[title]
« J'ai besoin de jouer chaque matin, c'est comme une cure »
Génial touche-à-tout, aussi humble que talentueux, le violoncelliste et bassiste Vincent Ségal semble avoir joué avec la terre entière : de Cesária Evora à Alexandre Desplat en passant par Elvis Costello, Matthieu Chedid, Georges Moustaki, DJ Mehdi, Ibrahim Maalouf, Sting, Brigitte Fontaine ou Ballaké Sissoko - avec lequel il a sorti, l'an dernier, un superbe second album en duo, 'Musique de nuit' sur le label No Format !
Et justement, le formidable label indépendant organisant son festival les 21 et 22 octobre au Théâtre du Châtelet, on pourra y retrouver Vincent Ségal pour deux concerts. L'occasion était trop belle de poser quelques questions à l'un des plus passionnants instrumentistes français.
Time Out Paris : Le 21 octobre prochain, vous donnerez deux concerts au Théâtre du Châtelet ; le premier avec le pianiste japonais Koki Nakano, le second avec le joueur de kora malien Ballaké Sissoko. Ce goût des rencontres, du voyage, paraît un leitmotiv de votre carrière : au-delà du savoir technique qu’une telle diversité implique, ces voyages à travers les cultures musicales ont-ils modifié votre approche de la musique ?
Vincent Ségal : Une rencontre importante modifie toujours ma façon de jouer. L'autre peut être mon voisin de palier : c'est arrivé il y a déjà trente ans ! L'important c'est la curiosité, l'écoute, le rêve et le jeu collectif. Les musiciens voyagent pour des raisons économiques (du delta du Mississippi à Chicago pour Muddy Waters, de l'Autriche à Paris pour Mozart), par amour, pour suivre un grand amour, mais surtout comme les artisans : pour découvrir ou confronter des techniques nouvelles.
Entre Ballaké et Koki, les espaces de jeux sont complètement différents. Avec Ballaké, nous laissons la musique vivre un voyage toujours différent grâce à l'oralité et l'improvisation. Alors qu’avec Koki, j'interprète strictement ce qu'il a composé, en essayant de jouer au plus proche de ses idées.
Y a-t-il pour vous un élément déclencheur – ou nécessaire – à une « bonne » collaboration ? Avez-vous besoin d’apprendre de l’autre ? Comment se trouve cette alchimie ? Doit-elle d’abord être humaine pour être musicale ?
Absolument. J'ai besoin de vivre une amitié, de découvrir mes compagnons, de rire, d'être surpris, de débattre, parfois de me disputer… Mais on se doit d'être « compadre », sinon c'est triste.
Enfin, concernant le travail personnel, intime, quotidien, du musicien que vous êtes, auriez-vous un conseil à prodiguer à de jeunes musiciens – notamment en matière de pratique, d’état d’esprit, de concentration ? Ou si vous vous trouviez aujourd’hui face à vous-même, à vos débuts, qu’auriez-vous envie de dire à ce jeune double ?
J'aime les jardiniers et les artisans, j'ai besoin de jouer chaque matin, c'est comme une cure. Si je ne pratique pas, j'ai l'impression de trahir un esprit qui était celui des artistes qui m'ont soutenu quand j'étais jeune, qui m'ont porté ainsi que mes chers professeurs disparus.
En Afrique, un enfant regarde beaucoup les grands travailler, quels que soient les métiers. Même les petits enfants des rues, qui ont une vie très difficile, sont très curieux et en même temps patients et volontaires. Dans nos pays riches, de nombreux enfants ont un instrument de musique à Noël et un mois plus tard l'instrument finit dans un placard.
Il faut avoir envie, une envie terrible de faire quelque chose ; et avoir la patience de faire comme faire se fait. Quand on voit un funambule, un grand buteur ou Etienne Klein, on se dit : « Quel homme extraordinaire ! », mais avec l'âge on sait que seul l'ordinaire, le travail quotidien, la patience font qu'un joueur de foot réussit un geste « infaisable » devant des millions de gens. Comme dit Jay-Z : « Si tu arrives à reproduire toutes tes rimes sans fourcher une seule fois, dix fois d'affilée, alors tu es prêt pour une joute verbale… Mille fois tu reprendras ton ouvrage. »
>>>> Vincent Ségal sera en concerts le 21 octobre au No Format ! Festival. Plus d'info ici.