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Après une escale au M.U.R Orléans fin mars, l’artiste partagera, du 13 au 23 avril, l’espace de la galerie du Loft du 34 avec ses acolytes Cieu et Cédrick Vannier. A cette occasion, il nous a gentiment ouvert son havre de création.
Encore plus que le style, variant bien souvent en fonction de la situation émotionnelle de l’artiste qui le développe, un atelier en dit long sur la personnalité qui l’habite. Comme un prolongement de l’âme, il ne ment pas. Et cette constatation ne s’est jamais aussi bien vérifiée qu’avec l’antre créatif d'ILK – prononcez « ilke » !
C’est dans les 17 m2 d’un box réhabilité, dissimulé au cœur de la résidence montreuilloise où ILK vit depuis six ans, que se niche ce concentré de caractère, un « atelier sur cours » à l’image de son propriétaire. Simple et sans fioriture, composé de quatre cloisons, d’un îlot central et d’un large meuble de rangement, il prouve que l’on peut faire beaucoup avec très peu. Ou comment associer propreté de murs blancs presque immaculés (repeints tous les trois mois), à l’effusion colorée de l’imagination d'ILK, vaporisée à l’aérographe sur le plan de travail en bois et le sol en ciment. Une porte qui demeure toujours ouverte aux chats errants du quartier qui viennent réclamer des croquettes, de même qu’aux voisins curieux qui s’arrêtent pour saluer, les bras chargés d’emplettes.
Le Borgne, un matou gris au regard voilé, vient d’ailleurs de faire son apparition pour se frotter affectueusement aux jambes de notre hôte. La vision de ce famélique félin câliné par un grand gaillard aux allures de métalleux se révèle aussi surprenante que touchante. Et nous rappelle qu’il ne faut vraiment pas se fier aux apparences…
L'atelier d'ILK : une insoupçonnable et luxuriante kyrielle d'inspirations
Car ILK s’évade à mille lieues des idées préconçues : en admirant ses œuvres aux teintes acidulées, douces et presque enfantines, qui pourrait se douter que l’artiste est fan de films d’horreur ? En dix-neuf années de graffitis, il ne s’est pas non plus laissé submerger par la vague « urban » inhérente à la discipline, continuant à mêler dans son baladeur rap et metal – la bande-son de ses journées à l’atelier. Et tandis que d’autres ont débuté dans l’art par les tags et le vandale, ses premières amours picturales consistaient à peindre des figurines Warhammer ou à redessiner ses mangas préférés. Aujourd’hui encore, ILK se démarque de ses pairs en alternant – au travers de sa société de graphisme numérique Rue Pavée – un emploi de directeur artistique pour des entreprises telles que Virgin, Converse ou Disney, sa passion pour la peinture et son tout récent rôle de papa.
Un parcours atypique et un mélange des genres qui fondent la force du travail d'ILK et nourrissent son univers unique. Dans ses toiles, sortes de vanités bigarrées où des plantes tentaculaires dégoulinent de pots de fleurs naïfs, on décèle l’influence de Matisse et de Picasso. Mais aussi de H.R. Giger, le créateur d'‘Alien’, par ses formes abstraites et organiques.
Multiplier les références et les casquettes (ou plutôt les bonnets, en ce qui le concerne) permet ainsi à ILK de ne jamais s’engoncer dans un seul style. Autant que de se remettre en question en vue de faire évoluer ses compositions. Rompu à la rigueur des contraintes qu’imposent les commandes de ses clients, imprégné au quotidien des tendances du monde de la mode qu’il côtoie et doté d’une perpétuelle envie d’expérimentation tout comme d’un sens aiguisé de l’observation – les croquis qu’il esquisse parfois dans son Moleskine en témoignent –, ILK s’essaie d’ailleurs à de nombreuses techniques, souvent inédites.
De l’aérographe (faisant des traits d’acrylique plus fins et maîtrisés que la bombe) à la risographie (technique d’impression aux nuances éclatantes et au coût modéré) en passant par la céramique (que l’artiste pratique de temps en temps chez un ami à Ivry), son imagination n’a de limite que son ambition. Et sa variété artistique que les moyens techniques.
Du basket aux paillettes, un homme aux mille facettes
Eclectique et plein de surprises, voilà comment qualifier ILK. Mais c’est également la définition que l’on pourrait octroyer à son atelier, et plus particulièrement à sa pièce du fond. Dans ce petit réduit savamment optimisé, deux espaces distincts semblent en effet refléter deux aspects de l’artiste, comme deux hémisphères cérébraux. Le premier, lieu de travail propre et clair où ne traîne rien par terre – si ce n’est quelques pinceaux, un sèche-cheveux, un cendrier ethnique et des bouteilles d’eau – respire le sérieux et la concentration. Mais le second, zone de stockage à l’abri derrière un rideau, dégage une bouillonnante ambiance de cabinet de curiosités.
Sur les étagères, on laisse promener un regard abasourdi qui croise un renard empaillé, « acheté cinq balles à un antiquaire orléanais », un crâne de chevreuil débusqué lors d’une balade en forêt, une chouette naturalisée, un écureuil atrophié tenant un cierge, un drapeau breton, des bibelots de Lourdes et des jouets Happy Meal « trop stylés », petits vestiges de l’enfance exposés là juste pour le plaisir de les savoir sauvés de la benne. Une compagnie silencieuse et une présence familière pour ce solitaire qui, lorsqu’il descend à l’atelier, se déconnecte totalement du monde extérieur. Lui dont les journées s’amorcent au petit matin, dès 7h.
Mais que l’on ne s’y trompe pas : si ILK apprécie la quiétude que lui procure son repaire, il n’a rien d’un ours se terrant dans sa tanière. Au contraire ! Cet ancien joueur de basket, dont le ballon trône parmi les reliques précédemment citées, n’aime rien tant que le jeu en équipe. « Au début, le graff, c’était un bon moyen de se retrouver entre potes et de passer du bon temps ensemble », confirme ILK. Puis est venu le temps de la collaboration, plus poussée, avec son alter ego Tyrsa – les deux amis se sont rencontrés en 2002 et forment depuis le duo ILKflottante & Tyrsamisu. Et enfin le temps de la transmission quand, entre 2007 et 2008, ILK a formé un stagiaire en graphisme.
L’échange au profit de la promotion personnelle : voilà ce qui a poussé ILK à prendre part à la prochaine exposition collective du Loft du 34. Son premier solo show, lui, ne se tiendra qu'en octobre 2017 à la Kolly Gallery de Zurich, après presque 20 ans de carrière. Une humilité qui explique d'ailleurs pourquoi l’artiste accorde tant d’importance à l’anonymat. « Pas la peine de montrer ma tête : ce qui doit vraiment intéresser les gens ce sont mes œuvres », ajoute ILK.
Et c’est peu dire qu’elles valent le détour, ses compositions alliant subtilement le glauque et les smileys, le morbide et les pastèques, le dark et les paillettes. Des toiles en apparence si légères qu’on ne serait pas choqué de les retrouver dans une chambre d’enfant. Néanmoins – au risque de contredire un artiste que l’on estime pourtant beaucoup –, ces œuvres méritent d’être connues, certes, mais leur auteur également. Une personne rare dont l’atelier l’est tout autant.
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Quoi ? L'exposition CIEU / ILK / VANNIER.
Où ? Au Loft du 34, 34 rue du Dragon, Paris 6e.
Quand ? Du 13 au 23 avril 2017.
Combien ? Gratuit !
Pour suivre toute l'actualité d'ILK ? Rendez-vous sur son site Internet officiel ou sur sa page Facebook, mais aussi celle qu'il partage avec son ami Tyrsa.
Ses QG ? Le bar Le Complot, le restaurant Melt et le musée Picasso.
Sa devise ? Hakuna Matata