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Quand P.T. Anderson rencontre en Inde le guitariste de Radiohead, un compositeur israélien et un impeccable orchestre du Rajasthan, cela donne 'Junun' : une expérience musicale passionnée et enivrante. A retrouver sur MUBI et à la Gaîté lyrique.
Prenez le réalisateur de ‘Punch-Drunk Love’, ‘The Master’ et ‘Inherent Vice’ (Paul Thomas Anderson), le guitariste et le producteur de Radiohead (Jonny Greenwood, Nigel Godrich), un charismatique compositeur israélien au mysticisme aiguillé par la musique soufie (Shye Ben-Tzur), et enfin quelques brillants musiciens locaux de l’Ouest du Rajasthan. Mélangez le tout après l’avoir assaisonné, à votre convenance, de rythmes hypnotiques ou de psalmodies équilibristes, puis dressez l’ensemble dans le sublime fort de Mehrangarh, gracieusement prêté par le Maharadja de Jodhpur : vous voilà prêt à déguster ‘Junun’, actuellement disponible en exclusivité sur l’excellente plateforme MUBI – pour laquelle Time Out vous offre d’ailleurs ici 30 jours d’essai gratuit – et exceptionnellement projeté le mardi 27 octobre à 19h30 à la Gaîté lyrique.
Enregistré sur trois semaines, ce documentaire de 54 minutes a quelque chose d’enivrant, de presque merveilleux. Et surtout, de délicieusement gracile et charmant. Où Paul Thomas Anderson paraît abandonner sa fameuse volonté de maîtrise formelle, pour des plans plus spontanés, légers, d’une musicalité aérienne. D’ailleurs, l’autre « tête d’affiche » du film, Jonny Greenwood, n’hésite pas à lever le pied lui aussi, à se mettre en retrait pour laisser la musique jaillir d’une sorte d’abandon collectif, de transe commune. Car ce qui fait finalement toute la force de ‘Junun’, c’est cette musique traditionnelle, de dévotion musulmane, pratiquée par l’orchestre manganiyar du Rajasthan Express, rencontrant ici à merveille les guitares de Greenwood et de Shye Ben-Tzur – ce dernier apparaissant comme l’autre véritable révélation du film.
Le résultat est ouvert, libre, méditatif, établissant des ponts entre Orient et Occident avec respect et curiosité. On pense évidemment à George Harrison, à sa passion pour la musique indienne. Mais surtout, ‘Junun’ semble chercher, en filigrane, à créer une communauté éphémère et fraternelle, à travers la musique au-delà des spécificités culturelles. Ainsi la mélodie, courte et intense, d’un titre vocal comme "Allah Elohim" réussit à faire le lien, avec une grande simplicité, entre les références musulmanes et judaïques, à travers le nom de Dieu dans chacune de ces traditions. Evidemment, dit comme ça, ça a l’air simpliste. Mais cette vision de la musique comme méditation collective, expérience de l’instant dont l’enjeu serait de lier les hommes au-delà de leurs croyances respectives : voilà qui, à l’heure d’inquiétants replis identitaires, paraît une affirmation bienveillante et salvatrice du pouvoir de la culture, et plus particulièrement de la musique, comme langage universel des profondeurs de l’homme. Rien de moins. Profitez-en, le film est encore en ligne pendant deux semaines !
Retrouver 'Junun' sur MUBI et à la Gaîté lyrique, le mardi 27 octobre à 19h30.
'Junun' de Paul Thomas Anderson • Bande-annonce