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Interview avec Rendez-Vous : post-punk violent et romantique

Houssine Bouchama
Rédacteur en chef, Time Out Paris
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Clope à la main, Dr. Martens aux pieds et cernes jusqu’aux chaussettes, les membres de Rendez-Vous nous accueillent à 16h dans l’appartement de Simon, le guitariste du groupe. La veille, les quatre Frenchies ont présenté en live leur dernier projet 'Distance', EP énervé et gonflé à la testostérone qui flirte allègrement avec la cold wave et le post-punk, et dont le titre éponyme est une ode à la castagne. Pourtant, nombre de références éclectiques peuplent généreusement l'album du groupe, actuellement en construction. Entre deux festivals, et avant de monter sur scène au Point Ephémère, les membres de Rendez-Vous en ont discuté avec nous sur fond de grésillement de vinyles. Et promis, ils ne sont pas si méchants.

Pourquoi « Rendez-Vous » ? En termes d’algorithme ce n’est pas évident, non ?

Y avait un côté un peu romantique, sombre. C’est à prendre au second degré. « Rendez-Vous » ça reste assez doux par rapport à notre musique qui, elle, est plutôt violente. C’est un peu contradictoire.

Souvent, on a l’impression que la période eighties est assimilée à de la musique de mauvais goût. Vous, vous l’assumez complètement.

On ne va pas se cacher non plus : pour chaque époque, y a du bon et du moins bon. C’est à nous de faire le tri. Après oui, on affectionne la new wave, la cold wave, le post-punk. Et tout le son eighties qui reste notre principale influence. On aime l’indus, des groupes comme SPK, Fad Gadget. On est vraiment pas cloisonnés dans quelque chose de fermé, étiqueté, froid. On aime bien le côté pop de certains trucs par exemple. Après, on a aussi tous des univers différents. Elliot par exemple écoute pas mal de techno. Notre époque est assez libre, avec Internet, les gens se sont décomplexés et partagent plus facilement leur musique.

Vous pourriez par exemple sampler un son hip-hop ?

Oui, pourquoi pas. Pour notre album, on va prendre des sonorités de tous les horizons. On gardera notre touche à base de synthé mais notre musique sera parsemée de plusieurs influences qu’on aime.

Ca en est où justement cet album ?

On est prêts et on a commencé à l’écrire. On avait besoin de s’affirmer, on l’a fait avec deux EP. Aujourd’hui, on sait vraiment où on veut aller et on a une énorme envie de faire un long format. On a déjà le premier et le dernier morceau de l’album. On envisage peut-être quelques featurings, on a quelques idées qu’on est en train de voir. On ne dira rien tant que ce n’est pas fait.

En studio ça se passe comment du coup ? Chacun vient avec une idée ? 

En général ce sont Max et Elliot qui sont sur les ordis. On part sur une base de basse, une mélodie. A partir de là, on va rajouter une ligne de voix, un synthé. Et quand ça matche, c’est parti. Y a pas de méthodologie précise non plus, pas de process.

Vous allez chanter en français un jour ?

On ne pense pas. Peut-être un ou deux tracks pour rigoler mais voilà, ça ne fait pas vraiment partie de nos projets. Nos influences sont essentiellement de la musique anglo-saxonne, forcément on a naturellement penché vers l’anglais. On n’a rien contre la langue française hein ! Mais musicalement, c’est ce qui nous parle le plus. 

En attendant, vous venez tout juste de lâcher votre second EP. Vous avez même organisé une release party aux Bains Douches. Vous vous attendiez à un tel engouement ?

C’était le feu. Il y avait vraiment des gens qui venaient de tous horizons, des jeunes et des moins jeunes. On se rappelle même d’un mec vraiment âgé qui est venu nous voir pour nous remercier. Il disait que ça lui rappelait son époque et que ça faisait un moment qu’il n’avait pas vécu un truc comme ça. Ca nous a fait plaisir.

D’autant plus qu’on avait peur qu’il n’y ait personne. Au final, une demi-heure avant le concert, il n’y avait déjà plus de place, ce qui nous a mis une petite pression. On s’est d’ailleurs pas mal fait taillés à cause de ça, et c’est notre seule déception : on aurait préféré que tout le monde puisse entrer. En dehors de ça, c’était définitivement l’un de nos meilleurs concerts, l’un de nos meilleurs publics.

Vous enchaînez pas mal de festivals aussi depuis deux ans. Vous le vivez comment ? L’énergie n’a rien avoir avec les petites salles de concert.

La proximité est moins intimiste mais on est encore dans la phase de découverte. On n’a pas fait non plus quinze mille dates même si cet été on en fait plein pour la première fois. On a fait le Printemps de Bourges par exemple, qui était cool. Le plus grand défi c’est surtout de faire bouger des gens qui ne sont pas là pour nous à l’origine. Pendant longtemps, au début, on faisait des premières parties de groupes dans lesquels il y avait peut-être cinq personnes qui nous connaissaient. Aujourd’hui, on commence à avoir un public qui est acquis dès le début et c’est très excitant aussi. Du coup, les gens ont la réponse directe, ils connaissent les paroles, il y a un échange immédiat qui se crée. C’est très différent, les mecs vont savoir qu’il y a cette montée, ce break, c’est excitant.

Vous avez vécu pas mal de trucs chelou en tournée. La chose la plus marquante? 

Lors de la première à Berlin, la veille du concert, on a décidé de se caler chez un mec que le programmateur connaissait. Il était assez taré et vivait dans une sorte de cave. Sa déco était complètement folle, il y avait des masques façon MF Doom un peu partout, une mini-moto et même des armes qu’il confectionnait, partout dans la piaule. Au bout d’un moment, il arrive avec une montagne de speed posée sur une platine, t’avais le skeud qui tournait pendant qu’il reniflait la came. Ce gars était super sympa mais t’avais vraiment pas envie d’avoir sa vie ! Nous, on avait pas mal picolé. Le concert, le lendemain, ça a été un fiasco. Quand tu vas sur Youtube et que tu mates des shreds, ces gens qui refont les trucs par dessus les images de concert en faisant n’importe quoi, nous c’était exactement ça. On a l’impression qu’on se voyait faire de la merde. Il n’y avait pas de structure, rien. Pour notre défense c’était notre première tournée. On avait beaucoup moins d’expérience et on était plus fébriles sur certains morceaux. Aujourd’hui, on se la colle toujours et on arrive à assurer. Il faut juste dormir un peu.

Votre passage à Amsterdam est aussi mythique.

Oui, c’était dans un bunker, un lieu symbolique de la résistance devenu un endroit ultra gauchiste. On est tombés sur des trous de balle. Le programmateur nous insultait de fachos à cause d’une incompréhension textile : Elliot portait un t-shirt Death in June. C’est une référence nazie mais détournée. C’était un peu déstabilisant mais on a gardé la tête froide et on a continué de jouer. Finalement, il vient le voir et lui demande d’enlever son t-shirt. Il a fini le concert avec un pull. Mais l’ambiance était devenue merdique.

Vous comptez rester sur ce format sur scène ? Deux synthés, pas de batterie ?

Oui pour l’instant. La question de la batterie c’était surtout une question de logistique. On est pas freinés par l’idée. Pourquoi pas un jour, c’est vrai qu’un batteur ça amène quelque chose et on n’est pas réfractaires. Après, c’est vrai qu’on aime bien cette idée de ligne de « front », ce truc martial, rentre-dedans. Tous les quatre alignés ça marche bien.

Vous voyez Rendez-Vous comme une période éphémère de vos vies ou ça va plus loin ?

On ne se projette pas. On aime ce projet mais on ne le conçoit pas comme une finalité. Puis, si on commence à se prendre la tête, on risque de se retrouver à changer notre musique pour la rendre plus « bankable » et c’est hors de question. Ca nous a déjà permis de bouger un peu partout, on se fait kiffer et si ça doit aller plus loin, on prendra avec plaisir. On ne sortira jamais un projet qu’on aime qu’à moitié. Si ça plaît tant mieux, sinon tant pis. Du moment qu’on aime, c’est le principal.

(Propos recueillis par Karim Merikhi et Houssine Bouchama)

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