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Born Bad Records à Rock en Seine (2/3) : le régime Cannibale

Rémi Morvan
Écrit par
Rémi Morvan
Journaliste, Time Out Paris
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En sortant l'indéfinissable 'No Mercy For Love' en mars dernier, Cannibale a fait une entrée façon double front kick dans le paysage musical français. Des quadragénaires aux mille vies musicales et un son rarement entendu : il n'en fallait pas plus pour convaincre le patron de Born Bad. Rencontre garantie avec gluten et protéines. 

De l'Aigle, quatrième ville de l'Orne, j'avais le souvenir de vacances d'été bien solitaires où mes seuls amis se comptaient sur les doigts d'un moignon. Depuis le 3 mars 2017 et la sortie du premier album de Cannibale (d'où le moignon), la ville est devenue l'épicentre de ma carte musicale française. Mille influences, parfois inconscientes, qui créent une synthèse qu'on ne pensait jamais entendre. C'est en agrégeant le Parliament Funkadelic, Os Mutantes et les Seeds que Cannibale a trouvé sa voie. 'No Mercy For Love' est d'ores et déjà l'un des plus beaux albums de l'année et ils auraient mérité bien mieux que la « scène » Firestone de Rock en Seine. Mais les Cannibale en ont vu d'autres et ce ne sont pas des problèmes de son qui auraient pu les empêcher de donner l'un des concerts inoubliables de l'édition (Label Rouge Born Bad®). 

C'est à la fin d'un marathon médiatique qui les aura notamment vu faire un live pour France Inter, que nous récupérons le groupe. Et même si les hommes sont fatigués après une longue journée et que les questions des journalistes commencent à être redondantes, Manuel (guitariste et compositeur) et Nicolas (chant et paroles) ne la jouent pas pisse-froid. De la même manière que leur musique appelle au dépaysement et au rêve, ils ne se fixent aucune limite. Cannibales jusqu'à l'os. 

Time Out Paris : Dans le clip de "No Mercy For Love", on se promène dans des champs de blé et on grignote de force des épis. Plus « 5 fruits et légumes par jour » que viandard de l’extrême. Alors, ce nom, ça vient d’où ? 

Nicolas : Déjà, c'est pas du blé mais du maïs ! [Et bim ! Je viens de gagner un stage d'une semaine dans une exploitation céréalière de l'Orne, nda] Pour le nom, on avait envie de changer de nom pour passer à autre chose après notre ancien groupe Bow Low. Manu a composé son album et JB nous a dit tout de suite qu'il faudrait changer de nom. 

Manuel : Cannibale, c'était dans les textes. Et Cannibale, c'est Caraïbes avec plein d'influences que l'on digère et que l'on régurgite. C'est clairement du cannibalisme non-anthropophage.

N : Ca revient plus à aspirer la force de son partenaire de jeu.

Avant Cannibale, vous aviez donc joué dans Bow Low – entre plein d’autres groupes. Deux albums, de nombreuses scènes et une sacrée presse. Pourquoi ne pas avoir continué sous ce nom ?

M : Avec Nico, on s'est rencontrés au collège et c'était déjà pour faire de la musique. Après Bow Low, on était épuisés. C'est la rencontre avec Cyril (batterie) et Antoine (basse) qui nous a donné envie de recommencer et de toute façon, à plus de 40 ans, il était trop tard pour arrêter. Avoir un nouveau projet, c'était aussi se dire qu'on était repartis pour dix ans.

Nicolas et Manuel, vous vous êtes donc connus au collège. Avez-vous besoin l’un de l’autre pour composer ?

N : C'est Manuel qui compose tout seul chez lui.

M : Mais moi, j'ai besoin de Nico, déjà pour m'encourager et surtout pour un truc que je ne sais pas faire : écrire de fabuleux textes en anglais.

D’où vient le son si particulier de Cannibale ? Comment définiriez-vous votre style ?

M : Je dirais que c'est davantage de la musique du corps que de la tête.

Si je vous dis Parliament Funkadelic, The Seeds, Os Mutantes, ça vous paraît bien comme ascendance musicale ?

M : Les Seeds OK, c'est d'ailleurs JB qui m'a fait découvrir. Os Mutantes, oui aussi. Par contre, le Parliament Funkadelic, pas trop.

C'est une musique que tu composes pour être jouée en live ?

M : C'est une musique que je compose pour me séduire, séduire ma femme, Nico, Cyril, Gaspard et Antoine ! Je compose sous leur influence et trouver les parties qu'ils kifferaient jouer. 

En ce moment, qu’est-ce que vous écoutez ?

M : On a chopé une compil' d'Angola des années 1960 sur un site qui s'appelle Les Mains Noires. On l'écoute en boucle.

Vos clips sont tous plus géniaux les uns que les autres. J’ai vu que c'est toi Nicolas qui les réalise. D’où te viennent ces idées de détournement ? Je pense notamment à celui de "Diabolik Prank".

N : Ce morceau me donne très envie de danser. Il a quelque chose de diabolique, vaudou. Je suis tombé sur une fête de gens qui dansent à Noël et en mettant la musique, ça collait parfaitement sur les dix premières secondes. Le karaoké amène en plus un petit truc rigolo et inclut les gens en leur faisant apprendre les paroles. La traduction des solos, c'est sans doute ce qu'il y a de plus rigolo.

Vous êtes des petits nouveaux chez Born Bad. Avez-vous l'impression d’y avoir trouvé le cocon idéal pour vous épanouir ?

M : C'est très sécurisant d'être dans le label français le plus classe. Je ne me suis jamais intéressé aux différents labels, j'écoute des disques et je compose. Nico les connaît davantage et quand il m'a fait écouter le catalogue, je me suis dit « wouah la famille des sans-familles, c'est pour nous ! ».

Je suis passé tout à l'heure devant le concert de Franz Ferdinand, qui ont à peu près le même âge que vous, et qui font toujours la même chose depuis quinze ans. Comment faites-vous pour garder la pêche et l'envie ?

M : Faire de la musique, c'est super simple !

N : C'est sûr qu'il faut être pugnace pour faire de la musique après 40 ans. C'est juste qu'on est des grands gamins, mais est-ce vraiment être de grands gamins ou est-ce que ce n'est pas au contraire hyper réaliste ?

M : Est-ce que le fait de n'avoir jamais été Franz Ferdinand ne nous permet pas d'apprécier de faire encore de la musique à 40 ans ?

Vous avez quand même eu pas mal de succès déjà...

M : Des succès qui nous ont seulement permis de continuer.

N : On a toujours survécu grâce à la musique, plus comme des artisans qui ont des petits boulots et qui vivotent. Il se trouve que là, ça prend une autre tournure et si c'est mieux, tant mieux, si c'est moins bien, on aura quand même connu de chouettes moments.

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Cannibale, en pleine chasse © Titouan Massé

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