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En mai prochain, la MC93 rouvrira ses portes sur un spectacle d’Alain Platel et sous la direction d’Hortense Archambault. Mais avant de poser ses valises à Bobigny, la programmation proposée par l’ancienne codirectrice du festival d’Avignon se déploiera hors les murs dès septembre en Seine-Saint-Denis, du TGP au Nouveau Théâtre de Montreuil.
Pour vous faire patienter encore un peu avant de redécouvrir la MC, nous avons demandé à Hortense Archambault de nous mettre l’eau à la bouche.
Pourquoi avoir « choisi » la MC93 ?
Ce qui m’intéressait c’était de diriger un théâtre dans lequel on pouvait produire et proposer une programmation internationale dans un quartier dit populaire. Ce que je trouve encore très fort dans le spectacle, c’est de réunir des gens différents dans la même salle qui coupent leur portable, qui écoutent, qui partagent des émotions, qui réfléchissent ensemble et discutent.
Les travaux sont encore en cours. Ils vont tout changer ?
Le projet de rénovation est important. Pour des raisons d’accessibilité, par exemple, une deuxième petite salle a été créée et l’ancienne a été transformée en salle de répétition. Et puis il y a le hall. L’architecte l’appelle « le lieu des possibles », un espace libre, le plus grand possible, mais chaleureux pour qu’on puisse y proposer des spectacles, des moments de pratique, que les gens, comme au Centquatre, puissent venir répéter.
Quoi de neuf ?
Sur notre site, on a proposé à des personnes qui voulaient être associées au processus de création ou à la vie de la MC de devenir des « spectateurs compagnons ». Ils sont 120 pour le moment. L’autre idée, c’est le pass illimité. Le prix est souvent un frein pour découvrir ce qu'on ne connaît pas. A 10 € par mois pendant dix mois, on peut voir jusqu’à vingt spectacles. C’est le pari d’une saison. L'envie que les gens aient la curiosité de venir voir ce que nous proposons.
Et du côté de la programmation ?
Je pense qu’il faut être attentif à ce que la programmation, les récits qui sont dits, les artistes qui sont présents ressemblent un peu plus aux populations alentour. De grands artistes qui viennent d’ailleurs, qui sont ici, qui racontent ici et ailleurs, qui raconte ici vu d’ailleurs… Mais ce qui était intéressant dans la manière de travailler la programmation, c’était de rencontrer les différents lieux dans lesquels les spectacles se font. L’idée c’était de trouver les bons lieux, les bons artistes avec les bons directeurs. Pour moi, chaque programmation raconte une petite histoire. Celle-ci est très ancrée sur le monde. Un regard plein de bienveillance sur le monde contemporain. D’ailleurs beaucoup de spectacles parlent de migrants, de la manière dont on regarde l’autre, de la place de la femme. Un théâtre qui va nous émouvoir, qui va nous faire réfléchir…
La programmation a été contrainte, liée au nomadisme, mais j'ai l'impression qu'elle donne le ton sur les prochaines à venir. On ne se refait pas vraiment ! Il y a des compagnons, on reconnait Castorf, Guy Cassiers, Alain Platel... Et puis il y en a d'autres, des artistes qui ont des choses à dire, ce ne sont pas des émergents mais des artistes que j'ai envie de soutenir, d'accompagner comme Lazare, Sébastien Derrey, Myriam Marzouki...
Le lieu va rouvrir en mai avec un spectacle d’Alain Platel, pourquoi avoir choisi cet artiste ?
Tout d’abord, parce que selon moi Platel est un immense artiste qui propose des spectacles très humanistes. Il pose dans son travail des questions qui sont au cœur de nos préoccupations. « Comment à un moment donné des cultures différentes peuvent cohabiter et construire une sorte d’universel ? » On n’est pas du tout dans un nivellement d’aucune manière que ce soit mais en même temps chacun a sa place, chacun a sa voix. Son ballet est constitué de personnalités extrêmement fortes et en même temps quand elles dansent, elles dansent ensemble.
Les spectacles de Platel racontent la fragilité, l’extraordinaire force, le désir d’amour, la capacité d’amour des êtres humains. Et puis j’avais envie qu’il y ait de la danse, c’est aussi notre mission.
On retrouve souvent en banlieue le même public qu’à Paris…
Ce qui est très important pour moi, c’est de faire en sorte que quelqu’un qui ait envie d’entrer, ose entrer. Qu’on donne la possibilité, l’idée, l’autorisation, qu’on réfléchisse à tous ces codes, qui font que peut-être au-delà des questions financières, il y a des barrières. Se demander comment l’égalité d’accès à un lieu comme un théâtre public est garantie. C’est le pari de la Fabrique d’Expériences, faire en sorte que la fréquentation du lieu soit faite par des gens qui viennent participer à des choses qui ne sont pas immédiatement des représentations. Un théâtre ce sera toujours un lieu sacré, mais en tout cas il ne sera pas sacralisé.
Le 7 septembre, tout va commencer à la Friche Babcock.
Oui, et c'est une jolie histoire ! Je venais d'être nommée mais je n'avais pas encore pris mes fonctions quand j'ai reçu un appel de Marseille. Monsieur Braouezec (ndlr : le président de Plaine Commune) a demandé aux architectes de la Friche de la Belle de Mai à Marseille de venir faire une mission d'étude sur cette friche qui est incroyable. Une quinzaine de halles à la Courneuve, à 500 mètres du RER. L'idée c'était de voir si ce lieu pouvait être un espace culturel. C'est un peu démesuré, il faut trouver des projets à la hauteur de cet espace mais je pense que oui.
Comme la MC était fermée, on a décidé de mettre nos moyens techniques et humains dans le fait d'ouvrir ce lieu. Un chantier immense dans lequel on va accueillir trois spectacles. On ouvre donc avec un spectacle de Frank Castorf qu'il a créé il y a deux ans à Vienne dans une friche industrielle ! Il fallait trouver un artiste et un spectacle à la démesure de ce lieu. C'est une aventure dans le théâtre allemand. Je suis très heureuse d'ouvrir avec ce spectacle d'autant que le Festival d'Automne nous a rejoint et qu'il fait aussi l'ouverture du festival.