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Guide de lecture pour l’été : Liv Strömquist, ‘L’Origine du monde’ (éd. Rackham)

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Une excellente BD suédoise : féministe, acide, érudite... et souvent hilarante !

Alors que ses dessins se trouvent exposés par l’Institut Suédois jusqu’au 29 octobre (lire notre critique de l’exposition), on ne saurait que vous conseiller de lire le dernier ouvrage de Liv Strömquist, publié en mai dernier aux éditions Rackham : ‘L’Origine du monde’. Comme son titre l’indique (coucou, Gustave Courbet !), la bande dessinée traite du sexe féminin. Avec humour, crudité et précision.

Suscitant manifestement un intérêt un peu trop vif chez la gent masculine, le sexe féminin (qui se nomme « vulve » et non « vagin », rappelle au passage Strömquist) ne fut pas seulement un fameux « obscur objet du désir », mais, surtout, un véritable levier de l’asservissement des femmes.

Vous en doutez ? Dès les premières pages, la dessinatrice suédoise frappe fort, à grands coups de données et rappels historiques (l’ensemble du livre est d’ailleurs fort bien documenté), nous apprenant par exemple qu’en plus d'avoir lancé une célèbre marque de céréales, le Dr. Kellog affirmait que le cancer de l’utérus pouvait être imputé… à la masturbation féminine !

Pire encore, un autre médecin, le Dr. Baker Brown recommandait quant à lui l’ablation pure et simple du clitoris, histoire de soigner les femmes et de les débarrasser de leurs perversions et de leur fameuse « hystérie » (le mot ayant la même source étymologique qu’utérus : l’adjectif latin « hystericus »). Et tout cela se poursuit jusqu’au XXe siècle. Autant dire, la porte à côté.

Heureusement, donc, que c’est avec un humour bien senti, souvent sarcastique et acide, que la dessinatrice de 38 ans aborde cette histoire des violences, symboliques mais aussi physiques, faites aux femmes, y compris pendant l’ère dite « moderne », en grande partie au nom de la science – science qui, d’une certaine manière, a ainsi pu se substituer aux procès en sorcellerie médiévaux.

De Saint-Augustin à Sigmund Freud, la galerie de portraits de ces « hommes qui se sont un peu trop intéressés à ce qu’on appelle les "organes féminins" » que nous présente Liv Strömquist se révèle souvent passionnante, érudite et intelligemment féministe. Le style, alerte, joue de l’autodérision avec panache et ridiculise le patriarcat – et la peur de la femme qui le sous-tend – de façon jubilatoire. Certainement l'une des meilleures bandes dessinées parues depuis le début de l'année.

Liv Strömquist, ‘L’Origine du monde’ (© éditions Rackham)

Liv Strömquist, ‘L’Origine du monde’ (éd. Rackham)
Traduit du suédois par Kirsi Kinnunen
144 p., 20 €

Retrouvez ici tous nos conseils de lecture pour l'été 2016.

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