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Tout le monde se souvient des Halles nées sous Giscard comme d'une galerie souterraine isolée du reste du quartier, un trou béant, un dédale de couloirs sombres où les Parisiens venaient faire leurs courses sans grand enthousiasme. Aujourd'hui, le projet lancé par Bertrand Delanoë dans un premier temps puis repris par Anne Hidalgo veut remettre l'ancien ventre de Paris au cœur de son arrondissement, en faire un lieu de passage connecté entre le dedans et le dehors. En dépit d'un toit dont on peut discuter l'esthétique, force est de constater que les Halles se sont largement améliorées. Conçue par l'agence des architectes Patrick Berger et Jacques Anziutti, la canopée respire enfin, offrant une vue imprenable sur l'église Saint-Eustache autrefois cachée, et les sous-sols du forum se sont aérés grâce à des plafonds rehaussés, des planchers rénovés et des ouvertures sur l'extérieur.
Lors de la visite presse organisée hier par la mairie, nous avons visité en coup de vent les nouvelles enseignes installées au rez-de-jardin, plutôt des poids-lourds : un Sephora, une boutique Moleskine, et un magasin Lego au centre de l'excitation des journalistes et du public. Au moment de couper le ruban d'inauguration, les vendeurs s'encouragent comme des footeux : « Ici, c'est ? » crie un responsable, « LEGO !!! » répondent alors en chœur les membres de l'équipe. A l'intérieur, un temple dédié à la marque, qui a pris soin de fabriquer en Lego des monuments parisiens comme Notre-Dame ou le Panthéon, impressionnant. Parmi nous, une Américaine filme tout ce qu'elle voit avec son smartphone équipé d'un grand angle et le diffuse sur Périscope. Elle commente : « Here we are, at the opening of the Lego store here in Paris, this is so amazing ! » A noter aussi la présence du select store parisien L'Exception, qui distribue des créateurs français.
Plus loin, ce sont les restaurants qui se sont installés, le majestueux Champeaux tout d'abord (le nom est une référence au lieudit qui donna naissance aux Halles aux XIIe siècle), issu d'une collaboration entre le groupe Ludéric et Alain Ducasse. On découvre un grand bistro traditionnel et lumineux, dont la carte évolue en permanence sur un grand tableau d'aéroport - un peu bruyant. Sous l'aile Berger, c'est le café urbain ZA qui a pignon sur rue, dévoilant des tablées idéales pour prendre un petit déjeuner sur le pouce. Designé par l'inévitable Stark, le café propose soupes, omelettes, tartines et salades à des prix raisonnables (de 6 à 14 euros). La culture aussi est représentée dans la Canopée, à travers une médiathèque, une bibliothèque, un centre hip hop, un conservatoire.
Pour terminer la journée, un spectacle de danse chorégraphié par Benjamin Millepied était présenté au public dès 18h. Partout dans la foule, sur les escalators et sur la terrasse du premier sous-sol, des tableaux vivants se déploient peu à peu sur une musique envoûtante. Les danseurs de plusieurs troupes déambulent au milieu des gens, certains dansent frénétiquement pendant que d'autres restent immobiles durant de longues minutes. Hip hop de la compagnie Philippe Almeida, danse contemporaine néoclassique du L.A. Dance Project, freestyle de Stéphane Deheselle, acrobaties entre ciel et terre de la compagnie Retouramont, danse de Buto par Yumi Fujitani, tous les tableaux s'articulent ensemble ou séparément dans des mouvements d'une grâce rare. Le temps suspend son vol et nous notre souffle. Venus de tous horizons, évoluant dans un environnement quotidien, les danseurs nous renvoient un miroir positif et harmonieux de notre propre image, celle d'une ville cosmopolite et ouverte sur le monde.
© Emmanuel Chirache