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Entretien avec Petit Fantôme, chantre de la pop intuitive

Rémi Morvan
Écrit par
Rémi Morvan
Journaliste, Time Out Paris
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Petit Fantôme, l'artiste Halloween par excellence. Avec son troisième album, 'Un mouvement pour le vent', sorti en ce début de l'automne, Pierre Loustaunau a revêtu son plus beau costume musical, aux dimensions et sonorités infinies. Entretien avec l'une des figures de proue de la région Nouvelle-Aquitaine. Alain Juppé likes this.

« Ses titres et ses lives évoluent beaucoup, j’ai hâte de savoir quel Petit Fantôme nous aurons, mais peu importe, je sais que ce sera super ! » C'est par ces mots que Rob Fitzpatrick, le programmateur du Levitation, avait évoqué Petit Fantôme juste avant le festival. Pour vous la faire courte, le live du Basque fut l'un des meilleurs du week-end, avec un son digne d'un coup de barre à mine en plein Forez. En somme, un son très garage. Est-ce étonnant lorsque l'on sait que les potes à la compote du spectre se nomment J.C. Satan, Sam Fleisch et autres Cockpit ? 

C'est là où le paradoxe Petit Fantôme est intéressant à étudier. Issus d'une scène garage sans concession, ses albums sont des ovnis dans lesquels ses paroles en français lâchées telles des confessions se lovent dans des compositions qui oscillent entre la placidité des machines électroniques et le chaud des guitares. "Un mouvement pour le vent" est une sorte de synthèse à multiples facettes de la personnalité de son compositeur, capable de citer des références aussi éloignées qu'Aphex Twin, Ride mais également Michel Cloup Duo. L'œuvre de Petit Fantôme ne ressemble à aucune autre. L'intuition de Pierre Laustaunau est bien trop personnelle pour lui accoler une étiquette. Instinctive interview sous le costume du Fantôme.

Time Out Paris : Ton premier album, 'Yallah', sorti en 2011, aborde abondamment le thème des vacances. Je sais que tu vis et composes à Bayonne, un environnement très important pour toi. Ma question : est-ce qu'au fond, ça ne serait pas ça pour toi les vacances, le « ici » où tu sens bien, et dont tu parles dans ton titre "Ne nous lâchons plus" ?

Petit Fantôme : Oui, c'est ça, le « ici » où je me sens bien, c'est le Pays basque. Mais j'ai mis du temps pour trouver l'endroit. Lorsque j'ai fait 'Yallah', j'avais un travail, j'étais documentaliste dans un centre de formation pour adultes. J'avais très peu de temps libre. De fait, quand je faisais de la musique, c'était vraiment pendant les vacances. Et pour moi, aller vivre là-bas, c'était un peu tout le temps les vacances.

Quand on écoute tes trois albums, on sent une vraie cohérence artistique, surtout que ta patte musicale existait dès 'Yallah'. Du coup, comment définirais-tu le style Petit Fantôme ?

PF : Je dirais... De la pop intuitive DIY. Je fais vraiment comme je peux. Des fois, je ne sais pas trop comment j'ai fait tel ou tel son. Tu as des mélodies qui s'imbriquent dans d'autres mélodies, je ne connais pas le nom des accords, des notes, etc. C'est de la musique d'intuition.

Pour moi, ce qui a changé, c'est l'épaisseur de tes compositions. Les arrangements sont très fins et ta voix est plus claire que jamais. Est-ce là-dessus que tu as particulièrement travaillé ?

PF : Depuis 2011 et 'Yallah', j'ai évolué. Techniquement, dans tes goûts, ta direction, ce qui fait sens pour toi, ton langage, tout évolue. J'ai beaucoup appris avec François & The Atlas Mountain avec qui on a beaucoup tourné. Avec eux, j'ai appris à jouer de la musique. De fait, je suis allé vers autre chose. Je compose en même temps que j'enregistre et que je mixe. C'est un brouillon qui sera peut-être le morceau. Les voix sont souvent les premières prises. Au niveau des sons, comme tu le disais, je pense être cohérent. Il y a les mêmes lignes mélodiques, les mêmes sons de clavier, ce sont les choses que j'aime.

Venons-en au 'Mouvement du vent'. D'où vient cette photo de couverture ?

PF : C'est ma mère quand elle avait 16-17 ans lorsqu'elle faisait du planeur. C'est une photo que je vois depuis que je suis tout petit et l'album parle un peu de ma mère, c'est l'événement qui faisait écho et a déclenché beaucoup de choses.

Je me suis rendu compte que tu utilisais beaucoup les pronoms personnels, rendant possibles plusieurs interprétations de tes chansons. Tes chansons sont-elles destinées à des personnes en particulier ?

PF : Je n'aime pas trop écrire des paroles donc j'y passe pas beaucoup de temps. Je ne suis pas là pour raconter des histoires donc je fais des paroles qui me touchent. Si je dois chanter quelque chose, il faut vraiment que ça fasse sens et même que cela serve de catharsis. Mais je ne veux pas non plus que cela soit trop personnel parce que j'y vois un manque d'humilité. Le but est d'universaliser les paroles pour que tout le monde y trouve un prisme qui lui parle. 

Cet album a deux faces très distinctes entre rock et musique plus électronique, tout comme il y a un diptyque et deux couleurs musicales très distinctes autour de l'abîme (« Elle s'abîme/ « Je m'abîme »). Ma question : existe-t-il plusieurs Petit Fantôme?

PF : Non justement, c'est moi tout entier. Je pense être comme n'importe qui de ma génération. On a écouté et grandi avec beaucoup de styles de musique. On digère beaucoup de musique, que ce soit du grindcore, de la techno de Détroit en passant par le Club Dorothée. Moi, je fais juste des mélodies. Je peux être autant attiré par des sons électroniques, j'ai par exemple beaucoup écouté Aphex Twin quand j'avais 16 ans, mais aussi du hip-hop, du métal et de la samba. C'est un peu l'histoire de la pop musique. Moi je fais vraiment de la pop, au sens où tu es vraiment dans  l'expérimentation. Moi, mon groupe préféré c'est les Beatles. Et quand ils font 'Sgt. Pepper's', c'est un mélange de plein de choses.

Quand l'as-tu composé ?

PF : En fait, il est prêt et aurait dû sortir il y a un an. J'ai déjà des nouveaux trucs et je pense que le prochain, je le ferai avec le groupe que j'ai sur scène.

La multiplicité de ta musique me fait rebondir sur l'énergie de tes concerts, complètement différente de celle du studio.

PF : Pour moi, ce sont deux choses complètement différentes. J'aime « l'écoute noble », que les gens rentrent dans les morceaux, que pendant un moment, la personne soit enveloppée. Tandis que le live, c'est un langage avec le public, qui vient vivre un son, une pression acoustique. J'aime les concerts de rock. Il y a un truc très chiant en France, surtout dans le public rock qui va te dire : « Ah mais le concert a été rock mais l'album est trop pop. » Moi je veux que ça change. Dans le live, on transcende les intentions qui sont dans le disque. Parce qu'au final ce disque, ça reste du DIY, ce qui fait que parfois, je n'arrive pas, techniquement, à aller au bout des intentions. Le live est là pour ça.

Ta chanson "Libérations terribles" me fait beaucoup penser au groupe Feeling of Love.

PF : Ce morceau, c'est un son très 90's. Je l'ai fait il y a longtemps et il est influencé de Ride, Jesus & Mary Chain, Slowdive et même de trucs de britpop avec les cuivres et les violons.

Il y a une mélancolie latente dans cet album voire de la tristesse. "Abîme", "Juste pour t'oublier". Et la dernière chanson s'appelle "Game Over". Est-ce qu'avec ce titre, tu mets une sorte de point final à une période particulière ?

PF : Peut-être. Parfois, on comprend ce qu'on fait après l'avoir fait. Comme tu dis, ça a dû donner un point final à une période.

Dernière question. Ton disque sort chez Because, une grosse structure, éloignée de la scène indé bordelaise dont tu es membre depuis toujours. Te vois-tu toujours comme faisant partie de la scène indé ?

PF : Je fais carrément partie de l'indé ! Je devais normalement sortir l'album tout seul. L'histoire est qu'on avait un label qui s'appelait Animal Factory avec les J.C., Sam Fleisch, etc. Lorsque ça s'est arrêté, J.C. est parti chez Born Bad, Sam Fleisch, chez Teenage Menopause et moi, j'ai monté un petit label avec mon manager qui s'appelle Edge of Town. Au départ, ça devait sortir sur EOT. Et c'est là que le boss de Because s'est signalé et m'a dit qu'il aimait bien le projet. Ils m'ont proposé un contrat d'artiste mais je préférais faire une licence. Mais Because, ça reste indé. C'est autofinancé à bloc. Un succès d'un disque fait que tu vas pouvoir avoir 1000 vinyles de Pascal Comelade et des compil' de Cosmic Machine. Je ne suis pas viable économiquement, je ne suis pas Manu Chao ou Christine & The Queens, de fait, c'est leur passion qui fait qu'ils m'aident à sortir mon disque.

Pour vous procurer 'Un mouvement pour le vent', c'est ici

Et en tournée partout en France en 2018 !

8 janvier 2018 : Bordeaux - Rock School Barbey 
19 janvier 2018 : Biarritz - Atabal
27 janvier 2018 : Saint-Étienne - 10 ans du Fil
2 février 2018 : Montpellier - Rockstore
3 février 2018 : Lyon - Club Transbo - 20 ans du Festival Woodstower
20 mars 2018 : La Gaîté Lyrique (Billetterie par )

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