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Des symboles du défilé à la légende des animaux du zodiaque chinois.
Dans l'empire du Milieu, et plus généralement dans toute l'Asie du Sud-Est, la fête du printemps est une date très respectée. Chaque année, des milliers de personnes se déplacent, traversant monts et rivières, pour rejoindre leurs familles. Parents, enfants, cousins, grands-parents, tout le monde se retrouve. Une semaine avant le jour J, on célèbre déjà le « petit nouvel an », une cérémonie d'adieu au génie du foyer, où l'on revient sur les actions des membres de la famille, qu'elles fussent bonnes ou mauvaises. On accroche des papiers rouges dans la maison, sertis de vœux de bonheur pour l'année à venir. On rend visite à ses amis, les bras chargés d'oranges, symbole de prospérité.
Puis vient le soir du réveillon. Le repas, un véritable festin, se déroule traditionnellement chez l'aîné du côté paternel. On se rend ensuite au temple prier et déposer ses offrandes afin de convoquer la chance. Tout est fait, durant cette fête, pour susciter les énergies positives et attirer les bons présages. On distribue à ses jeunes proches des étrennes lovées dans des enveloppes rouges (toujours pour invoquer le bon augure), on allume pétards et feux d'artifice qui éloignent les mauvais esprits, avant de veiller jusqu'au petit matin en ripaillant, pour muscler sa longévité.
Pour les Parisiens, cette fête sera donc une belle occasion de se dépayser en quelques stations de métro et de découvrir la culture chinoise, vietnamienne, cambodgienne et thaïlandaise de façon festive et différente. D'impressionnants défilés costumés célèbreront le 9e animal du cycle zodiacal chinois (le singe!) autour d'explosions de pétards, de démonstrations d'arts martiaux, dans un tourbillon de couleurs, d'éventails, de parapluies, de danses du lion ou du dragon et de musiques traditionnelles.
Les symboles
CC - Tangi Bertin
• La prédominance du rouge
Le nouvel an ou « Guo Nian » en chinois vient de la légende du Nian, une bête effroyable qui descendait, paraît-il, des montagnes chaque veille de nouvelle année pour s'attaquer aux villageois et à leurs animaux. Elle sema la terreur jusqu'au jour où l'on découvrit qu'elle était effrayée par le rouge, le feu et le bruit. Pour empêcher sa venue, les villageois peignaient donc leurs portes en rouge, allumaient des feux et se barricadaient toute la nuit pour veiller et effrayer l'animal en faisant, à l'aide de casseroles par exemple, le plus de boucan possible. Le rouge est naturellement devenu la couleur parfaite pour célébrer le nouvel an. Elle est également signe de joie et de bonheur.
CC - Tangi Bertin
• La danse du dragon
Dans la culture asiatique, le dragon est l'animal légendaire par excellence. Il qualifie à la fois la force, l'intelligence, la longévité, la persévérance et la réussite. Infiniment respecté, capable de nager, de marcher, de voler, il intervient dans de nombreux mythes fondateurs, et est aussi craint qu'adulé. Pas étonnant alors qu'on le retrouve au cœur des cortèges de la fête du printemps. La danse folklorique du dragon implique coordination, endurance et agilité : ce sont donc souvent des pratiquants d'arts martiaux qui s'attellent à la charge, portant à bout de bras de longues tiges de bambous et faisant onduler les morceaux de soie qui composent le corps et la tête de la bête.
CC - Chris Brown
• La danse du lion
On pourrait facilement les prendre pour des dragons, mais ces créatures sont en fait des lions. La culture populaire chinoise prête à l'animal de nombreuses vertus. Et sa danse, pratiquée depuis la dynastie Han (de 206 avant J.-C. à 220 après J.-C.), est réputée pour effrayer les mauvais esprits – dont le féroce Nian –, apporter chance, bonheur et prospérité. Voilà pourquoi, pendant la fête du printemps, mais aussi lors de nombreuses autres célébrations, on retrouve cette drôle de danse. Deux lions se tournent autour, sautent, s'agitent, se dressent, exécutent des mouvements bien précis, sur un rythme tout aussi codé. Ils prennent vie grâce à la force, la souplesse et l'agilité de deux athlètes glissés dans chaque costume.
Le cheval de bois et les animaux du zodiaque
Mausolée de l'empereur Qin / CC - n3wjack's
Le 31 janvier, nous dirons au revoir au singe pour entrer dans l'année du coq. Un des douze animaux que comporte la mythologie chinoise souvent assorti aux qualités telles que le sens de l’observation, la franchise et l'honnêteté. Il faut donc y lire de bons présages pour cette année 2016, qui, sous l'égide du singe, devrait – espérons-le –, prendre de bonnes et durables impulsions. Ces croyances liées à l'astrologie chinoise prennent leur source dans une vieille légende, dont il existe plusieurs variantes qui racontent pourtant toutes à peu près la même histoire.
Le tigre, le phénix et le dragon s'en allèrent trouver l'Empereur de Jade, dieu du Ciel dans la religion taoïste, pour se plaindre de la cruauté des êtres humains à l'égard du monde animal. Afin d'obliger ceux-ci à faire part de plus de déférence et de respect envers ces pauvres bêtes, l'Empereur de Jade décida alors d'attribuer un animal à chaque année de naissance des hommes. Pour ce faire, il lui fallait sélectionner 12 représentants. Il organisa donc une course, afin de choisir ses champions.
La nouvelle se répandit bientôt parmi les animaux. Le rat, occupé à creuser un trou, ne prêta d'abord pas attention à l'annonce, mais intrigué il demanda au félin, son vieil ami, ce qui se tramait. Le chat, bonne pâte, lui apprit la grande affaire et lui proposa de l'accompagner, mais puisqu'il était habitué à faire la grasse matinée, il demanda également au rat de le réveiller le lendemain matin. Ce dernier ne tint pas promesse et s'en alla tout seul chez l'Empereur. Voilà pourquoi le chat ne figure pas dans l'horoscope chinois (il siège néanmoins à la place du lapin dans la version vietnamienne) et pourquoi les deux anciens compères sont désormais des ennemis jurés.
Le jour de la course, le rat, jamais à court de diablerie pour remporter le marathon, monta sur le dos du bœuf à son insu, et sauta juste devant lui en arrivant au palais. Il fut donc le premier, suivi du bœuf, puis du tigre, du lapin, du dragon, du serpent, du cheval, de la chèvre, du singe, du coq, du chien et enfin du cochon. L'Empereur décréta que chaque nouveau-né hériterait des qualités et des défauts de l'animal de son année de naissance. On raconte aussi que ce serait Bouddha qui aurait attribué à chacun de ses animaux, venus lui rendre hommage avant la fin de son séjour sur Terre, une année lunaire en guise de remerciement.
Au-delà des animaux sacrés, chaque année est placée sous le signe du Yin ou du Yang et de la théorie des cinq éléments de la cosmologie ancestrale chinoise (le Wuxing) : l'or, l'eau, le bois, le feu ou la terre.
Photographies : CC - Tangi Bertin
Auteurs :
et Emmanuel Chirache