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Par Houssine Bouchama et Rémi Morvan
La deuxième saison d'exploitation de La Station fut un vif succès, édifiant le lieu comme le phare de la culture alternative parisienne. Mais alors qu’elle devait prendre ses quartiers d'hiver, le spot de la Porte d'Aubervilliers ouvre au public ses espaces intérieurs à partir du 13 octobre, élargissant au maximum le spectre de ses prérogatives artistiques. Révélations exclusives – façon Bernard de la Villardière – de deux membres du collectif Mu, locataire du lieu.
Ils sont là, une petite dizaine, à se répartir les différentes tâches : raquer les murs, déplacer les meubles, installer la sonorisation... Le temps presse. Le 13 octobre, La Station-Gare des Mines va ouvrir son premier spot en intérieur, embastillé derrière son habituelle friche, de l'autre côté du périphérique. Deux espaces sur deux niveaux (dont un au sous-sol) qui accueilleront les jours de grosse affluence près de 400 personnes jusqu’à 2h du matin – tout en poussant occasionnellement la fête jusqu’aux premières lueurs de l’aube.
Pourtant, cloisonner le lieu entre quatre murs ne fut pas chose aisée. Dès le départ, le collectif Mu, occupant depuis mai 2016 de cette ancienne gare à charbon, se heurte à deux problématiques : une immobilière et une autre financière. Après avoir remporté un appel à manifestation d’intérêt, ils n’obtiennent qu’un bail de six mois. « Notre projet initial, c’était d’ouvrir l’extérieur et l’intérieur », explique David Georges-François, cofondateur et producteur du collectif Mu. « Mais ça n’avait pas de sens pour nous d’opérer un tel chantier à l’intérieur pour un lieu éphémère d’une seule saison. Et puis on avait besoin d’argent. »
La suite ? Tout se goupille parfaitement. La fin du bail est prolongée jusqu’à fin 2018, au moins. La SNCF, La Région et le CNV les aident financièrement. Et surtout, le succès des soirées permet progressivement de faire grossir la tirelire, au point que La Station est rapidement « shortlistée » parmi les meilleurs spots « underground » de Paris. Constatez vous-même : 70 000 spectateurs, 300 dates sur deux ans et des artistes de haut vol alignés en rang d’oignons – en témoignent la programmation électronique estivale ou le live du groupe Frustration, pour ne citer qu’eux. Désormais, c’est officiel : « Pour contrer les aléas de la météo, » La Station aura son « Entre les murs ».
De là, il a fallu reconstruire. Le lieu était à la ramasse, presque laissé à l’abandon après ses années Balafon, un club semi-clandé africain. « Quand on est arrivé, il y avait des impacts de balles », hallucine même Eric Daviron, le programmateur des lieux plus connu sous le nom d’Eric Stil. « Il y avait aussi un studio d’enregistrement avec plein de disques, une boîte en bas avec une cabine de DJ à l’ancienne, des escarpins qui traînaient et même un autel vaudou avec le passeport de l’ancien gérant. » David Georges-François renchérit : « Il y avait une fresque vaudou aussi. C’était un gros dawa ! (…) De cette époque, on ne garde que les murs pailletés. »
Le reste, c’est l’atelier Craft qui était chargé de l’imaginer. Déjà à l’origine de l’architecture de l’espace extérieur et du restaurant, il a imaginé l’idée d’un « chantier permanent », pour reprendre les termes de Roman Szymczak, l’une des trois têtes pensantes de Craft. Prenez place : des grands étais de maçon apparents, un bar indus avec de la tôle perforée, une cabine de DJ façon cage et, au milieu, un espace chill avec des canapés avec vue sur la scène. « Comme en extérieur, on est partis sur l’idée qu’on ne voulait pas du tout de parois pour que la scène soit visible de partout. » Le tout est résolument froid et métallique. Un parti pris réussi.
« On est un lieu alternatif, une sorte de squat légal »
Avec une capacité divisée par deux et des enveloppes allouées à l’artistique forcément plus fines, la Station se voit également obliger de repenser sa programmation et la portée du lieu. Au programme : une amplitude de la section concerts/soirées réduite du jeudi au samedi et une large place laissée aux autres formes artistiques les autres jours.
En termes de programmation musicale, certains genres trouveront plus facilement leur place dans les nouveaux intérieurs. Quand Eric Stil y voit l’occasion de « programmer davantage de soirées rock, un genre qui s’adapte plus au format salle et se nourrit de la chaleur et de l’énergie du public », David Georges-François insiste sur la future place laissée aux « musiques expérimentales qui se loveront parfaitement dans ces nouveaux écrins ». Une configuration qui sera mise à l’épreuve dès la mi-octobre avec des dates qui sentent bon le souffre et le sold-out : le 18 octobre avec l’une des très rares dates européennes en configuration live du space-krautrock des Red Axes, le lendemain avec Pharmakon ou le 21 pour la release party du nouvel album de Krikor sur le label L.I.E.S.
Autre avantage : pouvoir utiliser plusieurs espaces distincts à différents moments du jour, de la nuit et de la semaine. Les extérieurs étaient utilisés comme salle de cinéma ou ateliers ? La Station hivernale sera à la fois une station de radio – StationStation – qui émettra du lundi au mercredi, un studio de répétition et un atelier d’artistes avec l’ouverture du SonicLab le 28 octobre par le collectif Brutpop, qui promeut la musique expérimentale et les arts plastiques.
Enfin et sans doute l’un des pôles majeurs de cette nouvelle aventure, la mise en place de cartes blanches et la tenue d’expositions autour du travail de jeunes artistes. « Chez Mu, on a un spectre qui ne se limite pas à la musique, nous martèle David Georges-François. Je pense à Vincent Voillat, notre directeur artistique qui est issu de l’art contemporain. Notre idée aujourd’hui est de faire une expo par mois, de quatre cinq jours, avec un vernissage le dimanche. Un jour où cela ne se fait normalement pas. » C’est l’artiste Thomas Malenfant qui aura l’honneur de proposer du 1er au 9 novembre ‘Tenaces promesses, dérision magnifique’, la première exposition indoor et collective de la Station.
« On est un lieu alternatif, une sorte de squat légal », résume Éric Stil. « Sur le plan du format, on ne s'interdit rien, c'est d'ailleurs pour ça qu'on pense à l'ouverture de nuit », enchaîne David Georges-François. « Il y aura des privatisations, qui peuvent faire partie du modèle économique, surtout avec l'ouverture des intérieurs. Ca peut être par exemple des tournages ou des mariages. » En tout cas, nous, en attendant qu’un couple se dise « oui », on a hâte de continuer d’y traîner. Pour le meilleur et rarement pour le pire.
Voici le programme de la première semaine :
Mercredi 18 octobre : RED AXES (Live Full Band) • POISON POINT (Live) • Dj
Jeudi 19 octobre : Villette Sonique et La Station présentent : PHARMAKON • ENSEMBLE ECONOMIQUE • DEEAT PALACE
Vendredi 20 octobre : THE FRESH & ONLYS • MUGSTAR • Dj
Samedi 21 octobre : KRIKOR RELEASE PARTY
Quoi ? Ouverture des intérieurs de la Station
Où ? La Station - Gare des Mines, 29 avenue de la Porte d'Aubervilliers, Paris 18
Quand ? A partir du 13 octobre 2017