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François Pasteau, chef certifié sans CO2

Houssine Bouchama
Rédacteur en chef, Time Out Paris
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Chic et élégant. Voilà les adjectifs qui nous viennent en tête pour caractériser l’Epi Dupin, à deux pas du Bon Marché. D’habitude, quand on débarque dans un restaurant, c’est surtout pour en faire la critique. D’autant plus que ce bistrot possède tous les ingrédients d’une note 5 étoiles, à commencer par la carte. Pourtant non, pas question de goûter, hélas, nous avons juste rendez-vous. Avec un chef plus précisément. Ici, on est dans l’antre de François Pasteau, l’homme qui confectionne des plats délicats et bons pour le climat. « Bon pour le climat », c’est d’ailleurs le nom de son association, celle qui lui a valu de recevoir un trophée à la COP 21, des mains de Ségolène Royal. En retard de dix minutes, il arbore un large sourire après avoir garé son scooter électrique. Ecolo, ce cuistot l’est jusqu’au bout.

Sur ses terres, dans le 6e arrondissement, il transforme son repaire de la rue Dupin en véritable laboratoire environnemental : énergie verte, tri, antigaspillage ou eaux micro-filtrées, tout y passe. Comme à la maison. « Chez moi, j’ai toujours eu ce geste éco-citoyen. J’ai donc mis ça en place très naturellement dans mon restaurant. » Surtout, la révolution verte se fait avant tout dans les assiettes. François Pasteau est le défenseur infatigable d’une alimentation à basse teneur en CO2. « Dans les pays occidentaux, on mange beaucoup trop. On est passé de 100 grammes de viande quotidiennement dans les années 1950 à plus de 250 aujourd’hui. Celle-ci étant très polluante. » La solution ? « Modifier légèrement le contenu de nos assiettes. » Pour ce faire, le chef inverse l’élaboration de ses plats, en construisant autour des végétaux, avant de terminer sur les protéines animales. C’est ainsi que les choux de Pontoise aux noix et abricots secs se voient accompagnés d’un filet de canette. Et sur la carte apparaît le taux de carbone de chaque composition.

Mais n’allez surtout pas croire que le cuisinier est du genre radical. S’il « utilise à 90 % des produits locaux et ne fait jamais d’entorses aux saisons », il admet commettre quelques exceptions. Des « Marco Polo » comme il aime les nommer : citron vert, épices, gingembre ou encore café viennent agrémenter régulièrement ses recettes. « On ne va pas se couper du monde non plus. Il suffit d’utiliser ces produits en petite quantité », prône celui qui nous martèle inlassablement les oreilles avec « la notion de plaisir ».

Quant aux mauvaises langues, reniflant le coup marketing ou l’effet de mode, ce passionné les balaye d’un coup de fourneau. « L’environnement ne m’a jamais apporté un client. Depuis le début, j’ai toujours eu un restaurant qui fonctionnait bien. » Et puis vu le C.V. du bonhomme, difficile de remettre en cause son engagement. Tombé sur la cuisine « un peu par hasard, » et ayant fait ses classes chez Ferrandi, il s’éprend d’abord pour la pêche durable il y a quinze ans. « Je me rendais compte que je vendais de plus en plus de poissons. » En même temps, il y a eu la polémique sur le thon rouge. « Un vrai déclic. » Depuis, il milite pour Sea Web, une ONG dont le but est de préserver ce gigantesque garde-manger qu’est l’océan. Jusqu’à en devenir le président de la filière France. Après d’autres actions, notamment contre le gaspillage, il passe le cap en 2015 et lance sa propre association : Bon pour le Climat. Le but ? « Fédérer les restaurateurs et les consommateurs autour des produits locaux, de saison et privilégier les protéines végétales. » Comme dans son resto. Un travail de longue haleine, lui permettant d’accumuler les trophées sur son étagère. « Ca fait plaisir, c’est un encouragement. Mais je ne fais pas ça pour ça. »

Après une demi-heure d'entretien, l’homme est toujours loquace. Il maîtrise son sujet. Il pose un regard très optimiste sur chaque thème. La COP 21 ? « Une réussite : c’est la première fois qu’on parlait d’agriculture et de pêche durable. » Plus de déchets que de poissons dans les océans en 2050 ? « C’est ce que disent les pessimistes. Moi je pars du principe qu’il y a une prise de conscience collective. Notamment chez les consommateurs. » Les citoyens ? « Ils se posent beaucoup de questions, changent leurs comportements et leurs habitudes. Ils se rendent compte que trois fois par jour, ils peuvent voter pour le climat en mangeant mieux. » Vous savez donc ce qu'il vous reste à faire : voter pour moins de bœuf et plus de carottes !

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