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Il est 15h ce samedi devant l’église Saint-Gervais à deux pas de l’Hôtel de Ville. Le soleil brille, la chaleur est agréable. Bref, l'idéal pour une promenade dans Paris. Depuis le 2 juin, l'organisation Paris fait son cinéma a mis en place ses « ciné-balades », un concept simple : visiter un quartier de Paris à travers les films qui ont été tournés dans ces lieux. Au milieu d'un groupe de six personnes, nous sommes accueillis par la guide, diplômée d’un master en Histoire du cinéma. Jeune, très accueillante et tout sourire, elle propose une déambulation dans les rue du Marais, à la découverte de son cinéma et d'anecdotes de tournage croustillantes. Quelques chiffres pour commencer : près de 5 000 lieux de tournage sont recensés dans la capitale et près de 9 films sont tournés par jour. Paris reste donc la ville la plus filmée au monde. Quant au Marais, il demeure un terreau unique en son genre pour les cinéastes : beaux à couper le souffle, chargés d'histoire et pleins de charme, les troisième et quatrième arrondissements confèrent une allure romanesque à bon nombre de longs-métrages. On bave d’avance de connaître tous les petits secrets du septième art du quartier.
Mais la balade ressemble trop vite à du sport et pas assez à une leçon. On marche beaucoup et on parle peu. La visite fait ainsi halte tout d’abord rue du Roi de Sicile devant… un magasin de chaussettes. Une grande fresque représentant un cheval rouge symbolise une ancienne boucherie chevaline, très fréquentée par le Paris de 1870. On est venu pour du cinoche, on nous parle de bidoche. N'empêche qu'on apprend quelque chose. Le parcours continue jusqu’à l’atelier Clot, Bramsen & Georges dans la rue Vieille du Temple. Le lieu a servi de plateau pour l’un des courts-métrages du film à sketches ‘Paris je t’aime’ (2006) réalisé par Gus Van Sant et réunissant Marianne Faithfull et Gaspard Ulliel. Notre guide dégaine alors son iPad et ses enceintes : extrait pour accompagner la balade.
On est évidemment déçu d’aller rue des Rosiers pour se rendre compte que ce cher Rabbi Jacob n’a jamais dansé dans le Pletzl, célèbre quartier juif de Paris. Tout s’est passé à Saint-Denis ! C’est toujours l’occasion de repasser devant la superbe devanture du restaurant de Jo Goldenberg, qui a réellement servi pour le tournage de 'L’Union sacrée' d’Alexandre Arcady, sur l’attentat de la rue des Rosiers. Parfois, notre guide nous emmène voir des petits hôtels particuliers, des jardins cachés, très jolis certes, mais qui nous éloignent du propos principal. Petit détour par Carnavalet (on ne pénètre pas dans le musée), dont les œuvres ont inspiré ‘Le Parfum’ et où l’on apprend que le prix d’un tournage sur place est de 3 500 € par jour.
Place Sainte-Catherine, on se remémore Gilles Lellouche escaladant le store du Bistrot de la Place pour faire sa déclaration à Louise Monot dans 'Les Petits Mouchoirs' de Guillaume Canet. Un peu léger. En fin de visite, un choix émouvant est fait par notre guide, qui nous raconte l'histoire de la rue Charlot et son marché des Enfants Rouges. Alexandre Trauner, fameux chef décorateur (‘Les Enfants du paradis’, ‘Hôtel du Nord’) y avait imaginé le Paris étrange et sale du 'Tchao Pantin' de Claude Berri en 1983. L’appartement encrassé de solitude du regretté Coluche, c’est lui. Habitant du quartier, Olivier Assayas a lui aussi situé l'action de son segment de 'Paris je t'aime' dans le marché des Enfants Rouges. On y voit la douce Maggie Gyllenhaal attendre patiemment son dealer.
A la toute fin de notre promenade, on passe une tête aux Archives nationales, qui ont servi de siège à la Kommandantur dans l'irrésistible 'Papy fait de la résistance' ainsi qu'à quelques scènes du majestueux 'Marie-Antoinette' de Sofia Coppola. Film exigeant, dont les costumes représentaient 7 % du budget total. On s’échappe à la bourre vers Beaubourg pour évoquer dans un dernier souffle l'agent 007 dans ‘Moonraker’. C'est au Centre Pompidou que la rencontre entre James Bond et la jolie Holly Goodhead a été filmée, car un tournage au Royaume-Uni coûtait trop cher. Après cette déambulation, on ressort donc un peu plus savant, même si on aurait bien aimé en savoir plus sur les mystères du Marais et les films qui ont contribué à sa renommée. Malgré la sincérité et la passion manifestes de notre guide, le cinéphile reste sur sa faim. Pas un mot sur ‘La Reine Margot’ de Patrice Chéreau, sur 'La Traversée de Paris' de Claude Autant-Lara ou sur le 'Bossu' de Philippe de Broca. A 17 € la promenade, le clap de fin de visite peut laisser un tantinet amer.
Quoi ? • Ciné-balade : le Marais.
Quand ? • Du 7 au 27 juin, à 15h.
Où ? • 1 place Saint-Gervais dans le 4e, à deux pas de l'Hôtel de Ville.