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Rétrospective d'un des maîtres absolus du septième art, du 12 octobre au 6 novembre 2016 à la Cinémathèque
D'Ingmar Bergman à Lars Von Trier, en passant par Jean-Luc Godard et Carlos Reygadas, l'influence de Carl Theodor Dreyer apparaît clairement comme l'une des plus fortes de l'histoire du cinéma - et le cinéaste danois, l'un de ses inventeurs les plus singuliers.
Un repère intemporel : 'La Passion de Jeanne d'Arc'
Si sa 'Passion de Jeanne d'Arc' (1927) reste probablement son film le plus célèbre, repris, cité, Dreyer a su créer une œuvre traversée de part en part par un profond questionnement métaphysique, capable de renvoyer le spectateur à sa position la plus intime, tout en poussant à leurs limites les possibilités d'expression du médium cinéma.
Déjà, parlons-en : cette 'Passion de Jeanne d'Arc', ultime film de la période muette de Dreyer, possède une originalité toujours effective. D'abord parce qu'il fut conçu comme parlant, ce à quoi dut renoncer Dreyer pour des raisons techniques, ce qui lui confère une modernité assez incroyable - en dépit de son apparente austérité - et une étrangeté par moments sublime.
A la fois étude sur les possibilités du gros plan et de la face humaine (du divin au grotesque), essai sur l'indicible, mise en scène de documents historiques, le film se concentre sur le seul procès de l'héroïne, pour mieux traduire son saut de foi vers une mystique allant bien au-delà du Dieu de l'Inquisition. Une foi basée sur le refus et sur la grâce, qui réussit, encore aujourd'hui, à vous prendre à la gorge par l'incroyable et bouleversante interprétation de Renée Falconnetti. Et c'est sans compter l'apparition, restée célèbre, d'Antonin Artaud dans l'un de ses rôles les plus conséquents au cinéma.
Extrait : 'La Passion de Jeanne D'arc' de Carl Theodor Dreyer
Un cinéma du surnaturel et de la grâce
Mais ces caractéristique de son œuvre-maîtresse, Dreyer a su les creuser, les varier avec maestria dans ses films suivants. D'abord avec 'Vampyr', en 1932, film de genre où la terreur rejoint l'interrogation mystique, au gré de superbes jeux d'ombres ou de surimpressions, et d'une photographie qui laisse pantois.
Surtout, à mi-chemin entre le muet et le parlant, le cinéaste danois y distille tout son art en exploitant tour à tour l'ensemble des ressources des deux époques du cinéma : paroles prononcées et intertitres, extraits de livres filmés ou de lettres, voix off et musique lancinante... Une véritable leçon de cinéma, d'un onirisme stupéfiant - et auquel un David Lynch doit sans doute énormément.
Extrait : 'Vampyr' de Carl Theodor Dreyer
Mais peut-être le long métrage le plus transperçant de Dreyer reste-t-il 'Ordet' (parfois aussi traduit sous le titre 'La Parole'), son avant-dernier film réalisé en 1955, récompensé par un Lion d'Or à Venise et le Golden Globe du meilleur film l'année suivante.
Nette influence de 'Breaking the Waves' de Lars Von Trier et de 'Lumière silencieuse' de Reygadas, 'Ordet' trouve aussi de remarquables échos contemporains dans un film comme 'Hors Satan' de Bruno Dumont. Incomparable essai sur la foi et la voix, la puissance de la parole et la pureté du verbe, déchirante histoire de mort et de résurrection, 'Ordet' reste tout simplement l'un des plus beaux films jamais réalisés.
Extrait : 'Ordet' de Carl Theodor Dreyer'
Ceci dit, il faudrait aussi mentionner des films comme 'Pages arrachées au livre de Satan' (1919), ambitieuse variation sur 'Intolerance' de Griffith, ainsi que 'Jour de colère' (1943) ou l'incompris 'Gertrud' (1955), ultime film de Dreyer que Jean-Luc Godard compara aux dernières symphonies de Beethoven... Bref, on ne saurait que se réjouir de la rétrospective que la Cinémathèque consacre aujourd'hui au cinéaste. Et y courir au plus vite.
Quoi ? Rétrospective Carl Theodor Dreyer
Quand ? Du 12 octobre au 6 novembre 2016
Où ? A la Cinémathèque française, 51 rue de Bercy, Paris 12e
Plus d'infos sur le site de la Cinémathèque