Actualités

On a visité l'atelier de... C215, street artiste respecté

Écrit par
Anna Maréchal
Publicité

Alors que l'artiste fait l'objet d'une exposition rétrospective à Vitry, son fief, jusqu’au 26 février, C215 nous a ouvert les portes de son atelier.

Vous avez forcément déjà entendu son nom, ou aperçu ses œuvres dans les rues. Christian Guémy, pochoiriste respecté et street artiste confirmé, habille les murs de Paris et d’ailleurs depuis les années 2000. Repéré par le mystérieux mais non moins célèbre Banksy, C215 est aujourd’hui une figure de proue du genre, prisée par les collectionneurs et les galeries. Levez les yeux : que ce soit ses portraits de personnalités (Christiane Taubira, Carrie Fisher, Robin Williams), d'anonymes aux visages poignants ou de chats, les pochoirs de C215 sont partout et font désormais partie du paysage urbain. 

Des pochoirs et des bombes : bienvenue dans l’atelier de C215 !
© Anna Maréchal

« 90 % de mon travail, c’est du découpage... »

Des pochoirs, il y en partout dans le deuxième atelier de C215, à Ivry cette fois, où ce grand voyageur a posé ses valises en 2013. Ces patrons, il les confectionne lui-même, à partir du tracé de ses dessins, en découpant méticuleusement ses sujets dans du papier cartonné selon des jeux de couleurs et de lumière dont il a le secret. Par conséquent « 90 % de mon travail, c'est du découpage... Mais c’est ce que je préfère ! », ajoute-t-il, rieur, devant notre air étonné. « Ca me détend, je suis serein et concentré, seul, au calme chez moi. Ce sont des moments qui m’appartiennent, et qui me permettent de penser à ce que ça va donner... ». 

Et cela donne des œuvres d'art monumentales, disséminées aux quatre coins du monde. Globe-trotter invétéré, C215 a en effet pris l’habitude de déposer des portraits dans chaque pays qu’il a visité. Des visages venus d’ailleurs inspirent ses pochoirs en même temps qu’ils laissent une trace de ses explorations. Ses œuvres peuvent représenter des enfants rencontrés au Liban, au Maroc ou en Syrie, un couple d’inconnus amoureux ou des sans-abris qu’il met en lumière au même titre que des personnalités qu’il admire.

Le kit du street artiste.
© Anna Maréchal
Comme dans chaque atelier d'artiste, on retrouve les traditionnelles traces de bombes sur les murs.
© Anna Maréchal

 « C215 a rendu le pochoir vivant »

Artiste engagé, C215 a ainsi entamé, depuis décembre 2016, une série en hommage aux victimes des attentats, que ce soient les journalistes et dessinateurs de Charlie Hebdo, dont il a réalisé les portraits dans les rues adjacentes au siège du journal, ou la policière Clarissa Jean-Philippe à Montrouge. Toutes en couleurs et en mouvement, à mi-chemin entre beauté et tristesse, ces peintures sont une manière pour l’artiste d’affirmer sa liberté d’expression, une valeur mise en péril par ces attaques. Mais aussi et surtout une façon d’honorer les victimes comme les survivants, à l'image de Lassana Bathily, ce jeune homme héroïque qui a aidé les clients de l’Hypercacher à se cacher en janvier 2015 et que C215 a tenu à immortaliser par son art.

Devant les œuvres de C215, on ne peut d'ailleurs s’empêcher de penser aux mots de l’Américain Shepard Fairey, alias Obey (street artiste à l’origine de l’affiche 'Hope' de Barack Obama) : « C215 a rendu le pochoir vivant. » Il faut dire que ses portraits, saisissants de relief, et son travail des couleurs comme de la matière, parviennent à capter le mouvement, le regard, la vie de ces visages saisis sur l’instant, à jamais.

Le portrait de Lassana Bathily, devant l’Hypercacher de la Porte de Vincennes.
© C215/Instagram

Le chat, à la fois symbole de convenance et de protestation

Hormis les portraits de personnages emblématiques, l'une des signatures de C215, c’est le chat. Il en a réalisé de très nombreux pochoirs, notamment l’immense fresque du boulevard Vincent Auriol (13e). Cette fresque bleue est une commande de la mairie qui fait partie de la constitution d’un « musée ouvert » entreprise par le maire Jérôme Coumet. Le profil du félin partage donc le voisinage de la magistrale Marianne d’Obey ou du Docteur House d’Invader.

Et lorsque l’on demande à C215 ce que cet animal lui évoque, il reconnaît que c’est autant pour son esthétique et pour sa symbolique qu’il aime à ce point le représenter. Sorte de messager universel, le chat est un animal domestique mais libre. « Il y a un mélange de protestation et de convenance chez cet animal, et c’est ce qui me plaît chez lui. Il me ressemble j’imagine », dit-il en regardant affectueusement sa chienne Lili.

© C215/Instagram

Fort de cette révélation, nous cherchons à élucider un autre mystère : comment l'artiste fait-il pour rendre ses sujets aussi réalistes ? « J’ai beaucoup dessiné petit, nous confie-t-il, mais aujourd’hui je travaille essentiellement à partir de photos, puisque la majorité de mes œuvres sont des portraits. » Et pour retrouver les sensations d’un mur alors qu'on travaille en atelier ? Là encore, C215 nous avoue son petit secret : utiliser des supports variables (plaques de bois, métal, toiles, etc.) sur lesquels il applique énormément de matière. Attention toutefois, « il faut qu’il fasse plus de 10° pour peindre correctement dans la rue. En dessous de ça, la peinture ne tient pas, les bombes réagissent mal... », ajoute-t-il, témoignant de son expérience urbaine.  

Partageant son temps entre travail en atelier, expositions en galeries et art de rue, C215 devrait vivre une année 2017 bien chargée. Outre son exposition rétrospective qui se tient à Vitry jusqu’au 26 février, C215 prépare un vaste projet artistique au Musée National du Sport à Nice. L'institution a en effet laissé carte blanche au street artiste passionné de sport pour qu'il réalise près de soixante portraits de sportifs, de toutes disciplines et nationalités. La plupart sont d’ailleurs peints sur le matériel ou l’équipement des athlètes donné pour l’occasion.

Soyez donc attentif, C215 est partout autour de nous.

>> N'hésitez d'ailleurs pas à faire un tour sur le site officiel de C215 et sur son compte Instagram

Vous avez aimé visiter avec nous l'atelier de C215 ? Alors, visitez aussi ceux de Nebay, Jérémie Baldocchi et Jo di Bona.

À la une

    Publicité