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Bon, mettons les choses au clair dès le début : tous les journalistes de Time Out ne sont pas du genre à tester leur souplesse dans des cours de yoga, chaque dimanche matin. Tous n’arborent pas non plus la zen attitude, un « ommm » au bout des lèvres. Pourtant, l’un des nôtres a bien été obligé de faire semblant pendant deux fois une heure et demie, quand le directeur de la publication lui a annoncé qu’il débarquait avec lui. Les cours du jour ? Du fly yoga et du bikram, deux formes alternatives de la discipline.
Direction le 9e arrondissement, rue du Faubourg Poissonnière. On ingurgite une bouteille d’eau et arbore un t-shirt noir pour masquer notre ventre bedonnant. Autour de nous, des femmes, majoritairement, de tout âge ou presque. Toutes sont venues pour tester le nouveau phénomène à la mode : le fly yoga. Le concept ? Combiner habilement en une seule discipline le yoga traditionnel avec le pilates et les arts du cirque. Grosso modo, depuis 2008, vous avez la possibilité d’exercer la pratique dans un hamac, suspendu au plafond. « J’ai travaillé l’idée avec des kinés et des ostéos », précise Florie, à l’origine du projet. « En suspension, de l’espace se crée pour les articulations. Et puis c’est très bénéfique pour la colonne vertébrale. » On chope donc un tapis et on débourse 59 € pour les trois cours. On est fin prêt à s’envoler pendant un peu plus d’une heure.
Avant le décollage, place à la méditation. On s’apaise progressivement avant de prononcer la syllabe sanskrite, le fameux « om » censé représenter le son originel de l’univers. Après avoir « salué le soleil », on gravite enfin dans les airs. On fléchit la jambe gauche, on fait passer la droite au-dessus, en dessous, puis on pose notre front sur nos genoux, bref, on retourne dans tous les sens le bout de tissu. Et si on pensait être rouillé, du genre à avoir un début d’arthrite avant 30 piges, on est finalement agréablement surpris par notre réussite sur certains exercices, Ce n’est pas le cas de tous : face à nous, une fille galère sur les postures depuis au moins trois quarts d’heure. Et si en temps normal, on aurait au minimum esquissé un sourire, ici le travail sur les chakras nous rend progressivement meilleur. « J’ai changé », comme dirait l’autre. La fin approche et s’il est impossible d’expérimenter en un cours les quatre cents postures, on a pu en découvrir un large panel. On retiendra surtout le poirier et le cocon, position dans laquelle on aimerait rester à tout jamais. Finalement non, on s’allonge en position savasana, on relâche notre corps et on inspire profondément. Putain, ça fait du bien ! « Je suis venu pour mon dos qui me faisait terriblement souffrir », nous confie une quadra, habituée des lieux. « A force de venir ici, ça va nettement mieux. » Idem pour une femme enceinte, « qui ne peut pas appliquer toutes ces postures dans du yoga classique. » Quant à notre boss, habitué à lire d’innombrables mails dans son bureau, on ne l’a jamais vu autant sourire depuis la création de Time Out Paris. Rien que ça.
Jour 2. On se pavane en débarquant à notre prochain cours, rue du Faubourg Montmartre. On est sûr de nous : désormais le yoga, ça nous connaît ! Pour autant, on ravale très vite notre arrogance en pénétrant dans la salle. Car ici, le concept est d’exercer la discipline dans une salle chauffée, à 40 degrés. Bref, c’est étouffant. « Si ça ne va pas, mettez-vous à genoux », nous glisse la prof. Et même si on panique, Marine, celle qui a importé le bikram à Paris, nous rassure en nous vantant les bienfaits de la discipline. « Avec la chaleur, le muscle se détend, vous pouvez accroître la souplesse dans les postures en réduisant les risques de se faire mal. » D’accord. Il ne reste plus qu’à tester la discipline, d’autant plus que le prix est plus abordable (39 € en illimité pendant dix jours.)
Sur place, la pièce est bondée et plutôt mixte. On cale notre tapis au fond et commence à suivre les consignes de la prof debout face à nous. Au programme, pas moins de vingt-six postures (hatha yoga), pendant quatre-vingt-dix minutes, avec exercices musculaires, cardio-vasculaires, ligamentaires et hormonaux. Sur le papier ça fait rêver, face à la glace, un peu moins : au bout de cinq minutes, on a officiellement la gueule de François Hollande en plein discours un jour de pluie. On dégouline de sueur alors que notre boss arbore le caleçon torse poil, en toute décompression. Les postures sont répétitives et les niveaux disparates : on hallucine face à l'agilité de certains, même si effectivement, la chaleur ça aide niveau souplesse. Seulement, une heure et demie c’est long : la salle est humide et notre corps est mis à rude épreuve. Après avoir réalisé la posture du triangle, on s’affole et on s’assoit pour la première fois. En panique, la tête qui tourne à cause de la chaleur, on boit de grandes gorgées d’eau. Et impossible de chercher du soutien autour de nous : la séance est silencieuse. Et la suite du cours va ressembler à une débandade. Trois, quatre et même cinq fois, on se retrouve les genoux sur le sol. Un gaillard aux cheveux longs nous y rejoindra même, pendant quinze petites secondes, avant de reprendre l’entraînement. On est définitivement le loser du jour. Après la posture du lapin (sasangasana), on perd nos moyens, tournant de l’œil, ne sachant plus si on est dans le clip "I’m a Slave For You" ou en plein Paris. Sur un élan de lucidité, on décide de rejoindre le vestiaire, tête baissée. On croisera même le regard gorgé de déception de notre collègue, qui finira sans forcer la séance.
A la sortie, la prof qui pratique le bikram depuis 2008, nous rassurera tout de même. « Quand j’ai découvert la pratique, j’ai vomi. On n'a pas l’habitude au quotidien d’être à 40 degrés. Le corps a besoin d’un temps d’adaptation. » Même son de cloche pour Marine, la fondatrice : « Ce qui compte ce n'est pas de finir, c'est d'essayer. Comme on dit, on ne fait pas du yoga, on essaye de faire du yoga. » A la sortie, tous les participants arborent tout de même un large sourire, même s’ils ne viennent pas pour les mêmes raisons. Pour cette femme de 45 ans, c’est avant tout « pour le challenge. La chaleur c’est un peu une forme de méditation pour moi ». Idem pour Marine, 27 ans : « J’aime bien le côté intense. Au cours de la journée, on se sent bien, on a envie de manger des trucs bons. » Et si un homme de 42 ans regrette « le côté ESPN », il promet qu’après des années, il a « enfin appris à respirer ». Pour notre part, on reviendra c’est sûr, pour perdre notre dégaine d’abord, pour reproduire les positions dans la vraie vie, ensuite. Mais aussi et surtout, pour se prouver qu’on peut y arriver. Namaste !