Actualités

No Format ! : le formidable label fait son festival au Châtelet

Publicité

Depuis douze ans, l'élégant label No Format ! trace son sillon, singulier et authentique, à rebrousse-poil des tendances dominantes. Et pour marquer le coup, il s'invite au Théâtre du Châtelet pour deux journées où l'on pourra entendre deux fois le génial touche-à-tout Vincent Ségal (lire ici notre entretien), avec le pianiste Koki Nakano et le joueur de kora Ballaké Sissako, le funk incandescent de Chocolate Genius Incorporated ou le délicieux chant mélancolique d'ALA.NI. Fondateur du label et véritable visionnaire de l'industrie musicale, Laurent Bizot nous éclaire sur sa démarche. Entretien.

Time Out Paris : Comment le choix du Théâtre du Châtelet s'est-il imposé pour organiser le festival No Format ! ?

Laurent Bizot : En fait, c’est un peu le hasard. J’avais rencontré Jean-Luc Choplin, le directeur du Théâtre du Châtelet en début d’année pour un autre projet. Pendant qu’il me faisait visiter le Théâtre, je lui ai glissé qu’on était en train de chercher un endroit pour organiser le festival et il m’a dit spontanément : venez le faire chez nous ! Au début, j’ai un peu cru que c’était une blague, mais le soir même, j’ai reçu un mail avec une vraie proposition, des dates et tout… J’ai un peu halluciné parce qu’au début, quand on cherchait des salles pour un événement, on a parfois galéré, à enchaîner deux, trois rendez-vous sans réussir à caler de dates, et là, en moins de cinq heures c’était bouclé, en nous intégrant au programme du Châtelet ; ce qui est vraiment une très belle proposition. Ça ne pouvait pas être mieux !

D’où est venue l’idée du « pass No Format ! », qui est apparu comme l’un des premiers modèles économiques coopératifs dans la musique, avant même la déferlante du crowdfunding ?

Le label a démarré en 2004 et on a dû commencer à développer ce pass vers 2007-2008, donc un petit peu après. On peut le considérer comme une sorte de crowdfunding annuel, assez proche de l’idée d’un abonnement aussi. Ça découle de l’idée initiale du label, qui était de se dégager au maximum des dangers du formatage qu’on retrouve dans toutes les industries culturelles… Cette idée de pass nous est venue comme un mélange de plein de choses, en fait. D’abord, il y avait évidemment le contexte de l’époque, celui de la crise de l’industrie du disque, de son déclin lié à Internet. Et c’est à la même époque que j’ai commencé à fréquenter des AMAP dans mon quartier… Cela a aussi influencé ma façon de voir les choses.

De quelle manière ?

Le principe d’une AMAP, en gros, c’est un agriculteur qui se retrouve en lien direct avec des consommateurs qui s’engagent à acheter sa récolte de l’année, en échange de la garantie d’obtenir des produits de qualité. Du coup, je me suis dit qu’on pouvait transposer ça à notre métier, en proposant aux personnes qui appréciaient déjà le label de faire partie de l’aventure et de recevoir, pour un abonnement annuel de 50 €, plusieurs albums par an – au minimum trois –, d’assister à des concerts privés, qui sont aussi des moments privilégiés avec les artistes, dans de petites salles… et, désormais, d’assister au festival du label. Au fond, l’idée était de trouver une autre manière d’envisager et d’apprécier la musique, de retrouver quelque chose d’humain, un rapport plus direct entre musiciens et publics. Et, du point de vue du label, de se libérer autant que possible des aléas et des contraintes habituelles du marché, pour se concentrer exclusivement sur la qualité des projets.

ALA.NI, "Cheery Blossom"

 

D’ailleurs, No Format ! réussit à allier une grande diversité de ses projets, qui relèvent de genres très distincts, à une forte cohérence – par exemple dans l’artwork, dans la remise en valeur de la musique instrumentale…

Un autre point commun à nos disques, ce serait qu’on ne sait jamais dans quels bacs les ranger... En jazz, classique, musique du monde ? Après, j’ai l’impression qu’ils sont tous très différents. En tout cas, j’essaye de ne jamais rester dans une région musicale, de tenter d’explorer le plus possible. Aussi, les albums sont généralement pensés au cas par cas, ce qui laisse davantage de liberté aux artistes. Cela les pousse à envisager des collaborations, des projets inhabituels – comme ce fut le cas, dès les débuts de No Format !, avec le disque ‘Piano Solo’ de Gonzales.

Artistiquement, il y a d’ailleurs une vraie revalorisation du travail scénique de la part des musiciens chez No Format ! Ainsi Gonzales, pour reprendre cet exemple, donnait finalement ses meilleures performances seul au piano. De façon directe, immédiate, sans effet…

Oui, et c’est vrai pour plusieurs artistes du label. Par exemple, concernant le projet commun de Vincent Ségal et Ballaké Sissoko, dont les deux albums ont bien marché alors que ce n’était pas nécessairement gagné a priori, l’idée de Vincent pour les concerts tient aussi à un certain dépouillement, sans jeux de scène ou de lumière : « juste nous deux assis face au public », me disait-il. Rien que deux instrumentistes avec leurs instruments… Et quand tu les vois jouer, leur force est justement de sentir à quel point ils peuvent t’emmener loin, alors que c’est juste un mec avec son violoncelle et un autre avec sa kora. C’est aussi le cas avec Misja Fitzgerald Michel à la guitare, Gonzales au piano… ou même Nicolas Repac avec son sampleur. Ce travail sur l’instrument, c’est vrai que c’est un truc qui me fascine. On s’y sent vraiment au cœur de la musique.

Ballaké Sissoko & Vincent Segal, "Diabaro"

 

Quoi ? Festival No Format !
Quand ? Les 21 et 22 octobre 2016
Où ? Au Théâtre du Châtelet, 2 rue Edouard Colonne, Paris 1er
Combien ? 25 € : accès au concert du soir dans la Grande Salle ou 50 € tous les concerts du soir + abonnement au Pass No Format!

Plus d'infos ici

À la une

    Publicité