[title]
Angleterre et gastronomie. Deux antonymes, non ? Pourtant, Sarah Saint-Germain « adore la cuisine anglaise ». Le bac en poche, avant d’entamer des études de communication, la jeune femme originaire des Landes fonce chez les Anglo-Saxons pour travailler comme fille au pair. « J’avais 17 ans, je ne savais pas cuisiner. Le père de famille qui élevait seul ses enfants ne savait pas non plus alors on dînait tous les soirs au restaurant. » Un séjour qui, à la fin de son master, lui donne envie de travailler dans le secteur culinaire. Elle lance alors en 2013 le Café Cœur. Aux allures de petite maison, avec un comptoir pour que les gens se retrouvent et échangent, cette cabane nourrit les visiteurs du festival Fifib, le Festival international du film indépendant de Bordeaux. Cette bicoque renforce les ambitions de Sarah et l'association Café Cœur Solidaire voit le jour dans la foulée. Son objectif ? Favoriser l'insertion des publics précaires par des activités culturelles en particulier la cuisine. Les repas « dominicool » revisitent alors le repas dominical pour faire cuisiner des demandeurs d’asile.
© Café Cœur Solidaire
« Il y a un vrai truc avec la cuisine dans ma famille. »
Pour Sarah, la cuisine est avant tout une histoire de famille. Et avant d'égayer ses papilles chez nos voisins britanniques, elle a expérimenté le monde des casseroles entre une grand-mère qui a toujours cuisiné, une tante mariée à un chef et une autre qui tient un restaurant. Ce goût prononcé pour les saveurs se transmet de génération en génération et on ne plaisante pas avec le contenu de son assiette. Mais qui dit « bien manger » dit « saisonnalité ». « Chez mes grands-parents, tu ne manges que ce qui vient du jardin, tu n'auras jamais de fraises en décembre. » Un principe que Sarah conserve lorsqu’elle file faire les courses pour ses repas dominicool en ne remplissant son panier que de produits frais, issus de l’agriculture paysanne.
Un dimanche par mois, le Café Cœur Solidaire investit un restaurant parisien pour faire cuisiner des demandeurs d’asile. Lors de ce fameux repas, c’est simple, on s'assoit, on attend d'être servi et on découvre plein de cuisines du monde. Sarah ne goûte pas à l'avance les plats que les demandeurs d'asile souhaitent préparer, elle leur fait confiance et leur laisse carte blanche. Le programme de la journée ? Quatre personnes en cuisine, issues de pays différents. Deux entrées, un plat et un dessert que chacun prépare comme bon lui semble, en ajoutant sa touche natale. « Ce qui fait l’originalité de la journée, c’est qu’il n’y a aucune cohérence entre les plats car tu ne sais pas ce que tu vas manger. » Les bénévoles de l’association s’occupent du service. Tout le monde s’investit et prend du plaisir. Même le prix fait sourire : 15 € le menu, café éthiopien compris.
« Ces gens ont leurs papiers et peuvent rester en France dix ans. Mais que vont-ils faire ? »
Bénévole chez Emmaüs, c’est sur l’ancien camp de réfugiés de La Chapelle que Sarah rencontre plusieurs demandeurs d’asile. Vivant à trois ou quatre dans des tentes, sans toilettes, ces réfugiés ont des conditions de vie très difficiles. Cours de français, nourriture et kit pour se laver... Sarah fait de son mieux pour aider ces Ethiopiens, Erythréens ou Syriens. Des amitiés naissent et lorsque que la plupart reçoivent leurs papiers, elle se dit : « On les sort d’une tente et maintenant, ils doivent trouver du boulot et un logement. Que vont-ils faire ? » Comme elle a travaillé dans la restauration, elle sait que c’est un milieu dans lequel il y a du travail. « Tu peux travailler en cuisine même si tu ne parles pas très bien français. Tout le monde apprend. »
A l’heure où la crise migratoire angoisse les populations, la cuisine reste un vecteur de communication simple, qui parle à tous. « Tout le monde mange, tout le monde adore manger », affirme Sarah. Quoi de mieux que de briser la glace et les a priori avec un délicieux bol de riz ou un merveilleux plat de nouilles ? Le Café Cœur Solidaire n’est pas une association militante mais souhaite simplement « appréhender les autres par la cuisine ». En mélangeant les cultures, chacun est gagnant. L’un est fier de préparer une assiette de son pays, l’autre est heureux de découvrir des saveurs qu’il n'avait jamais goûtées.
« Mon rêve ultime : ouvrir un restaurant d’insertion. »
Pour l’instant, seuls deux repas dominicool ont eu lieu dans la capitale mais cette initiative géniale n’a aucune raison de s’arrêter là. Sarah partage son temps entre son association et le terrain. Cette fois-ci, c’est sur le camp de Stalingrad qu’elle vient en aide aux réfugiés en attendant d’ouvrir un restaurant d’insertion, son « rêve ultime » nous confie-t-elle. Où ça ? Dans le 17e. Pour les différentes communautés qui y vivent et parce que « ce n’est pas encore trop à la mode. Il y a un côté encore caché que j’aime bien. » Avec des ambitions qui mêlent enjeux sociaux et passion culinaire, Sarah espère que ce désir deviendra réalité le plus rapidement possible !