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Nicolas Julhès, passionné de spiritueux, a monté la Distillerie de Paris début 2015. Il y a créé, entre autres, un Negroni en bouteille vendu lors de la prochaine Paris Cocktail Week…
Nicolas Julhès, la quarantaine, volubile le cheveu fou, l’œil vif, débarque dans sa distillerie. Très vite, il raconte, débouche, gesticule, casse un verre, explique, fait goûter… sans donner nullement l’impression d’avoir autre chose à faire de sa fin d’après-midi, voire de sa soirée. Il faut être passionné pour entreprendre de monter sa distillerie dans Paris : c'est interdit depuis un siècle. L’homme a lutté cinq ans auprès des douanes pour finalement obtenir ce sésame – le seul à Paris.
Issu d'une famille auvergnate, propriétaire des fameuses épiceries fines Julhès, rue du Faubourg Saint-Denis, où tous les produits sont triés sur le volet, l’homme envisage son métier dans la continuité de celui de ses parents : « Je veux faire des vraies propositions esthétiques, comme les restaurants qui aujourd’hui n’ont plus seulement vocation à nourrir. »
Dans sa distillerie où trône le magnifique alambique Holstein, Nicolas a réalisé en deux ans près de cinquante recettes de spiritueux différentes. A chaque fois, c’est l’occasion pour le distillateur « d’expérimenter une proposition qu’il a envie d’atteindre ». Comme dernièrement pour les cavistes V and B, une création de gin avec malts et houblons inspirée de la structure aromatique du genmaicha, assemblage japonais de thé vert et riz grillé.
« Je ne me définis pas comme quelqu’un qui est là pour bousculer les traditions, je veux juste apporter ma pierre à l’édifice. »
Alors qu’être le propriétaire de la marque « Distillerie de Paris » (les seuls spiritueux distillés à Paris) aurait clairement pu être un moyen pour lui de devenir très riche (« j’ai reçu des propositions qui aurait pu clairement changer ma vie »), Nicolas Julhès a préféré continuer à utiliser ce lieu comme un atelier de création intimiste. « C’est l’endroit le plus cool de la planète, c’est un rêve incarné, on n'a pas assez d’une vie pour l’explorer. »
Il faut dire qu’ici la créativité bouillonne aussi bien dans la cuve de l’alambic que dans la tête de son créateur. En imaginant cet espace, Nicolas Julhès s’est donné la possibilité de réaliser ses rêves les plus fous. Il pense une recette comme une expérience globale, des goûts qu’il veut ressentir avec des notes, des nuances à l’image des recettes de parfumeurs. « J’ai toujours été fan de parfums, petit je collectionnais les petits flacons, je les mélangeais, il y a aussi beaucoup d’affect évidemment. »
« J’ai explosé l’idée du Negroni. »
La création du Negroni en bouteille pour la Paris Cocktail Week (cocktail italien mêlant à la base gin, vermouth rouge et Campari) a d’ailleurs été, elle aussi, pensée comme une recette de parfum : « J’ai explosé l’idée du Negroni. Je ne voulais pas imiter la recette mais donner mon interprétation. » Pour cela, il a réfléchi aux éléments qui le composent : triple sec, amer, orange et sucre, en intégrant ensuite dans sa recette plus de trente éléments, des agrumes et du gin bien sûr, mais aussi un jus de noix torréfiées et macérées, impossible à boire seul mais agissant comme un bonificateur de goût, comme en parfumerie donc. La structure a elle aussi été pensée pour que le Negroni puisse se boire seul mais aussi avec plus ou moins de glaçons tout en gardant son goût.
Le chimiste fou
A l’entendre parler de l’aisance avec laquelle il crée ses recettes, on se rêve, nous aussi, en chimiste fou inventant gin et autres vodkas... En réalité, en plus d’être clairement un passionné comme il en existe peu, pour en arriver là, Nicolas Julhès passe son temps à lire : « Un processus de création reste un processus : je passe mon temps à réfléchir, à lire, beaucoup de bouquins sur la chimie mais aussi sur l’architecture, le parfum ou la peinture… »
Le distillateur devrait d’ailleurs bientôt réaliser son rêve de gosse : créer son propre parfum.
Gagnez vos places pour visiter la distillerie de Nicolas Julhès.
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