. "C’est chaud", c’était pour dire de quitter l’illusion. Avant c’était facile, les gens pouvaient changer de pays, trouver du travail. Aujourd’hui, les migrants sont escroqués par les passeurs et meurent lors de la traversée.
Qui a écrit la chanson "Femmes du monde" ? Est-ce un hymne féministe ?
A. : C’est moi ! On a toujours voulu rendre hommage à des gens dont le travail n’était pas forcément reconnu et les femmes sont aux premières loges. C’est pour cela qu’on a parlé des femmes du monde. C’est un hommage. On avait déjà adressé un titre aux transporteurs routiers.
Il y a un objectif de parler des oubliés ?
C’est ça, de parler de ceux dont on ne parlait pas assez et de ce qu’ils font.
Depuis le coup d’Etat au Mali et l’écriture de l’album, il s’est passé beaucoup de choses dans le monde (les attentats, Syrie, Trump et la montée du populisme). Etes-vous plus inquiets qu’au moment de l’écriture de l’album ? Ou arrivez-vous à conserver un optimisme à toute épreuve ?
A. : Au Mali, ça va bien mieux.
M. : Mais au niveau mondial, ça ne va pas du tout. Il n’y a que des mauvaises nouvelles !
A. : Comme on le dit dans la chanson "la Confusion" : « La souris qui joue avec le chat, le chat aussi avec le chien », tout se mélange et on ne sait plus qui croire qui.
Avez-vous l’impression d’être des porte-drapeaux voire des politiques ?
A. : Nous ne sommes pas des politiques, plus des porte-paroles de la culture malienne et de la culture africaine. Quand on va au Mali, on est reçus comme des grands et même les chefs d’Etats nous disent que quand ils voyagent, on leur demande s’ils connaissent Amadou et Mariam. Nous sommes des symboles de la musique malienne et africaine. Nous devons défendre des idéaux et dénoncer certaines choses.
En ce moment, la religion est un des sujets qui domine dans l’actualité. Nous avons cru comprendre que dans l’album que vous demandiez aux religieux de prendre position.
A. : Nous ne demandons pas aux religieux, nous demandons directement à dieu d’agir pour trouver une solution. "Mossa Allah" s'adresse à dieu pour dire que la vie sur terre est devenue difficile, que les familles sont déchirées et qu'il faut faire quelque chose.
Ce sont les 50 ans du Summer of Love, moment phare de la culture hippie et du flower power. Vous paroles font très souvent référence à cet idéal pacifique. Alors, Amadou & Mariam, des hippies dans l’âme.
A. : On a fait des festivals hippies, notamment un aux Etats-Unis il y a peu de temps. Le pacifisme est notre âme forte pour donner de l’espoir aux gens !
Retrouvez ''La Confusion' dans les bacs le 22 septembre et ici !
Propos recueillis par Rémi Morvan et Houssine Bouchama.