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Très attendu, ce musée dédié au parfum et à l'art olfactif dans toute son essence ouvre ses portes au public le jeudi 22 décembre.
Ce n'est pas tous les jours qu'un nouveau musée s’érige au cœur de Paris. Alors que Lascaux 4 – réplique au millimètre près de la grotte de Lascaux – s'inaugure en ce moment dans les vallées de Dordogne, la capitale célèbre elle aussi un événement culturel sans précédent : l'avènement du Grand Musée du Parfum.
« Je m’étonnais qu’il n'y ait pas encore d'institution, indépendante de toute Maison, consacrée au parfum à Paris », nous confiait Guillaume de Maussion, le directeur des lieux, lorsque nous l'avions rencontré en août dernier. Quatre mois plus tard, nous le retrouvons au 73 rue du Faubourg Saint-Honoré, dans le 8e arrondissement, pour admirer la concrétisation de cet ambitieux projet. Visite guidée dans son sillage.
Un royaume des senteurs sans chichis
Discret, établi au fond d’une cour sans autre faste qu’un tapis rouge et une marquise en fer forgé, le Grand Musée du Parfum entend jouer la carte de la sobriété. Que ce soit dans sa scénographie architecturale, conjuguant harmonieusement design et courbes modernes avec l’élégance rectiligne de l’hôtel particulier (ex-siège de la Maison Christian-Lacroix) où il loge, comme dans l’approche historique et scientifique de son sujet, l’établissement n’en fait jamais trop.
Même son système de diffusion odorant, élaboré par un panel d’éminents spécialistes de l’INRA ou de l’IFF, se veut empreint de modération. Ainsi, que ceux qui s’inquiéteraient d’avoir les narines saturées d’odeurs se rassurent : ici, on est bien loin de l’outrance olfactive qui vous assaille en poussant la porte d’un Sephora. De quoi immédiatement tenir l’endroit en odeur de sainteté !
Tout, tout, tout, vous saurez tout sur le parfum
C’est donc prémuni de toute migraine que l’on peut passer des heures à explorer les quatre étages et 1 200 m2 de jardin – où s’épanouira une serre chaude plantée de fleurs exotiques au printemps 2017 – du Grand Musée du Parfum. Et notre errance fragrancée commence au -1, sous les voûtes de pierres brutes et dans une douce pénombre. Là, dans une « Galerie des Séducteurs », des portraits lenticulaires de célébrités illustres nous relatent des anecdotes, bien souvent méconnues, qui ont fait entrer le parfum dans l’Histoire.
De Napoléon Ier buvant quelques gouttes d’eau de Cologne avant chaque bataille à Cléopâtre annonçant son arrivée à Marc-Antoine en embaumant d’encens les voiles de son bateau, cette introduction pleine de charme nous plonge tout de suite dans le bain enivrant des effluves d’apparats et des eaux de toilette.
Au travers d’une sélection d’objets précieux – prêtés, notamment, par le musée de la parfumerie à Grasse et le musée Carnavalet (actuellement en convalescence) – ainsi qu’une série de vidéos interactives, on (re)découvre ensuite que la genèse de l’art olfactif date de l’Egypte antique. Il servait autrefois pour les rituels mystiques, comme en témoignent la myrrhe et le kyphi – dont l’entêtante exhalaison, à humer dans une grande vasque en albâtre, a été spécialement recréée par Dominique Ropion pour le Grand Musée du Parfum. Avant d’évoluer en remède médicinal – à l’image du « vinaigre des quatre voleurs » et du « musc Tonkin », aux âpres relents de furet – puis en symbole de la féminité et du raffinement.
Par un saut du Moyen-Age aux années 1830, on passe alors dans un décor d’officine ancienne, au temps de l’essor du luxe à la française. Le lien indéfectible entre stylisme et essence du parfum y est mis en lumière par un ensemble de croquis esquissés par de grands couturiers couplés aux flacons que ces derniers ont également imaginés. Du fameux Chanel n°5 de Gabrielle Chanel à l’Arpège de Jeanne Lanvin en passant par le floral Shocking d'Elsa Schiaparelli : autre salle, autres mœurs...
Quand ludique rime avec esthétique
Après ce parcours chronologique replaçant l’art de la parfumerie dans son contexte historique, il est temps de passer à la pratique. A l’étage, que l’on soit apprenti chimiste ou non, la science du nez et des odeurs dévoile donc ses mystères comme une rose au soleil révèle ses arômes. Comment ? Grâce à une kyrielle de jeux olfactifs, d’installations interactives et d’expériences aussi abordables qu’instructives.
Qu’il s’agisse du test « alambiqué », nous invitant à détecter si nous sommes anosmique – soit atteint d’un trouble de l’odorat – puis à comparer nos résultats avec les autres visiteurs, au Boudoir des effluves interdites (cannabis, absinthe, etc.) ou au Sofa des confidences et son quizz olfactif, la discipline théorique devient divertissement pédagogique. Voire œuvre onirique.
Ainsi, l’animation 3D de l’action des molécules sur notre cerveau et le Jardin des Senteurs, champs de fleurs en forme d’immenses trompes blanches libérant des fragrances de l’enfance (chocolat, framboise, menthe, cola, mer, etc.) lorsque l’on passe dessous, s’apparentent clairement à de l’art contemporain.
De même que le Headspace, machine capturant les odeurs de la nature à la façon d’un appareil photo ; la Collection des matières premières et ses sphères audio-olfactives expliquant l’usage de la vanille, du patchouli ou de la fève tonka dans huit langues différentes ; ou encore le rosier Blossom dont le design en forme de fontaine jaillissante met à l’honneur la rose comme source d’inspiration avec ses diverses interprétations par les plus grands parfumeurs.
Quant aux interviews de créateurs et de nez comme Jean-Claude Ellena, qui partagent leur vocation avec simplicité, elles virent presqu’à la poésie.
Néanmoins, le summum de l’alliance entre l'art et l’univers des essences – qui s'intensifiera en 2017 par des expositions annuelles temporaires au troisième étage du musée et des rencontres transdisciplinaires – est atteint avec l’orgue à parfums, véritable instrument de musique composé de prismes que viennent frapper des lasers afin de faire résonner la note associée à telle ou telle odeur. Ajoutées les unes aux autres, elles arrangent ensuite une symphonie harmonieuse : exactement comme un parfum, dont cet orgue se fait la subtile métaphore.
Des surprises par milliers... et ça ne fait que commencer
Réinventant les codes de la muséologie traditionnelle, plaçant le curieux en immersion totale et l'invitant à vivre plus qu'à suivre la visite, le Grand Musée du Parfum n'a pourtant pas fini de nous surprendre. Outre un Smartguide, tablette tactile multilingue et interactive permettant d'augmenter la réalité de votre parcours et d'élaborer votre profil olfactif au gré de ce dernier, des ateliers pour s'initier au métier de nez et composer son propre parfum dans les règles de l'art seront mis en place à l'orée du printemps prochain. Autant d'événements qui vous feront oublier les émanations nauséabondes des alentours parisiens (métro, pollution, poubelles...).
Et puisque l'argent n'a pas d'odeur, le Grand Musée du Parfum – qui traite d’un sujet luxueux sans en avoir l'élitisme – développe des tarifs abordables au regard du nombre et de la qualité des activités proposées (14,50 € l'entrée adulte, 5 € pour les enfants de 6 à 12 ans, 9,50 € de 13 à 17 ans, gratuit pour les moins de 6 ans). Ce qui vous évitera de sentir la moutarde vous monter au nez au moment de payer.
Comme le disait Patrick Süskind, auteur de l'incontournable 'Parfum', « Notre langage ne vaut rien pour décrire le monde des odeurs. » Par conséquent, rien ne sert d'en dire plus sur ce lieu d’exceptions au pluriel : mieux vaut l'expérimenter en vrai. A partir de jeudi 22 décembre.
Quoi ? • Le Grand Musée du Parfum
Où ? • 73 rue du Faubourg Saint-Honoré, Paris 8e.
Quand ? • Du mardi au dimanche de 10h30 à 19h. Ouvert le lundi pendant les vacances scolaires de la zone C. Ouvert pendant les jours fériés. Boutique et concept-store du musée accessibles à ces mêmes horaires.
Combien ? • 14,50 € l'entrée adulte, 5 € pour les enfants de 6 à 12 ans, 9,50 € de 13 à 17 ans, gratuit pour les moins de 6 ans.