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Fine pluie et vent glacial ce week-end à Paris. Pas de quoi décourager les 8 000 personnes venues visiter l’hôtel de la Marine, les samedi 2 et dimanche 3 janvier. Il faut dire qu’en plus d’être gratuite, l’ouverture était exceptionnelle : les portes resteront fermées jusqu’en 2017 au moins, pour cause de travaux.
Un parapluie, un appareil photo et hop, nous voilà dans l’interminable queue à l’entrée de l’édifice. Quarante-cinq minutes, c’est long. Encore plus quand la personne devant vous n’a pas mis de déodorant. Il fallait donc s’armer de patience. Pour les adultes ça va, pour les gosses un peu moins, deux d’entre eux soufflent à grosses joues et tapent des pieds. De quoi faire ironiser leurs parents : « Ils sont moins turbulents dans la queue de Disney. »
A l’intérieur de l’édifice néo-classique, pas de Mickey ni de Space Mountain donc, mais un imposant escalier d’honneur pour entamer la visite. On est fin prêt à se gaver d’histoire dans ce lieu qui en regorge. A deux cents ans près, on se prendrait presque pour les gens de la plèbe, montant ces marches tous les premiers mardis du mois pour admirer les meubles et les joyaux de la couronne. Aujourd’hui, le peuple porte des Stan Smith et les bijoux ont été volés, révolution oblige.
A l’étage, nos yeux s’écarquillent en pénétrant dans la magnifique galerie dorée, restaurée au XIXe siècle par les marins, fraîchement installés. On admire tout, du sol au plafond : les élégantes tapisseries, les somptueux lustres dorés qui lorgnent au-dessus de nos têtes, les boiseries sur les murs éclairées par les flashs intempestifs des visiteurs du jour. Notre attente commence à être rentabilisée. Le couple à notre gauche murmure : « C’est encore mieux que le quai d’Orsay. »
Une quinzaine de minutes plus tard, on pénètre dans les salons d’apparat. Ce pour quoi on est venu, non ? On commence avec l’ancien salon des joyaux de la couronne. Sur les murs et le plafond, des dauphins qui s’entremêlent, et des motifs bleu blanc rouge, chose quasi inédite au sein de l’architecture intérieure française. Et attention, grand moment d’histoire : sur la table face à nous a été signée l’abolition de l’esclavage en France, en 1848. Deux mamies se précipitent et jouent des coudes pour avoir le meilleur angle possible.
Passé la salle à manger et le grand salon d’honneur – où on imagine bien Louis Philippe festoyer jusqu’au bout de la nuit –, voici le clou de la visite : la fameuse terrasse et ses colonnes corinthiennes. La vue est imprenable sur la Concorde et la tour Eiffel, au loin. C’est ici que les révolutionnaires ont applaudi en matant la décapitation de Marie-Antoinette. Ici aussi que François Mitterrand a observé le défilé du 14 juillet 1989. Les touristes ont saisi le moment d’histoire et enchaînent les selfies.
Il est désormais temps de quitter tout ce luxe pour rejoindre son appartement meublé Ikea. Pour les plus fortunés, le Crillon propose à peu près la même vue. Pour les autres, on se revoit en 2017, au moins.