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La MC 93 de Bobigny rouvrira ses portes après deux années de travaux. Le 23 mai précisément, à quelques mètres du terminus de la ligne 5 du métro. Le rendez-vous est pris avec Alain Platel pour 'Nicht Schlafen', mais en attendant l'inauguration de cette Maison de la culture nouvelle version, nous avons jeté un coup d'œil au bâtiment à quelques jours de la fin des travaux. Un magnifique chantier présenté par la directrice du théâtre Hortense Archambault et l'architecte de la rénovation Vincent Brossy. Ensemble, ils ont imaginé un nouveau théâtre. Une refonte des espaces qui n'a pas seulement une conséquence sur la circulation des spectateurs, mais également sur le projet global.
Une remise aux normes
« Le bâtiment de la MC93 faisait à l’origine (ndlr : en 1977) 6 000 m2 avec deux salles. Mais tous les dix ans, des campagnes d’extension avaient pour but d'augmenter les volumes. Chaque extension ajoutait une chaufferie, une sécurité, de la ventilation, de l’espace. La maison fait aujourd'hui plus de 11 000 m2 ! Un grand vaisseau d'une obsolescence terrible », explique Vincent Brossy, l'architecte du projet connu pour son travail à la Maison des métallos à Paris ou encore au Palais de justice de Poitiers.
Un lourd chantier de rénovation dont les premières préoccupations sont la sécurité (notamment en cas d'incendies) et l'accessibilité. « Quand la Maison est pleine, il faut compter autour de 1 300-1 400 personnes. Or le bâtiment n’était pas du tout accessible pour quelqu’un en fauteuil roulant ou en situation de handicap. » Très coûteuse en énergies, la MC93 a aussi dû faire quelques efforts. « L'espace était inchauffable. Il fallait absolument re-qualifier le bâtiment sur le plan de la consommation énergétique. Pour pallier cela, nous avons déployé un manteau doré isolant qui entoure la Maison. » Des travaux nécessaires, qui ont aussi servi à repenser le lieu. « Un nouveau geste architectural est né de ces rénovations » avance Hortense Archambault.
Un nouveau hall pour une nouvelle vie
Avec les travaux, les acteurs du projet ont redéfini le théâtre. Son ADN, sa vocation. Ceux qui ont connu la MC93 ne retrouveront que le squelette du lieu, car à l'intérieur tout a changé : la manière d'accueillir le public, de concevoir le bâtiment, de recevoir des artistes.
« Nous avons répondu à une demande d’amélioration scénographique du lieu. L’accueil du public a été notre priorité. La Maison était fermée le jour, elle n'ouvrait que le soir. On ne s’entendait pas dans le hall, parce qu’il était très réverbérant, » poursuit l'architecte.
« Le gros enjeu, ça va être que les spectateurs retrouvent le chemin de la MC93. Faire revenir les anciens spectateurs et en approcher de nouveaux grâce à tout le travail que l’on a fait sur le territoire avec les habitants. » Hortense Archambault, directrice de la MC93.
Alors pour métamorphoser ce hall peu chaleureux, des murs sont tombés et de grandes fenêtres ont été posées. Ouvrir l'espace pour permettre aux habitants du quartier et aux spectateurs de se le réapproprier. C'est en partie l'une des réponses d'Hortense Archambault à ceux qui questionnent le dialogue entre la MC93 et son territoire. « Avec ce nouveau bâtiment, les voisins vont pouvoir savoir qu’il se passe quelque chose dans l’enceinte du théâtre. Avant, il n’y avait pas d’ouverture sur l’extérieur. Maintenant dès qu’il y aura un spectacle à la MC, toutes les personnes autour le sauront. Le projet d’architecture est vraiment très ouvert. Notamment grâce au hall, et une entrée ouverte la journée même quand il n’y aura pas de spectacle. Une fréquentation du lieu qui ne sera pas uniquement celle de spectateur. »
Un mobilier imaginé par les habitants de Bobigny et dessiné par Johan Brunel
On imagine déjà la Maison de la culture du 93 prendre des airs de Centquatre. Un lieu de cohabitation où l'on peut répéter des mouvements de hip-hop ici, lire le texte de la pièce en cours dans un coin... Mais pour que les habitants de Bobigny aient envie de pousser la porte du théâtre, il faut sans doute un peu plus qu'une architecture transparente. La MC a donc bien avant sa réouverture amorcé un dialogue avec le territoire. D'abord avec la Fabrique d'expérience, mais aussi en permettant à des habitants de la ville de participer à la décoration du lieu. « On a imaginé "La Fabrique d’expérience" (ndlr : 850 ateliers en 2016-2017) avec toutes sortes d’activités de formation, d’initiation, d’animation et de recherche sur "Comment l’art du spectacle vivant peut avoir un rôle à jouer dans une ville comme Bobigny, dans un territoire comme la Seine-Saint-Denis dans une métropole comme le Grand Paris." Je crois beaucoup au fait que pour que des gens s’approprient un lieu, il faut qu’ils puissent dire des choses - pas forcément sur la programmation - mais sur l'usage du lieu. Nous avons réuni des habitants spectateurs et non spectateurs et ce sont eux qui ont écrit un cahier des charges destiné au designer qui a dessiné le mobilier », raconte Hortense Archambault.
« Un lieu de tous les possibles »
Mais il n'y a pas que le hall qui a bénéficié d'un lifting urgent. Outre l'accès des décors réinventés et l'ascenseur panoramique, la nouvelle MC93 rouvre avec une grande salle Oleg Efremov transformée (gradin repliable, ouverture de la cage de scène), une salle Christian Bourgois remise aux normes, une salle de lecture pour un usage polyvalent, un studio pour recevoir des petits formats et accueillir des ateliers et, cerise sur le gâteau, une nouvelle salle. Une black box modulable avec une jauge de 240 spectateurs capable d'héberger les configurations les plus variées (frontal, bi-frontal...). « La MC93 était déjà un lieu de création important, avec ce projet nous avons une démultiplication des capacités », confirme la directrice. Avant de conclure : « L’enjeu va être que le lieu vive avec les gens qui le fréquenteront. »
Ouverture après travaux - Du 23 au 27 mai avec Alain Platel pour 'Nicht Schlafen'
Maison de la culture de Seine-Saint-Denis Bobigny, 9 boulevard Lénine, 93000 Bobigny