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On était au concert des Eagles of Death Metal : du rock et de l'émotion

Houssine Bouchama
Directeur de la rédaction, Time Out Paris
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Dès le début, tout indiquait qu’il s’agissait d’une soirée particulière. Postés sur le boulevard des Capucines, des flics derrière les barrières quadrillent la zone, alors qu’un couple s’enlace dans la queue, les yeux imbibés de larmes. On présente nos billets, échange un câlin avec une fille arborant une pancarte « free hugs » et mate au-dessus de notre tête les fameux néons rouges de l’Olympia, affichant « Eagles of Death Metal ».

Trois mois se sont écoulés depuis la terrible tuerie du Bataclan, frappant des centaines d'innocents au seul motif qu’ils étaient fans de rock. Trois mois, c’est le temps qu’il aura fallu au groupe pour relancer sa tournée, rebaptisée depuis « Nos Amis Tour ». Il fallait « finir » ce concert, violemment achevé dans les larmes et dans le sang. Les rescapés de la barbarie et les proches des victimes avaient ainsi l’occasion d’échanger leur ticket pour une nouvelle performance du groupe américain, l’autre moitié des places étant mise en vente libre.

© Houssine Bouchama

Autour de nous, on comprend que pour certains la soirée permet de combattre ses démons de façon cathartique, d’aller de l’avant. Mais la plupart sont juste venus pour passer un bon moment et terminer le concert une bonne fois pour toutes, à l’image de Sylvain, déjà présent au Bataclan. « Personnellement, je pense être passé à autre chose avant de venir à l'Olympia. Mais c'est différent pour chacun, personne ne vit son expérience de la même manière. Le principal, c'est que tout le monde a l’air content d'être là. » Si on ne peut s’empêcher de noter la présence de vingt-cinq psychologues portant des badges bien visibles, l’ambiance reste avant tout très bon enfant. L'émotion est palpable, ça discute, ça trinque des bières en bougeant la tête devant White Miles, déjà en première partie au Bataclan. On croise ici et là des fringues à l’effigie du groupe, des cornes de diable sur les têtes, un cowboy à chapeau, des barbus en veste en jean, Jack Lang ou encore Philippe Manœuvre pour le côté people.

A 21h, les lumières s’éteignent dans la salle. Le groupe tant attendu arrive dans un brouhaha indescriptible, sous la voix de Jacques Dutronc et sa fameuse chanson "Il est 5 heures, Paris s’éveille". Les membres du groupe saluent pendant de longues minutes le public, avant que le chanteur Jesse Hughes ne scande : « On est là pour du rock, personne ne nous en empêchera. » On a des frissons. S’ensuit le célèbre titre "I Only Want You" extrait de leur premier album ‘Peace, Love, Death Metal’, lançant le coup d’envoi d'un concert mémorable.

© Houssine Bouchama

En plein milieu de la chanson, le groupe s’interrompt et demande une minute de silence « pour nous souvenir ». Un perturbateur tentera bien de gâcher ce moment en criant « A poil ! », mais le concert reprend dans une ambiance folle. Au lieu de verser dans le pathos et les longs discours, le charismatique chanteur préfère gueuler des « I love you motherfuckers » et offrir à tous ce pour quoi ils sont venus : un putain de concert de rock 'n' roll. Et c’est bien de ça dont il s’agit : les bières qui giclent à flots, les signes de corne à foison au bout des mains, les pogos géants qui font trembler le sol, les personnes soulevées par la foule, les unes après les autres. Tous ont bien compris le message et semblent s’éclater. Certains, qui ont vécu ensemble l'enfer du Bataclan, se recroisent enfin et s’enlacent. L'ingé son américain du groupe cherche encore la fille qu'il a aidé à sortir de la salle après s’être pris une balle dans le bras.

Au total, deux heures de concert d’un groupe qui nous a matraqué de riffs acérés et de basses surpuissantes, enchaînant chacun de ses titres phares alors qu’un t-shirt « I Really Wannabe in Paris » est posé au pied de la batterie. Mention particulière à la reprise de "Stuck in the Metal With You" ou la magnifique "I Love You All the Time", devenue un titre symbolique pour les fans et un moment d'émotion toute particulière ce soir-là. Le moustachu Jesse Hughes nous régale sur chacun des titres de sa présence scénique, arborant un temps une écharpe bleu blanc rouge. Apparaissant seul sur scène, avec une guitare aux couleurs de la France, il questionne le public sur la chanson qu’il souhaite entendre. On entend « La Marseillaise », ça sera "Brown Sugar" des Stones : du rock, définitivement.

Après avoir cassé une guitare puis grimpé aux balcons, Jessie rejoint sa bande pour conclure le concert, un brin d’alcool dans le sang. Les lumières s’allument, tous les membres du groupe saluent le public, balancent les baguettes et enchaînent les accolades. Les gens autour de nous arborent pour la plupart de larges sourires. Une jeune fille, présente au Bataclan, a « vraiment eu l'impression d'avoir fait le deuil de quelque chose ». Et tous semblent avoir passé un bon moment. Prouvant une nouvelle fois que la vie continue et que la musique triomphe. Définitivement, ils ont perdu, on a gagné. 

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