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Ne dites pas à Alain Schifres que son livre est « sympa » parce qu'il le prendrait très mal...
D'ailleurs, il ne l'est pas, sympa. Non pas parce qu'il est mauvais, loin de là ! Mais parce que ce répertoire d'irritations quotidiennes n'épargne rien ni personne et surtout pas les poncifs ni ceux qui en (ab)usent.
Notre belle langue française est-elle si pauvre qu'à présent noms communs ou propres se voient constamment affublés de l'adjectif sympa ? « Elles sont sympas tes nouvelles chaussures... », « Il est sympa ton nouveau copain..., « C'était sympa la fête des voisins ?", etc. Même un bébé peut être qualifié de « sympa » parce qu'il fait ses nuits, souligne Alain Schifres en citant l'une de ses connaissances. Bref, notre vocabulaire s'est « sympaétisé » constate le journaliste à la plume aiguisée dans son dernier ouvrage implacablement intitulé 'Sympa'.
Il était une fois, au pays gentil...
Mais pourquoi donc cette généralisation du « sympa » dans les bouches de nos contemporains ? Parce que, comme l'a remarqué Alain Schifres en observateur avisé de notre époque, « plus les temps sont durs plus les gens sont mous. » Tandis que le monde se délite un peu plus chaque jour, « au pays gentil », les « ravis de la crèche » et autres santons bénis oui-oui se complaisent dans une utopie artificielle où tout n'est que faux-semblants. Ainsi, les « sympathiques » flûtes ont remplacé les élégantes coupes mais se font quand même passer pour telles.
Certains qualifieront sûrement l'écrivain d'esprit chagrin, jamais content et cherchant la petite bête dans des faits insignifiants afin de caricaturer ses congénères. Nous, on discerne plutôt un acupuncteur de l'ordinaire qui pointe avec un humour caustique et délicieux les travers de notre société, piquant là où ça fait mal à notre ego. Car oui, le diable se cache dans les détails et c'est à la lumière des petits riens que les incongruités s'éclairent. De même que les esprits, amenés à réfléchir sur leur tiède condition.
Il n'épargne rien et ça fait du bien !
Au-delà du « sympa » qui revient à toutes les sauces sont donc également épinglés la démesure du choix dans les supermarchés, le bon sens, les motards en colère et les politiciens - on retiendra d'ailleurs cette phrase savoureuse à leur encontre : « Être au plus bas dans les sondages est un signe excellent. Comme tous les félins, l'animal politique rebondit. » Entre autres...
Bien sûr, on ne sera pas d'accord sur tous les clichés décortiqués - vous adhérez toujours aux propos de vos amis ou de votre conjoint, vous ? - mais il faut leur reconnaître un fond de vérité qui fait mouche à chaque fois. Et puis, on n'en veut jamais à Alain Schifres d'être aussi corrosif puisqu'il se fout de tout, et de lui-même en premier lieu !
Pour qui ? Un amateur de sarcasmes, un adepte de la dérision intelligente et un pourfendeur du parler-hypocrite (bref, quelqu'un d'un peu hargneux)
A lire où ? Dans une cabane isolée au fin fond du Vercors (car sur une plage surpeuplée, vous pourriez avoir des envies d'exil misanthrope)
Alain Schifres, ‘Sympa’, Editions Le Dilettante
176 pages, 17 €