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Quel amateur de vin n'a jamais rêvé avoir une cuvée à son nom ou de jouer au petit chimiste en assemblant différents cépages dans une bouteille ? Alors que les ateliers Do It Yourself autour de la bière se multiplient, le vin a longtemps rechigné à prendre le train de l'amateurisme en marche, peut-être par atavisme aristocratique, peut-être aussi parce qu'on ne travaille pas la vigne aussi facilement qu'on infuse du malt et du houblon. Les Caves du Louvre ont ouvert la brèche en inventant une voie moyenne, celle de l'assemblage des cépages, cet art si primordial dans la composition du vin.
Il faut dire que ces caves s'inscrivent dans une longue tradition œnologique : au XVIIIe siècle, le sommelier du roi y entreposait les tonneaux de vin qu'il faisait ensuite rouler à travers de longs tunnels pour les amener au château lors des banquets. Longtemps fermées au public, ces caves sont désormais ouvertes à la visite et aux dégustations. Plus original encore, les ateliers « winemaking ». Un cours qui reprend les bases de la dégustation tout en y ajoutant la création d'un assemblage unique, qui sera embouteillé et étiqueté selon vos désirs, tout ça sous l'œil avisé d'Aurélien, l'expert œnologue.
En anglais (il existe aussi des ateliers en français), Aurélien explique donc les fondamentaux du vin à un couple d'Américains et deux jeunes filles françaises. Car avant de créer, il faut goûter. Impossible de tester les 8 000 cépages recensés à ce jour (dommage), alors notre hôte en a choisi cinq répartis dans des verres gradués qui trônent sur une belle table de marbre. Tous sont utilisés pour fabriquer les vins du Languedoc et de la vallée du Rhône : syrah, carignan, grenache, mourvèdre et cinsault. Chacun comporte des caractéristiques aromatiques et structurelles propres, qu'il faudra évaluer et noter pour ensuite constituer son propre assemblage en choisissant un cépage de base.
Très vite, nous voici tous en train de secouer nos verres pour aérer le vin (toujours dans le sens inverse des aiguilles d'une montre) en disant « il a de la jambe, celui-ci ! » comme des gens à qui on ne la fait pas. Nous l'auscultons également à la lumière, afin de connaître l'intensité et la brillance du cépage : « Il brille, là ? Pour moi, il brille davantage que le précédent ! Ah non, il ne brille plus. » Vous l'aurez compris, l'exercice n'a rien d'évident. La dégustation proprement dite demande également de faire appel à ses souvenirs olfactifs pour retrouver des arômes de fruits noirs dans le grenache, des épices avec le carignan, ou de la violette chez la syrah. Un conseil : ne buvez pas à chaque fois qu'on vous sert un verre, sous peine de finir l'assemblage en chantant 'Les Sardines' en slip sur un tonneau.
Une fois que vous avez goûté plusieurs fois chaque cépage, vient le temps des tests d'assemblage. A l'aide de votre pipette, vous devrez réaliser un habile calcul de pourcentages entre les différents cépages qui vous ont plu (en général deux ou trois), une sorte de cours de chimie amusante, où vous pouvez boire le précipité. Rajouter 5 % de cinsault ici, retirer 10 % de carignan là... Chaque assemblage se constitue au gré des essais et sous les conseils d'Aurélien, attentif à ce que personne ne commette d'impair en mettant de l'eau dans son vin. Nous partons finalement sur 60 % de carignan, 20 % de syrah et 20 % de cinsault, en priant Saint-Vincent, patron des vignerons, et Saint-Urbain, patron des ivrognes, de veiller sur notre cuvée.
Pendant qu'Aurélien réalise l'assemblage définitif de chaque bouteille, nous clôturons l'atelier en réalisant l'étiquette de notre vin sur iPad. Chacun y va de sa petite blague ou de son clin d'œil. Galant homme, l'Américain fabrique une étiquette à partir de la photo de sa femme et baptise la bouteille « Belle gueule », en français dans le texte. Notre collègue Zazie, elle, joue la carte parisienne avec une image et une typo à la coule façon vin naturel. Ne reste plus qu'à boucher le vin et à cirer le bouchon, et le tour est joué : vous voici l'éminent propriétaire d'une bouteille personnalisée, qui fera de vous la nouvelle coqueluche des soirées parisiennes. Mais frimez avec modération, l'abus d'ego est dangereux pour la santé.
Quoi ? • Atelier d'assemblage « Winemaking ».
Où ? • Les Caves du Louvre, 52 rue de l'Arbre sec, Paris 1er.
Quand ? • Les jeudis (en anglais) et samedi (en français) de 18h à 20h.
Combien ? • 75 €, 70 € pour les étudiants.