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1. La place du Tertre : osez le détertrage
Cette petite place objectivement très mignonne en plein Montmartre a fini par devenir sa propre caricature de film américain des années 1950. Ici, les portraitistes ont remplacé les peintres, les accordéonistes ont remplacé les musiciens et les serveurs en béret ont remplacé les loufiats d’autrefois, transformant le pittoresque en cliché. Avec des prix dignes d’une zone internationale d’aéroport.
L’alternative : le belvédère de Belleville et la place Henri-Krasucki
Vous voulez de la hauteur avec une vue imprenable ? Un vrai quartier populaire ? Alors il faut aller en haut du parc de Belleville, le belvédère offrant l’une des plus belles vues sur la ville. Après quoi vous pourrez siroter un verre en terrasse au Moncœur Belleville, puis vous balader place Henri-Krasucki et le long de la charmante rue des Cascades pour voir les artistes (les vrais) au bar littéraire Les Cascades ou à la terrasse de la Fontaine d’Henri IV.
2. Le café de Flore : une drôle de faune
Ah, s’asseoir à la terrasse du café de Flore, retrouver le Paris d’entre-deux-guerres, observer la rue frémir, lire le journal en prenant son café, et comme Apollinaire, écrire une lettre à Lou… Hé ho ! Réveillez-vous, nous sommes en 2016 et tout ce que vous risquez d’apercevoir, ce sont des touristes japonais armés de perches à selfies qui dégustent sans broncher leurs sandwichs mixtes à 11,50 €, oui oui. Et on a le malheur de vous annoncer que vous n’y croiserez plus Jean-Paul Sartre et Simone de Beauvoir mais au mieux Frédéric Beigbeder. Pas vraiment « l’idéal ».
L’alternative : les petits comptoirs d’un grand chef
Pourtant, à deux pas du Flore se cachent les deux comptoirs d’Yves Camdeborde, le chef haut en couleur originaire du Tarn. Où l’on croise : des rugbymen, des chefs, des vignerons, tous accoudés au comptoir pour déguster des délicieuses terrines maison et des verres de rouge gouleyant. C’est ICI Paris.
3. Le Moulin Rouge : du vent !
A deux pas de la place Pigalle, on les voit s’agglutiner sous ses ailes et néons rouges. Lunettes de soleil et smartphone en main, les touristes s’ébahissent devant le plus célèbre cabaret du monde, bastion du french cancan depuis 1889. Mais qu’elle est loin cette époque où les Piaf, Sinatra ou autre Renoir venaient squatter les entrailles du lieu, devenu le simple vestige d’une époque insouciante. Pigalle s’est assagi et les strass et paillettes du Moulin Rouge ne font plus bander que les beaufs. Désormais, si vous rêvez d’insouciance, on vous conseille plutôt son club et les « boom boom » de la techno que crachent des enceintes.
L’alternative : le musée de la Vie romantique
S’il y a bien un lieu dans le quartier qui a su garder son charme et nous isoler de la cohue, c’est bien le musée de la Vie Romantique. Dissimulé rue Chaptal au fond d’une allée bordée d’arbres centenaires, l’établissement regroupe deux ateliers d’artistes, un café et la maison d’Ary Scheffer datant de 1830. Le peintre hollandais avait l’habitude d’y accueillir Delacroix, Chopin ou George Sand, alors que Liszt et Dickens s’affaissaient autour du piano Pleyel. Au jardin ou dans le pavillon se dégage une atmosphère, celle de l’époque romantique, qu’on inhale volontiers quand des expositions temporaires ont lieu.
4. Les Champs-Elysées : vous vous enlisez
Une enfilade de boutiques de luxe imbuvables et de grandes marques sans grand intérêt, des gyropodes à tout-va et une circulation infernale. Les Champs-Elysées du 8e arrondissement n’ont pas grand-chose à voir avec ceux de la mythologie grecque. Peuplée de trompe-l’œil, la plus belle avenue de Paris désole avec ses cafés hors de prix servis avec une grimace et sa nourriture industrielle sans goût. Fuyez. Loin.
L'alternative : les « villages » parisiens et leurs ruelles
Vous n’avez pas envie de suffoquer au milieu de la foule et des voitures sur la plus étouffante avenue du monde ? Plutôt que de souffrir d’une vision de Paris stéréotypée, partez à la découverte des rues perdues de la capitale. Des impasses fleuries, des maisons colorées et des hôtels particuliers qui ont de la gueule : le quartier ouvrier des Peupliers dans le 13e, la rue Crémieux dans le 12e, la Mouzaïa dans le 19e, ou encore la cité des Fleurs dans le 17e.
5. Le Sacré-Cœur : sacrément écœurant
Qui, à part quelques touristes mal aiguillés (certes, ils sont nombreux), a réellement envie de visiter le Sacré-Cœur, le pire monument parisien qui soit en termes d’ordre symbolique. Edifiée dans les années 1870, la basilique fut en effet construite dans le but d’affirmer un nouvel « ordre moral » et de célébrer l’écrasement de la Commune de Paris par les troupes versaillaises. Un authentique piège à touristes et un monument ultra conservateur, ressemblant à une grosse meringue : franchement, on a vu mieux (de Notre-Dame à Saint-Julien-le-Pauvre)
L’alternative : le square Louise Michel et le musée de l’Art Brut
Etant donné que l’urbanisme parisien n’est pas à un paradoxe près, répondons au symbole par un autre symbole, en nous posant dans le square Louise Michel, juste devant le Sacré-Cœur. Créé en 1927, en hommage à cette figure essentielle de la Commune (ainsi que du féminisme, de l’anarchisme…), le jardin jouxte en outre la très belle halle Saint-Pierre et son passionnant musée de l’art brut. On respire…
6. Le Café Oz : les cons, ça Oz tout
Cette chaîne de pubs australienne s'est installée à plusieurs endroits dans Paris et reste ouverte toute la nuit le week-end. Résultat, des hordes de touristes, majoritairement anglo-saxons, s'y ruent régulièrement en pensant retrouver l'ambiance de pub sale qu'ils ont laissé chez eux en allant à Paris. Le but ? Boire sans soif de la mauvaise bière, draguer un ou une compatriote sur un tube de l'été 2003 et manger des hot-dogs au micro-ondes. Certains Parisiens bien avisés ont compris que c'était le repaire idéal pour séduire une Australienne baraquée en fin de concours de shots.
L'alternative : la Bellevilloise et les bars à bières de Ménilmontant
Si les Parisiens veulent boire de la bonne bière, ils vont dans les bars de ce quartier du 20e arrondissement, comme la Fine Mousse ou les Trois 8. Ici, le maître-mot, c'est « artisanal ». Combinant bonne gastronomie et houblon de qualité, ces bars ne cèdent pourtant rien à l'ambiance et cultivent le goût du comptoir, de la bonne musique et de la camaraderie. L'avantage ? C'est tout près de la Bellevilloise, une ancienne coopérative rénovée en club ouvert toute la nuit, qui se mérite : au bout de la côte de Ménilmontant, venez danser dans une ambiance décontractée sur des concerts et des DJ sets de tous les styles.
7. Les bateaux mouches : sont plutôt louches
Bon, c’est vrai, il y a quelque chose de charmant à voguer sur la Seine. Observer les berges depuis les flots, admirer la ville avec un point de vue unique. Sauf que dans la réalité, le voyage n’a absolument rien de romantique. Les bateaux mouches sont des usines lucratives, remplies de bambins qui courent et de touristes en sandalettes. Au bout de dix minutes, vous aurez envie de jeter le guide qui s’époumone au micro par dessus bord, et ce sera le début des emmerdes.
L'alternative : les Marins d’eau douce du canal de l'Ourcq
Rien de plus déprimant qu’une croisière enfermé derrière son hublot. Vous avez envie de sentir la houle (enfin, les remous quoi), d’avoir les cheveux au vent, de vous imaginez tel Corto Maltese. Certes le canal de l’Ourcq n’a pas la renommée mondiale de la Seine et il n’y aura point de cathédrale sur votre chemin mais en matière de souvenirs, d’intimité et d’émotion, vous en aurez pour vos sous.
8. Les brasseries à Opéra : le porte-monnaie déchante
« Un croque-monsieur décongelé à 100 € SVP. » Cette phrase vous semble délirante ? Et pourtant c’est à peu près ce qui se passe tous les jours dans les brasseries d’Opéra où bizarrement des hurluberlus continuent de dépenser un quart de smic pour manger de la bouffe Métro. Peut-être pour avoir l’impression de déguster des plats « typiquement français ». Grossière erreur.
L’alternative : manger japonais à Pyramides
Dans une des petites cantines à ramens de la rue Sainte-Anne par exemple comme Higuma ou Hokkaido. Bouillon parfumé et entêtant, nouilles que l’on « slurpe » et tranches de porc (on traverserait Paris pour le ramen au kimchi d’Higuma), tout ça pour rarement plus de 10 €.
9. La boutique Vuitton : mais dans quel monde Vuitton ?
On n’a rien contre Louis Vuitton, vraiment. On apprécie même le travail de Nicolas Ghesquière, le directeur artistique. Seulement voilà, faire la queue deux heures sur les Champs Elysées pour admirer ses créations au milieu d’une troupe de touristes chinois, très peu pour nous. Et puis franchement, ce n’est pas terrible d’acheter un sac qui sera copié par tous les vautours qui squattent le marché de Clignancourt.
L’alternative : la nouvelle création
Quitte à lâcher deux smic pour un sac, autant le faire dans un lieu gorgé de créations originales, car vous serez le seul (ou presque) à l’avoir. Autant dire que dans la capitale officieuse de la mode, le choix de boutiques est large. Parmi elles, on vous conseille fortement le dernier shop de L’Eclaireur et ses choix artistiques forts. Niché au cœur du Marais, ce magasin offre ce qui se fait de mieux dans l’univers du textile, à l’abri des touristes encore ignorants du lieu. A noter aussi la toute première boutique L'Exception qui vient d'ouvrir dans les Halles.
10. Le jardin du Luxembourg : du luxe aux bourges
Il est mignon le jardin du Luxembourg avec ses petits bateaux qui voguent dans l’eau de la fontaine, ses chaises vertes et son joli manège. Lorsqu’on se promène en été, on s’y sent comme dans les ‘Triplés’ de Nicole Lambert. Les enfants ne courent pas trop vite, les chevelures sont bien peignées et les souliers brillants. Vous ne verrez jamais une bande de trentenaires égayés par leur bouteille de rosé et pour cause, rares sont les pelouses autorisées à la sieste. Les pique-niques, ça ne fait pas dans le 6e.
L'alternative : les Buttes-Chaumont
Un vrai truc de Parisien. Excentrées, discrètes, dressées sur les hauteurs de Belleville, les Buttes-Chaumont sont probablement l'espace vert le plus agréable et dépaysant dans Paris, avec leur lac artificiel, leurs ponts et leurs pelouses vallonnées. Dès qu'un rayon de soleil apparaît, les joggeurs y croisent les amateurs de pique-nique et les fêtards venus boire un verre au Rosa Bonheur ou au Pavillon du Lac.
11. Jim Morrison au Père-Lachaise : « This is the end »
Evidemment, on a tous plus ou moins adulé Morrison quand on avait 17 ans… Ivresse permanente, voix de velours, pantalon de cuir, poésie mystico-hallucinogène et autodestruction arty : comment ne pas trouver ça ultra-bandant quand on a des poumons et un foie encore frais ? Hélas, la célébrité du plus fameux résident du Père-Lachaise en a fait un lieu de visite aussi couru que la tour Eiffel. Jadis, bouteilles de whisky et cendriers remplis de gros oinjs s’entassaient ainsi sur la tombe du roi-lézard. Il a fallu réagir : exit donc les néo-hippies hagards et leurs portes de la perception, désormais, la tombe de Morrison, protégée par des barrières, se voit scrutée h24 par une caméra de vidéosurveillance.
L’alternative : Victor Noir
Le Père-Lachaise étant quand même un lieu assez sublime, restez-y ! Et si la tombe d’Oscar Wilde (représentant un superbe sphinx ailé) reste protégée des visiteurs, allez donc plutôt jeter un œil au gisant du journaliste Victor Noir, tué par balles à l'âge de 21 ans (par un membre de la famille de Napoléon III), et dont la tombe représente le corps gisant du jeune homme, affublé d’une remarquable érection ! La légende veut d’ailleurs que, sur cette tombe, des femmes viennent chercher la fertilité en s’y frottant. Témoin de cette pratique originale, le bas-ventre du gisant a d'ailleurs largement changé de couleur.
12. Saint-Michel et la rue de la Huchette : attrape les touristes si tu peux
Pour tout Parisien pur jus, la rue de la Huchette et la place Saint-Michel sont devenues les symboles du pire attrape-touriste de la ville, avec leurs fausses crêperies bretonnes, faux restaurants grecs, fausses brasseries parisiennes, aussi réalistes qu’un décor de carton pâte. C’est d’ailleurs le seul quartier de Paris où des éclaireurs viennent directement vous alpaguer dans la rue, ce qui n’est jamais bon signe (vous avez déjà vu des restos trois étoiles vous promettre 30 % de remise sur les grands crus ?).
L’alternative : le quartier du Sentier
Si vous cherchez un cadastre médiéval dans le centre de Paris, le Sentier vous offrira un paysage urbain plus authentique que celui du Quartier latin, grâce à ses petits grossistes et détaillants, installés notamment dans le plus vieux passage de Paris, celui du Caire. Certes, le quartier se transforme et devient branché, avec l’ouverture de bars comme le Lockwood et le Hoppy Corner, ou encore de restaurants tels que Frenchie et Edgar, mais les métiers du textile n’ont pas dit leur dernier mot. Récemment arrivé, le concept store la Garçonnière prouve que le Sentier n’abandonne pas sa vocation première.